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Quand l’entreprise écoute ses salariés

Dossier | publié le : 01.11.2019 | Judith Chétrit

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Quand l’entreprise écoute ses salariés

Crédit photo Judith Chétrit

Baromètres d’engagement et d’expérience des collaborateurs, enquêtes sur la qualité de vie au travail, études sur le climat social, feedback manager, questionnaires spécifiques sur la prévention des risques psychosociaux, groupes projets chargés de coconstruire des plans d’action… Les dispositifs d’écoute et de recueil de la parole des salariés ne cessent de se multiplier. Revue de détail.

D’après une enquête de l’AFCI, « comprendre et écouter le corps social » est une mission à laquelle les communicants aimeraient consacrer plus de temps (11,9 % de leur travail décomposé, contre 17,1 % du temps souhaité). Si l’anonymat et la confidentialité des résultats restent des invariants, les thématiques et les modalités d’écoute se diversifient.

Bien que certaines directions préfèrent encore l’envoi de questionnaires au domicile des salariés, une telle démarche est formellement facilitée par le développement d’outils numériques. Avant de se spécialiser dans la gestion de la relation client, l’éditeur de logiciels Eloquant a commencé à travailler au début des années 2000 avec des grandes entreprises pour le lancement d’enquêtes internes avec une analyse sémantique des résultats. « Ces baromètres servaient surtout à accompagner le changement d’une stratégie afin de vérifier l’adhésion des salariés », raconte Alain Bouveret, le directeur général. Aujourd’hui, il lui arrive de proposer à des clients des enquêtes miroir pour ausculter la « symétrie des attentions » portées aux clients et aux salariés. « Cela peut être un bon début pour embarquer des collaborateurs réticents dans un dispositif d’écoute », ajoute-t-il. D’autant plus qu’il existe aujourd’hui de multiples plateformes, comme Glassdoor, qui recueillent la parole d’anciens et d’actuels salariés. Du protocole de questionnement au traitement des réponses en passant par la collecte, chaque étape doit être pensée en amont et communiquée aux équipes pour en assurer une meilleure diffusion.

Manque de cohérence ?

« Il y a de plus en plus de solutions clé en main à partir d’applications installées sur des Smartphones de collaborateurs. L’avantage affiché, c’est l’immédiateté, et l’offre est souvent ludique pour espérer accroître la participation. Cela peut en revanche questionner la réelle volonté d’écoute des entreprises », juge Assaël Adary, président du cabinet d’études et de conseil en communication Occurrence. Il est ainsi plus facile de déclencher des enquêtes, parfois sur des microsujets, à l’échelle d’une équipe ou d’une activité pour saisir une humeur à un instant précis. « Interroger fréquemment des publics peut se faire au détriment d’une méthodologie fiable, notamment concernant la représentativité des sondés. Qui peut garantir que les réponses à différentes études flashs ne sont pas le fruit des mêmes collaborateurs plus enclins à donner leur avis ? » ajoute Assaël Adary, qui a piloté une étude sur « l’écoute enrichie » pour l’association Communication et Entreprise. Pour lui, le prérequis indispensable reste le « comment », conditionné au « pourquoi » de l’écoute. « Avec l’accélération des processus et la multiplication d’enquêtes à différents niveaux pour agréger des données, cela peut parfois manquer de cohérence. Le salarié est invité à répondre mais il ne sait pas à quoi et pourquoi », signale Cécile Merieau, senior manager du pôle écoute et engagement du cabinet Obea. Lorsque le distributeur de fournitures aux entreprises Lyreco a voulu spécialiser un cinquième de ses 700 commerciaux généralistes, les directions commerciales et des ressources humaines ont travaillé sur un dispositif permettant de récolter les vœux d’évolution de carrière des salariés, avec des référents formés à répondre à des questions sur une plateforme en ligne. Un processus loin d’être nouveau dans une entreprise qui dispose, depuis une quinzaine d’années, de réunions de droits d’expression où une douzaine de salariés peuvent remplir des « fiches insatisfaction ». « Cela crée un moment de parole entre un manager et son équipe. Ce sont surtout des questions sur leur environnement, pas tant sur le discours de l’entreprise », avance Ingrid Gaumeton, DRH Lyreco France.

