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Communication de recrutement : l’incidence des labels sur l’attractivité des employeurs

Idées | Recherche | publié le : 01.11.2019 | Delphine Philip de Saint Julien

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Communication de recrutement : l’incidence des labels sur l’attractivité des employeurs

Crédit photo Delphine Philip de Saint Julien

Les labels et les classements se multiplient pour souligner la qualité des conditions de travail offertes aux employés. Au-delà du recrutement, les employeurs doivent tenir compte du fait que les labels employeur dans des annonces de recrutement susciteront des attentes chez les nouveaux embauchés. La gestion de la marque employeur exige donc de veiller à la cohérence entre le « message d’attraction » et les conditions de travail réelles.

En 2019, au Canada, Sandoz, une entreprise de médicaments génériques et biosimilaires, a obtenu deux distinctions importantes en tant qu’employeur. Elle a été de nouveau reconnue parmi les 35 meilleurs employeurs, à Montréal, dans le cadre du concours annuel organisé par Mediacorp Canada, et elle a obtenu la certification meilleur employeur au Canada à l’échelle mondiale du Top Employers Institute. En France, EY, une société de services professionnels, est certifiée Great Place to Work et est classée numéro 1 en tant que Best Workplace 2019 dans la catégorie des entreprises de plus de 5 000 salariés. EY détient aussi la certification Great Place to Work aux États-Unis, en Chine, au Canada, au Royaume-Uni, en Pologne, en Autriche et en Belgique. Alors que de tels labels ou certifications sont historiquement courants pour souligner des réalisations dans d’autres fonctions de l’entreprise (qualité, responsabilité sociale, production, développement durable), ils sont relativement plus récents et très convoités dans le domaine de la gestion des ressources humaines en raison de la guerre des talents. En effet, la labellisation apparaît aujourd’hui comme un moyen de valoriser la marque employeur de l’entreprise en attestant de la qualité des conditions de travail qu’elle offre à ses employés, et donc comme un levier d’attraction et de fidélisation des talents.

Étude de type expérimental

S’engager dans une démarche de labellisation employeur exige toutefois d’y consacrer des ressources (temps, argent, expertises, etc.) alors que les effets de ces labels sur l’attraction et sur la fidélisation du personnel sont encore peu connus. Notre recherche vise justement à explorer les effets de la détention et de la communication de labels employeur dans le cadre d’une annonce de recrutement sur l’attractivité de l’entreprise aux yeux des candidats externes.

Dans le cadre de notre recherche, nous avons fait l’hypothèse que la présence d’un label dans une annonce de recrutement devrait améliorer l’attractivité d’un employeur aux yeux des candidats externes. Par ailleurs, nous avons voulu analyser l’influence de la présence de plus d’un label dans une annonce de recrutement : ceux-ci allaient-ils apparaître comme complémentaires ou, au contraire, comme source de confusion aux yeux des candidats ? Enfin, la relation entre la présence de labels et l’attractivité d’une organisation allait-elle varier selon le mode de propriété de l’entreprise, à savoir une coopérative ou une entreprise cotée en Bourse ?

Pour analyser ces liens, nous avons mené une étude de type expérimental : des publicités de recrutement existantes ont servi à développer les scénarios (annonces fictives) et les répondants ont été exposés aléatoirement à un seul des huit scénarios possibles. Les deux labels étudiés portaient sur les engagements sociaux et environnementaux de l’entreprise : le label Great Place to Work pour l’engagement social, et le label Les employeurs les plus écolos au Canada, pour l’engagement environnemental. Les répondants pouvaient être confrontés à des offres de recrutement qui contenaient (ou non) le label Great Place to Work et/ou le label Les employeurs les plus écolos au Canada et qui décrivaient le mode de gouvernance de l’entreprise (coopérative ou cotée en bourse). L’étude a été menée au Québec auprès d’un échantillon de 320 étudiants de l’enseignement supérieur en gestion, prêts à s’insérer sur le marché du travail.

Effets différenciés

Pour les dirigeants d’entreprise, les responsables RH et de la marque employeur, les résultats obtenus soulignent l’intérêt de s’engager dans des démarches de labellisation, mais ils les invitent en même temps à réfléchir à la manière de communiquer sur les certifications obtenues dans leur communication de recrutement. En effet, si les candidats à l’embauche sont aujourd’hui attentifs au fait qu’un futur employeur soit engagé dans une démarche RSE, notre recherche fait ressortir des effets différenciés selon les labels communiqués et selon le mode de gouvernance de l’entreprise.

1) Le label Great Place to Work est efficace pour renforcer l’attractivité de l’entreprise en tant qu’employeur.

Le label Great Place to Work atteste de l’engagement social de l’entreprise et signale aux personnes en recherche d’emploi que les conditions de travail offertes seront bonnes. En effet, les candidats, qui disposent de peu d’informations sur l’entreprise avant le recrutement, sont plus à même d’évaluer la compatibilité entre leurs valeurs et celles de l’entreprise et infèrent qu’une entreprise qui a obtenu ce label Great Place to Work est plus prestigieuse, la rendant ainsi plus attractive qu’une entreprise n’ayant pas ce label.

