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De l’art de soigner la marque employeur

À la une | publié le : 01.10.2019 | Nathalie Tran

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De l’art de soigner la marque employeur

Crédit photo Nathalie Tran

Pour se démarquer face à la concurrence, et surtout ne pas être assimilées à certains VTCistes et autres acteurs de la foodtech dont les pratiques sont aujourd’hui décriées, bon nombre de plateformes de mise en relation entre free-lances et entreprises misent sur un business model innovant, mais aussi sur les services, de plus en plus nombreux, qu’elles prodiguent à leurs utilisateurs. Une course à la séduction qui vise à consolider le statut des travailleurs indépendants en leur permettant de bénéficier d’avantages jusqu’ici réservés aux salariés.

Le free-lancing rencontre de plus en plus d’adeptes : près d’un million de professionnels, soit plus d’un Français sur dix, exercent aujourd’hui leur activité en solo. Sans compter ceux qui travaillent en free-lance en complément d’un emploi salarié. D’après une étude du cabinet McKinsey, si l’on comptabilise également ces multi-actifs – ou « slashers » –, ce sont en réalité entre 20 et 30 % de la population active qui seraient concernés par ce mode de travail. Depuis une dizaine d’années, le travail indépendant gagne du terrain, facilité par les nouvelles technologies et porté en grande partie par les jeunes générations. Plus d’un tiers des millennials (35 %) sont free-lance. Cette tendance révèle non seulement une profonde transformation culturelle, mais elle annonce aussi une évolution structurelle du monde du travail à laquelle les entreprises vont devoir s’adapter. L’étude Malt-Ouishare 2019 le confirme : 90 % des free-lances le sont par choix et non par contrainte, poussés par un désir d’autonomie. C’est notamment le cas de 96 % des professionnels du Web. Le succès de la plateforme Malt (anciennement Hopwork), essentiellement dédiée à une communauté de free-lances travaillant dans le numérique, en est une illustration. Lancée en 2013, la marketplace revendique aujourd’hui plus de 100 000 inscrits. Et si 89 % des personnes interrogées lors de l’étude Malt-Ouishare ont déjà été salariées, 88 % déclarent ne vouloir pour rien au monde revenir en arrière, même si elles sont nombreuses à reconnaître que le statut d’indépendant est loin d’être un long fleuve tranquille. Un pourcentage en progression de 5 points par rapport à l’an dernier.

Business en plein essor

Pouvoir gérer son temps à sa guise, choisir les projets sur lesquels on a envie de s’investir et travailler sans avoir à subir de pression hiérarchique sont les principales motivations qui amènent un nombre grandissant de Français à bouder l’entreprise et à monter leur société unipersonnelle, à opter pour le portage salarial ou à devenir microentrepreneur. Un statut qui séduit désormais 42 % des indépendants, hors secteur agricole, contre 26 % en 2011. Selon les chiffres présentés par l’Acoss (Agence centrale des organismes de Sécurité sociale) en juillet dernier, 1,4 million de personnes ont ouvert un dossier auprès de l’Urssaf, dont un million déclarent un chiffre d’affaires. De leur côté, que ce soit pour pallier la difficulté à recruter les bons profils, ou pour des besoins de flexibilité et de maîtrise des coûts, les employeurs hésitent de moins en moins à recourir aux services de professionnels externes, qu’ils soient free-lances, intérimaires, consultants, ou encore managers de transition. Finalement, peu importe la nature du contrat, ce sont les compétences recherchées qui priment. Tout particulièrement dans le domaine de la tech où les professionnels (développeurs, devOps, data scientists…) sont parmi les plus convoités.

Résultat, des myriades de plateformes d’intermédiation se sont engouffrées ces dernières années sur ce créneau du travail indépendant, jusqu’ici dominé par les agences traditionnelles, dont elles ont allègrement chamboulé les règles du jeu grâce à l’innovation technologique. Certaines sont spécialisées dans le management de transition ou dans le consulting, à l’instar d’Expanders, l’un des derniers nés sur ce marché, dont l’ambition est de démocratiser l’accès au conseil en proposant aux start-up et aux PME l’expertise de dirigeants seniors indépendants, à des tarifs compétitifs. D’autres s’adressent à une communauté de professionnels, comme Graphiste, qui cible les créatifs, ou Codeur, Comet ou Malt, pour ce qui concerne les métiers du Web. Bref, leur nombre croît de jour en jour, d’autant que ce business en plein essor n’intéresse plus seulement les start-up, mais attire à présent de grands groupes de portage salarial ou d’intérim. C’est le cas de The Adecco Group, notamment, qui après avoir lancé, il y a trois ans, Mon agence en ligne, une plateforme digitale spécialisée dans l’intérim, s’est tourné en 2017 vers le free-lancing en créant Yoss – pour « Your own boss » (« votre propre patron ») – « afin d’accompagner un marché qui, à terme, pourrait représenter trois fois celui du travail temporaire », expliquait Alain Dehaze, son CEO, lors de son lancement. Le groupe suisse entend faire de Yoss « la plus grande plateforme généraliste de mise en relation entre free-lances et grands groupes au monde » et, pour cela, être « plus qu’une marketplace », précise Guillaume Herrnberger, cofondateur et COO de Yoss. C’est-à-dire, ne pas seulement apporter des missions aux free-lances, mais leur offrir également des services RH à la carte et développer leur parcours professionnel.

