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Faut-il un nouveau plan emploi pour les seniors ?

Idées | Débat | publié le : 01.10.2019 |

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Faut-il un nouveau plan emploi pour les seniors ?

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Le Premier ministre a annoncé au début de l’été que le Gouvernement plancherait sur un « grand plan pour l’emploi des seniors ». Si ces derniers sont en partie exclus de la réforme de l’assurance-chômage, notamment les cadres de plus de 57 ans, à peine plus d’un Français sur deux est encore en poste à 60 ans. Sachant que les plans précédents – dont le contrat de génération, lancé en 2013 – ont déçu, la question reste entière…

Henri Sterdyniak Économiste à l’OFCE.

Une contradiction existe entre la préconisation de reporter à 64 ans l’âge de la retraite à taux plein et les mesures visant à favoriser la flexibilité de l’emploi, et donc de permettre aux entreprises de licencier plus facilement. Le risque existe que les entreprises en profitent pour se débarrasser de salariés vieillissant. L’expérience montre que si les seniors peuvent se maintenir en emploi dans leur entreprise, il leur est difficile de retrouver un emploi.

En même temps, la question de l’emploi des jeunes se pose aujourd’hui avec autant d’acuité que celle de l’emploi des seniors. Depuis début 2008, malgré la crise, le taux d’emploi des 55-65 ans a augmenté régulièrement, passant de 35,8 % à 50,8 %, leur taux de chômage (rapporté à leur population totale) a augmenté de 1,4 % à 3,8 %, mais reste bas. En même temps, le taux d’emploi des jeunes baissait de 32 % à 30,3 %, leur taux de chômage passant de 6,5 % à 6,9 %.

Cela amène à quatre préconisations contradictoires. Des possibilités de retraite précoce doivent être créées pour les emplois difficiles à tenir après un certain âge ou, sur critère médico-social, pour des personnes qui ne peuvent espérer retrouver un emploi. Des emplois dans les collectivités locales ou dans des entreprises d’insertion doivent être offerts à celles que les entreprises refusent d’embaucher. Chaque entreprise doit prendre conscience qu’elle devra conserver ses salariés jusqu’à 64 ans ; cela impose que soit préservée leur employabilité (sur le plan physique comme sur celui des compétences), et que les carrières soient repensées, avec des possibilités de reconversion pour les emplois pénibles ; cet objectif doit faire l’objet de négociations sociales dans l’entreprise ou dans la branche. Par ailleurs, à court terme, c’est avant tout l’emploi global qu’il faut impulser.

Valérie Gruau : Fondatrice de seniorsavotreservice.com (premier site d’emploi seniors en France).

Pendant des années, on a favorisé les départs à la retraite anticipés qui ont inscrit dans les esprits que, passé 50 ans, on s’approchait doucement de la retraite et qu’à 57-58 ans, on pouvait espérer arrêter. Nous payons aujourd’hui les conséquences de ces politiques qui ont créé des préjugés sur l’employabilité des seniors. Les plans précédents n’ont donné que des résultats limités. On prendra pour exemple le contrat de génération qui a été un échec, avec moins de 40 000 contrats signés. Cependant d’autres solutions sont à imaginer, le Gouvernement a annoncé s’y pencher. C’est un marqueur fort, souhaitons que des solutions efficaces soient proposées. Pourquoi est-ce important ? Les seniors sont la catégorie de demandeurs d’emploi qui reste le plus longtemps au chômage. 60 % des plus de 55 ans sont sans emploi depuis plus d’un an (contre 41 % pour les plus jeunes). Les seniors sont de plus en plus nombreux au chômage. Entre 2008 et 2018, le chômage des seniors a progressé de 179 % (contre 21 % pour les 15-54 ans) !

L’âge légal de la retraite va être repoussé à terme, il y aura donc encore plus de seniors potentiellement au chômage. Avec le système à points, il faudra travailler jusqu’à 62 ans au moins. Or à 60 ans, moins d’un Français sur deux a un emploi. Et enfin, c’est important de trouver des solutions car près d’un million des plus de 50 ans étaient au chômage au premier trimestre 2019.

Au-delà des actions menées par le Gouvernement, c’est au sein des entreprises qu’il faut agir.

Il faut changer les mentalités et montrer l’intérêt d’harmoniser la pyramide des âges dans les équipes. Il est nécessaire de sensibiliser tous les niveaux hiérarchiques de l’entreprise sur l’intérêt de recruter des seniors ou de maintenir les seniors dans leur emploi. La volonté est parfois forte au niveau du top management mais elle se dégrade au niveau du middle management qui s’oriente sur des profils plus jeunes.

