Mon bloc-notes intitulé « Les vertus du débat » (« Liaisons sociales magazine » n° 202) – où j’encourageais à l’audace pour libérer la parole dans les entreprises aussi – a suscité des réactions, preuve qu’il y a des lecteurs, mais preuve, surtout, que ces débats interpellent et intéressent.

Levons un malentendu : démocratie représentative et démocratie « directe » ou « participative » ne sont pas antagoniques, elles peuvent, au contraire, se nourrir mutuellement. Dans les entreprises, la première passe par le CSE et les règles de représentativité pour la négociation collective, mais aussi désormais par la place des salariés dans la gouvernance par le biais des élus au conseil d’administration. Le dernier ouvrage de Thomas Piketty a le mérite – quoi qu’on pense de ses propositions – de poser ce débat essentiel de la gouvernance qui touche à la raison d’être de l’entreprise comme à la régulation de l’économie de marché. La participation au CA, un vrai moteur pour des parties prenantes à la fois plus puissantes et plus responsables ?

L’implication des salariés dans l’élaboration de la stratégie, dans la marche de l’entreprise et dans sa transformation, l’expérience client comme leur propre expérience collaborateur, ne peuvent être satisfaites par ces seuls mécanismes institutionnels. Les salariés veulent plus ! Management comme organisations syndicales devraient s’en réjouir, et y voir un levier formidable de motivation et d’engagement, un antidote à l’individualisme et au repli. D’autant qu’au cœur des sujets sur lesquels les salariés veulent s’exprimer et être entendus il y a… le travail lui-même. Mais l’ingénierie de ces « mises en débat » reste largement à inventer : autant le dialogue social d’entreprise est objet d’études et d’échanges de pratiques, autant ces expériences d’expression-implication des salariés sont peu confrontées1 ; un vrai sujet à investir !

En première ligne, comme souvent : l’encadrement, managers autant qu’experts. Comme dans la société – la crise des « gilets jaunes » l’illustre –, la légitimité du pouvoir délégué ne suffit pas à assurer l’adhésion ou même l’obéissance. Cela fait longtemps que les entreprises sont conscientes des limites de la culture de l’autorité et du management vertical. Et que l’on a ouvert le chantier de la mutation du management : agile, coopératif, bienveillant, et inclusif… mais tout en restant bien sûr garant des résultats mensuels et de la performance opérationnelle ! Des injonctions parfois contradictoires et une exigence sans cesse accrue : magnifique défi pour chaque cadre, mais aussi défi collectif dans les entreprises comme dans les administrations ! Ne négligeons pas cette dimension collective…

La réforme des retraites va focaliser l’attention des « amis du social » (les lecteurs de « Liaisons » !). Avec un temps long de concertation – chose heureuse si la montagne n’accouche pas d’une souris –, le Gouvernement avance sagement. Mais cet arbre, pour considérable qu’il soit, ne doit pas cacher la forêt des enjeux du moment et des innovations qui s’annoncent dans les mois qui viennent. Par exemple le lancement de l’app « Mon compte formation », qui va donner au CPF une dimension pratique et « consumériste » nouvelle. « L’outil n’est pas l’œuvre » est l’une de mes devises préférées, aussi je me garderai de faire de ce lancement un aboutissement quand ce n’est qu’un commencement… qui ne marchera qu’avec beaucoup d’accompagnement. Là aussi l’enjeu est de taille, même s’il est moins « glamour » que d’autres : rien moins que la montée des compétences pour tous, et à sa suite celle de la performance de notre économie !