2) Trop de labels tuent le label.

Il pourrait en effet être tentant de multiplier les labels afin de cumuler les effets positifs de chacun. Cependant, il s’avère qu’apposer le label écologique aux côtés du label Great Place to Work n’augmente pas l’attractivité de l’entreprise. En cas de multilabellisation, l’effet de substituabilité semble l’emporter sur l’effet de complémentarité entre les deux labels, autrement dit la présence de plusieurs labels apparaît comme à l’origine d’une surcharge informationnelle et donc source de confusion pour les candidats. Ceci peut aussi signifier que les candidats ne voient pas ces labels comme complémentaires, mais qu’ils établissent une hiérarchie entre les labels employeur en privilégiant ceux qui sont liés à leurs conditions de travail plutôt que ceux qui les informent sur l’intégration de la responsabilité environnementale dans leur environnement professionnel. En situation de choix, les candidats semblent valoriser davantage les conditions de travail offertes par une organisation que ses réalisations sur le plan écologique.

3) Quand les labels Great Place to Work et écologique sont mis en concurrence, leurs effets diffèrent selon le mode de gouvernance de l’entreprise.

Dans le cas des entreprises coopératives, l’utilisation d’un label plutôt que l’autre est neutre : le fait de communiquer l’un ou l’autre label ne modifie pas significativement l’attractivité organisationnelle. En revanche, pour les entreprises cotées en Bourse, par rapport à une annonce de recrutement sans label, la communication du label Great Place to Work seul améliore l’attractivité de l’entreprise alors que la communication du label écologique seul la dégrade. Deux explications de ce résultat peuvent être avancées.

Premièrement, les entreprises cotées en Bourse qui affichent un label écologique pourraient être perçues comme le faisant uniquement pour apparaître comme plus vertueuses qu’elles ne le sont réellement aux yeux des futurs employés (effet de green-washing), et ce en dépit de l’investissement aussi bien temporel que financier que représentent les démarches de labellisation pour les entreprises mal connues des candidats.

Deuxièmement, il se pourrait que l’effet du label Great Place to Work soit réduit pour les coopératives dans la mesure où les associations d’image de ce label pourraient être déjà contenues dans le statut coopératif. En effet, les coopératives peuvent être considérées comme étant, par essence, socialement responsables en raison de leur gouvernance, de leur modèle spécifique et des valeurs qui y sont associées et, de ce fait, davantage préoccupées par l’intérêt des différentes parties prenantes. À l’inverse, une entreprise cotée en Bourse, par sa gouvernance actionnariale, peut apparaître, aux yeux des candidats potentiels, comme étant avant tout, voire exclusivement, attentive aux intérêts des actionnaires.

Conclusion

En résumé, il apparaît préférable, pour une entreprise, de ne communiquer que le label Great Place to Work plutôt que de communiquer un label écologique ou les deux labels (Great Place to Work et Les employeurs les plus écolos au Canada) pour améliorer son attractivité aux yeux des candidats. D’une part, les entreprises cotées en Bourse ont tout à gagner en matière d’attractivité organisationnelle à n’apposer, sur leur annonce de recrutement, qu’un seul logo qui signale des bonnes conditions de travail et donc l’engagement social de l’entreprise. D’autre part, les entreprises coopératives peuvent avoir recours à l’un ou l’autre des deux labels pour améliorer leur attractivité, à condition, bien évidemment, de communiquer clairement leur mode de gouvernance dans leur annonce de recrutement.

Finalement, au-delà de l’étape du recrutement, il s’avère crucial que les employeurs tiennent compte du fait que la présence de labels employeur dans des annonces de recrutement suscitera des attentes chez les nouveaux embauchés. La gestion de la marque employeur exige donc de veiller à la cohérence entre le « message d’attraction » et les conditions de travail réelles que les nouveaux employés vivront sur les lieux de travail. À défaut, le sentiment de rupture du contrat psychologique risque d’être source d’insatisfaction et d’amener certains employés à quitter leur employeur.

Chloé Guillot-Soulez

Maître de conférences HDR en sciences de gestion à l’IAE Lyon (université Jean-Moulin Lyon 3), elle est responsable pédagogique du master 2 ressources humaines et organisation, membre du centre de recherche Magellan et de la chaire Lyon 3 coopération.

Sylvie Saint-Onge

Professeure titulaire à HEC Montréal, elle est chercheuse au sein du Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (Cirano), formatrice pour le collège des administrateurs de sociétés (CAS) de l’université Laval (Québec), chercheuse principale et cochercheuse dans deux programmes financés par le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada (CRSH).

Sébastien Soulez

Professeur des universités en sciences de gestion à l’université Lyon 2, il est membre du laboratoire Coactis et de la chaire Lyon 3 coopération.

Auteur

  • Delphine Philip de Saint Julien