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« Ce qui sous-tend notre nouvelle organisation, c’est la confiance »

À la une | publié le : 01.01.2020 |

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« Ce qui sous-tend notre nouvelle organisation, c’est la confiance »

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Dans votre livre « Nous réinventons notre entreprise »1, vous détaillez le concept de « Grandir tous ensemble », que vous avez adopté pour faire évoluer GT Solutions. La confiance semble y jouer un grand rôle.

Michel Sarrat : Absolument. Nous avons commencé par nous poser une question essentielle, celle de l’équipe de direction. À quoi sert-elle ? Dans quelles conditions doit-elle fonctionner pour que, collectivement, ses membres soient efficaces et au service de l’entreprise ? Je pense que nombre d’organisations gagneraient à faire de même… Le fait que nous étions d’accord pour y réfléchir et pour faire évoluer la structure est entré en résonance, en cohérence, avec les changements que vivaient les salariés sur le terrain, du fait des évolutions économiques. Cela a accru leur confiance. Tout le travail, ensuite, a consisté à maintenir cette cohérence, afin que cela ne reste pas qu’un discours et un feu de paille. Conséquence de notre questionnement, nous avons changé notre gouvernance, et la gouvernance opérationnelle de l’entreprise. Alors que j’étais PDG, j’ai, à l’occasion du passage de relais à mon fils Mathieu, pris le poste de président du conseil d’administration, tandis que lui est devenu directeur général. Il s’agit, avec des administrateurs familiaux et d’autres, indépendants, de servir de miroir, voire de contrepoids au DG dans ses hypothèses stratégiques de travail. J’anime donc le conseil d’administration, devenu un lieu de ressources et de référence pour le directeur général. Je note que cette séparation a été adoptée par d’autres entreprises, petites ou grandes.

L’organisation de l’entreprise a-t-elle également changé ?

M. S. : Oui, et là encore, ce qui sous-tend cette nouvelle organisation, c’est la confiance. Nous avons demandé au DRH d’abandonner ses fonctions pour devenir directeur de l’innovation. Pendant quatre ans, les équipes des ressources humaines, dont nous connaissions les capacités, ont fonctionné en autonomie. Mais je rassure tout de suite les DRH, notre initiative n’est pas forcément modélisable ! À présent, nous avons une leader RH, qui coordonne les activités dédiées. Le fait que le DRH, un professionnel particulièrement charismatique, ait accepté en 2013 de se remettre en question et de changer de fonction a vraiment bluffé les salariés, cela a catalysé le changement dans toute l’entreprise. Autre signe de confiance : il y a trois ans, nous avons proposé aux collaborateurs, sur la base du volontariat, de fixer eux-mêmes leur rémunération. La pratique n’est pas généralisée, mais elle les responsabilise fortement et les sort de la seule relation avec leur manager direct, qui dictait auparavant les augmentations de salaire. Aujourd’hui, nous allons mettre en place un système de référence plus large, incluant des données extérieures en matière de rémunération, pour donner de meilleurs repères, même si nous avons constaté une certaine forme de régulation spontanée. Il y a également l’actionnariat salarié. Nos 2000 salariés détiennent actuellement environ 8 % du capital de l’entreprise familiale. Et tous les ans, au moment du versement de l’intéressement, ils peuvent mettre les fonds sur un plan d’épargne, en actions de l’entreprise. Un salarié sur deux décide de le faire, et si nous n’avons pas d’objectif particulier dans ce domaine, nous suivons cela avec beaucoup d’attention, puisque c’est une preuve de la confiance qu’ils ont dans l’entreprise. Enfin, nous mettons l’accent sur la transparence et nous effectuons des comptes-rendus réguliers des discussions qui ont lieu au sein du conseil d’administration. De même, nous donnons aux salariés, quel que soit leur poste dans l’entreprise, la possibilité de s’exprimer, et nous les écoutons. Tout le monde peut avoir quelque chose de pertinent à dire. Ce n’est pas toujours simple, mais si, par exemple, nous décidons de nous équiper d’un certain type de camion alors que les chauffeurs ont exprimé une autre préférence, les responsables de l’encadrement expliquent les raisons du choix, afin que cela fasse sens pour les collaborateurs. Cela prend du temps mais, là encore, ce dialogue est une marque de confiance envers les salariés.

La méthode que vous avez adoptée implique un lâcher-prise de votre part, et une bonne dose d’humilité, dites-vous. Comment y êtes-vous parvenu ?

M. S. : J’ai eu la chance d’avoir mon grand-père, qui a fondé l’entreprise, à mes côtés. Il m’a beaucoup inspiré. Il est passé par des hauts et des bas, mais c’était un homme debout, que le succès n’a jamais détourné de sa philosophie de vie. En outre, aussi bien dans l’entreprise qu’avec mes proches, j’ai été confronté à des personnes en détresse. Tout cela m’aide à relativiser quand cela ne va pas. Sans oublier la dimension spirituelle qui m’habite. Pour l’heure, j’ai beaucoup de joie à vivre cette période de transition, en passant le relais à mon fils. Certains parlent de sagesse, mais il faut aussi la folie de la jeunesse dans la vie !

(1) Éditions Diateino, 2018.