Il faut également penser formation. Les seniors offrent une grande stabilité dans leur poste et génèrent moins de turnover. Il est donc nécessaire de continuer à leur proposer des formations qui leur permettent d’évoluer dans l’entreprise et de donner le meilleur tout en se sentant considérés par l’entreprise.

Vincent Godebout : Délégué général de Solidarités nouvelles face au chômage.

La situation des 50 ans et plus est aujourd’hui extrêmement paradoxale : incités par les pouvoirs publics à prolonger leur activité, ils subissent la défiance des employeurs. En effet, bien que la participation des seniors au marché du travail connaisse une amélioration sensible, les représentations souvent négatives liées à l’âge entraînent une réticence des employeurs à les maintenir en emploi comme à les recruter. Si bien qu’avec l’âge, les perspectives d’emploi et les opportunités de formation diminuent fortement. Les seniors, qui se distinguent par des difficultés de retour à l’emploi bien supérieures à celles des autres tranches d’âge, se retrouvent donc vulnérables face au chômage, particulièrement de longue durée.

Malgré ces constats, l’emploi des seniors occupe une place mineure dans la politique de l’emploi définie par les pouvoirs publics, qui ont préféré accorder une priorité à la lutte contre le chômage des jeunes. Alors que les propositions de Jean-Paul Delevoye prévoient que l’âge de la retraite à taux plein soit fixé à 64 ans, il manque encore des décisions fortes pour permettre à tous de travailler jusqu’à la retraite. En effet, reculer l’âge de départ à la retraite ne pourra se traduire par une augmentation sensible du taux d’activité des seniors qu’à une condition : que les personnes concernées par le relèvement de l’âge d’ouverture des droits aient la possibilité de se maintenir en emploi ou d’en retrouver un. C’est pourquoi la réforme des retraites ne pourra se faire sans que ne soit pensée une nouvelle dynamique destinée à favoriser le maintien dans l’emploi des seniors et permettre le retour à l’emploi de ceux qui en sont éloignés.

Ce qu’il faut retenir

// Amélioration. Selon les chiffres de l’Insee, en 2018, le taux d’emploi des 15-64 ans a augmenté. Une hausse plus marquée chez les jeunes… et chez les seniors, le taux pour les 50-64 ans ayant progressé de 0,9 point, pour s’établir à 62,1 %. En outre, le taux d’emploi progresse davantage pour les 60-64 ans (+ 1,6 point, à 31 %) que pour les 50-59 ans (+ 0,6 point, à 76,4 %). Une amélioration par rapport à l’enquête Emploi de l’Insee réalisée sur la période 2015-2017, qui révélait à l’époque que seuls 42,2 % des Français de plus de 60 ans étaient encore au travail. Enfin, l’Insee note dans son enquête 2018 que si le taux de chômage diminue de 0,4 point parmi les 50-59 ans, il augmente de 0,6 point pour les 60 ans et plus.

// Amélioration bis – Selon les chiffres de l’organisme, au deuxième trimestre 2019, quelque 912 800 personnes de 50 ans et plus étaient inscrites à Pôle emploi, soit une légère baisse (de 0,4 %) par rapport au premier trimestre, et un recul de 0,6 % sur un an. Cela dit, cette relative amélioration a encore du mal à corriger la tendance de fond, puisque de 2008 à 2018, le nombre de seniors demandeurs d’emploi a augmenté de 179 % (contre 21 % pour les 15-54 ans).

// Point noir – Selon la dernière étude du ministère du Travail publiée à la mi-mars, la proportion de chômeurs de longue durée reste nettement supérieure chez les plus âgés par rapport au reste de la population active. Ainsi, 60,2 % des plus de 55 ans étaient au chômage depuis plus d’un an en 2018, contre 41,8 % pour l’ensemble des demandeurs d’emploi de 15 à 64 ans.

En chiffres

83 %

C’est, selon l’OCDE, le taux d’emploi des 55-64 ans au quatrième trimestre 2017 en Islande, le meilleur élève du groupe des pays industrialisés. Le taux de l’Allemagne est à 70,9 %. Si celui de l’Union européenne est à 57,7 %, c’est que le taux du Danemark est à 69,1 %, celui du Royaume-Uni à 64,4 %, celui de la France à 52,2 %, celui de l’Espagne à 51 % et celui de l’Italie à 53,1 %, entre autres.

Source : www.oecd.org/fr/emploi/emp/vieillissementetpolitiques delemploi.html

4,7 %

C’est la part des seniors dans l’ensemble des dispositifs d’emplois aidés, selon la dernière étude de la Dares à la fin 2018.

Source : https://dares.travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/tdb_seniors_juin_2019.pdf