Pour se démarquer dans cet univers ultra-concurrentiel et fédérer autour d’eux un vivier de professionnels, les nouveaux acteurs misent sur la particularité de leur business model, ainsi que sur un accompagnement à 360° de leurs utilisateurs. Yoss, par exemple, propose aux free-lances « une carrière très vertueuse et sécurisée » avec au menu plusieurs offres de services. Ils peuvent ainsi bénéficier d’une mutuelle, d’une assurance, d’un service juridique et comptable, mais aussi ouvrir un compte bancaire professionnel ou trouver un espace de coworking. Le tout négocié à des tarifs avantageux. L’idée : « Chouchouter les free-lances, leur fournir les mêmes avantages que s’ils étaient salariés d’un grand groupe. » Idem chez Malt, où l’offre Sésame vise à répondre à « l’ensemble de leurs besoins » et pallier notamment une certaine précarité induite par leurs revenus fluctuants. Une difficulté éprouvée par 56 % des free-lances, comme l’indique l’enquête 2019. À cet effet, la plateforme IT s’est également entourée de start-up, dont la néobanque Quoton et l’assurance indépendante Alan, pour faciliter leur quotidien et les libérer de tâches qui les empêchent de se concentrer sur leur activité, en les soulageant d’une phase de benchmark chronophage. En matière de formation, Malt leur donne notamment accès à des cursus intensifs en développement Web et UX/UI design et à des cours certifiants gratuits en ligne, avec Open classroom, pour se perfectionner dans leur domaine de compétences. « Il y a beaucoup d’autodidactes parmi nos free-lances. Le fait qu’ils puissent se former en permanence rassure par ailleurs les employeurs », souligne Marion Bernès, responsable communication. Une palette de services « sur mesure » amenée à évoluer, l’objectif de Malt, comme celui de Yoss, étant d’intégrer toujours plus de partenaires à son écosystème pour satisfaire au mieux les aspirations des travailleurs indépendants. La marketplace IT, par exemple, envisage prochainement de faciliter l’accès au logement. Un sujet que plus d’un free-lance sur deux (52 %) souhaiterait voir abordé dans le débat public.

Sécurisation

Mais c’est sans doute sur la rémunération que les différents acteurs rivalisent le plus d’imagination, avec pour volonté de se positionner non pas seulement comme des plateformes de mise en relation entre les entreprises et les free-lances, mais comme des tiers de confiance qui permettent de sécuriser leurs relations de travail. Quand Yoss garantit un paiement en 72 heures à date de validation de la facture, Malt sécurise le paiement en incitant le client à provisionner le montant du devis afin que celui-ci soit débloqué 48 heures après la fin de la mission. « Certaines entreprises ont des délais de paiement très longs, qui parfois peuvent atteindre 45 jours. Dans ce cas, Malt avance les frais aux free-lances pour qu’ils soient payés dans les temps », précise Marion Bernès. Arrivée dans le business en mars 2019, la plateforme BeastieJob, spécialisée également dans le free-lancing IT a, quant à elle, jeté un pavé dans la mare en décidant de s’affranchir des modèles économiques de ses concurrentes, qui prélèvent une commission mensuelle sur les missions qu’elles facilitent. Celle-ci est de 15 % chez Comet, de 12 % chez Yoss et de 10 % chez Malt. « Cette prise de commission sur la durée de la mission n’est pas justifiée et elle incite le recruteur à orienter son choix vers tel ou tel profil en fonction du coût final de la prestation », explique Sébastien Pastor, cofondateur de BeastieJob. Au lieu de prendre une commission sur le free-lance, la jeune pousse, dont l’ambition est de « changer en profondeur le modèle de recrutement du free-lance IT », a choisi d’appliquer un forfait de 1 500 euros ou de 3 000 euros, selon l’offre à laquelle le client souscrit au moment de la contractualisation. « Le client paie uniquement le travail de la plateforme qui est de mettre à disposition la meilleure ressource, que la mission dure deux semaines ou deux ans. Ce système est plus sain pour le free-lance », poursuit-il.

Partout, l’objectif est le même : booster sa marque employeur pour s’affirmer face à la concurrence. Une émulation qui a le mérite de faire évoluer favorablement les conditions de travail des indépendants et de rendre le marché plus transparent et plus éthique. Car les plateformes ont tout intérêt, si elles veulent être attractives, à se montrer à l’écoute des attentes des utilisateurs qui, pour la plupart, naviguent d’un site à l’autre, et à entretenir avec eux une relation de confiance. À cet effet, l’inscription sur BeastieJob passe d’abord par une candidature spontanée ou par la cooptation d’un membre. Chaque profil est alors étudié par l’équipe à travers un échange téléphonique, puis une rencontre de visu dans un esprit de « validation mutuelle ». « Même si cet entretien prend du temps, il nous permet aussi de mieux cerner les attentes des free-lances », souligne Sébastien Pastor.

Esprit communautaire

L’enjeu consiste ensuite à animer et à fidéliser sa communauté. Malt parle de « Malt community », laquelle prend vie, notamment, autour de ses AfterMalts : des rendez-vous conviviaux organisés par les free-lances pour échanger autour d’un verre sur leur quotidien, partager leurs bonnes pratiques, développer leur réseau et remédier à la solitude ressentie au travail par 27 % d’entre eux, selon l’enquête Malt-Ouishare. Pour renforcer le sentiment d’appartenance à Malt, la start-up de mise en relation propose également des webinars pour améliorer son profil ainsi que son référencement sur le site et donne aux free-lances des conseils pour accélérer leur activité. Chez Yoss, c’est autour de meet-up avec cocktails-networking que les Yosseurs se retrouvent entre eux. Des speakers apportent leurs témoignages et leurs conseils sur la stratégie, la formation, le TJM (taux journalier moyen) ou la présence digitale. Ces événements gratuits sont ouverts aux indépendants, qu’ils appartiennent ou non à la communauté, mais également aux aspirants free-lances. Une façon également pour les plateformes de recruter de nouveaux profils et d’asseoir leur marque employeur.

Auteur

  • Nathalie Tran