Engagement et animation

Mieux vaut ensuite réussir à tracer un suivi entre l’écoute, la communication et le débriefing autour des résultats des enquêtes. Ce n’est qu’à ce moment-là que l’esprit d’attention et de transparence diffusé au travers d’un tel dispositif peut être converti en un outil de management. « La qualité des résultats dépend étroitement de l’engagement et de l’animation. C’est pareil pour l’après-enquête : c’est un raté si l’entreprise ne restitue pas les résultats, si elle procède à des changements sans communiquer, si elle ne mesure pas les effets des actions entreprises, ou si elle n’est pas prête à intégrer des attentes », juge Cécile Merieau. Certaines entreprises font le choix de nommer des managers en guise de référents. « Les salariés peuvent le percevoir comme un outil cache-misère. Si vous le faites mal, vous risquez d’abîmer votre management intermédiaire. Certains sujets seraient ressentis comme inutiles à sonder quand la direction n’a pas de leviers d’action », argumente Alain Bouveret. L’annonce de la relocalisation dans quelques années des activités de Crédit Agricole Technologie et Services autour de six sites s’est accompagnée de la mise en place de « cafés de la transfo », tous les un à deux mois, en fonction du volume de salariés. Ce regroupement, qui concerne 500 à 600 personnes, donnera lieu à des mobilités internes, à des départs en préretraite ou à la signature d’une rupture conventionnelle collective. « Lorsque vous vous engagez à participer à ce type d’échanges face à une cinquantaine de personnes, c’est difficile d’être langue de bois. Vous devez apporter des éléments de réponse concrets et répondre à des insatisfactions », juge Marc Do-Van-Tuan, directeur RH et communication. « Une semaine avant un “café de la transfo”, des “ambassadeurs” sur chaque site nous remontent des sujets pour que le dispositif ne tombe pas à plat », ajoute Pierre-Jacques Lemerle, directeur pilotage de la transformation et organisation. Il arrive aussi que ce soit les salariés qui participent à l’élaboration des questionnaires diffusés au reste des collègues. En 2016, dans les 170 restaurants en propre du réseau Flunch, un groupe de travail avec deux représentants par région a été constitué en amont du baromètre social. « C’était manifester une plus grande considération et une plus grande écoute à un moment où le projet de l’entreprise disait vouloir déployer un management plus collaboratif », justifie Cathy Colapietra, responsable de la qualité de vie au travail. La direction a décidé de suivre l’évolution de la participation et des réponses tous les deux ans.

La mode des podcasts d’entreprise

Parallèlement à un fort investissement dans la production de vidéos, les équipes de communication interne commencent à renforcer leur présence dans le son. Au menu : des radios internes diffusées au moment de la prise de service dans la distribution, l’enregistrement de podcasts pour fêter l’anniversaire d’une marque, ou la présentation d’une nouvelle stratégie, voire la diffusion de contenus de formations à écouter quand le collaborateur le souhaite. D’ici 2020, Burger King France prévoit de poursuivre la diffusion d’une matinale personnalisée de trois heures pour ses salariés occupés par la mise en salle et par les préparatifs, avant l’ouverture. Celle-ci mêle des infos sur les restaurants, des dédicaces, des jeux et de la musique afin de susciter « un fort sentiment d’implication et d’appartenance à la marque pour accompagner son développement ». Afin de fournir ces prestations, agences, radios et studios de production sont sur les rangs. C’est le cas de Mediameeting, pourvoyeur de radios d’entreprise pour des équipes de com’ interne. Parmi ses clients figurent Carglass, Crédit Agricole, Mousquetaires ou Opcalia. « Il y a une forte demande pour la communication managériale. On mène des interviews avec des experts ou avec des responsables d’enseignes qui partagent leur parcours, leur quotidien, ou leurs sujets stratégiques. Mais on propose aussi des formats plus narratifs, où l’historique des entreprises est retracé à l’occasion d’un anniversaire par exemple », précise Anne-Marie de Couvreur, la présidente-fondatrice. La centaine de commerciaux d’Arkopharma reçoivent un flash hebdomadaire de quelques minutes sur les produits et sur les retours d’utilisateurs. Et la foncière Gecina a décliné son rapport annuel en douze épisodes…

Auteur

  • Judith Chétrit