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Décodages

La chasse aux fautes d’orthographe est ouverte

Décodages | Compétences | publié le : 01.09.2019 | Valérie Auribault

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La chasse aux fautes d’orthographe est ouverte

Crédit photo Valérie Auribault

Les fautes d’orthographe et de grammaire décrédibilisent l’image des entreprises. Ces dernières s’attellent donc à muscler les connaissances de leurs collaborateurs en la matière.

« Au fil du temps, les mauvaises habitudes s’installent. Je voulais faire le point sur mes compétences en français. La remise à niveau a été un plus dans mon quotidien », explique Hélène Barbaux, comptable chez Swiss Life. Confusion du participe passé avec l’infinitif ou encore du conditionnel avec le futur, fautes d’accord ou d’inattention… au moment d’écrire, beaucoup se posent des questions. Un manque de maîtrise des règles de la langue française que les correcteurs orthographiques ne décèlent pas toujours et qui engendre des conséquences. Pour les postulants eux-mêmes, tout d’abord. Une faute dans la lettre de motivation ou dans le curriculum vitae et la candidature prend la direction de la poubelle. Selon une étude OpinionWay pour Bescherelle (2019), 52 % des recruteurs écarteraient d’emblée les candidatures comportant des erreurs. Autre incidence, sur la promotion interne. 15 % des DRH estiment que ces lacunes freinent l’évolution des salariés. Hors de question de confier un poste clé à une personne qui renverrait une mauvaise image de la société. 44 % des sondés admettent que ces carences ont pu susciter des remarques auprès de collaborateurs. « Auparavant, le sujet était tabou. Prendre des cours d’anglais est plus valorisant, même si nous avons tous fait dix ans d’anglais à l’école. Actuellement, un tiers du budget de formation dans les entreprises est alloué à l’anglais. C’est colossal. Alors que l’on peut avoir des faiblesses dans sa langue maternelle. Un fait difficile à reconnaître », confie Pascal Hostachy, cofondateur de Woonoz et responsable du projet Voltaire, plateforme en ligne de remise à niveau en orthographe. Les moins de 30 ans seraient les plus touchés par cette méconnaissance des règles orthographiques et grammaticales. En cause, le langage SMS notamment. Mais ces déficiences seraient aussi imputables à d’autres facteurs. « Plus on est jeune, plus le niveau des connaissances baisse. De nouvelles disciplines ont été instaurées à l’école primaire. Il reste donc moins de temps qu’autrefois pour travailler le français et les mathématiques », poursuit Pascal Hostachy.

Certification exigée.

Aujourd’hui, même si la rédaction épistolaire s’est raréfiée, nous écrivons plus que jamais. Chaque jour, près de 70 % des salariés des entreprises adressent quantité de mails, textos, chats, tweets et autres messages sur les réseaux sociaux et sur les blogs. Une erreur, et c’est toute l’entreprise qui est raillée. « Une faute dans un mail ou dans n’importe quel autre écrit nuit fortement à l’image de l’entreprise, mais aussi à celle du collaborateur », insiste Pascale Boucart, chef de projet formation digitale du groupe Generali. Dorénavant, la connaissance du français fait partie intégrante des compétences requises. « Certains de nos managers ont fait des demandes pour leurs collaborateurs, explique Catherine Vieillé, coordinatrice et gestionnaire de formations du groupe Happychic. Quelques-uns étaient plus réticents que d’autres. Or, cela s’avère crucial pour la vie professionnelle comme pour la vie personnelle. » Pour répondre aux exigences des managers, l’entreprise a adhéré au projet Voltaire. Un test permet de définir le niveau de chacun. « Nous mettons la plateforme en ligne à disposition de tous les salariés d’une même entreprise, explique Pascal Hostachy. Une autre approche est également possible avec une remise à niveau individuelle ou un perfectionnement. Les cours se font sur la base du volontariat. Chacun se connecte à son compte et avance à son rythme et en fonction de son niveau. » Et de ses disponibilités. Pendant ses heures creuses ou durant son temps de travail, le salarié peut se connecter sur son ordinateur, sur sa tablette ou sur son Smartphone. Le projet Voltaire permet d’identifier les règles de français qui créent des soucis à l’intéressé. Mais amener les collaborateurs à se remettre en question sur leur propre langue peut s’avérer délicat. « Nous ne voulions pas qu’ils se sentent stigmatisés et se disent : “Si l’on me propose une formation, c’est parce que je ne suis pas bon”. Nous avons donc fait le choix de rattacher la formation à nos enjeux d’entreprise, raconte Isabelle Vancoppenolle, responsable de la formation et du développement des compétences chez Swiss Life. Ladite formation a été présentée lors de réunions collaborateurs. Certes, il a fallu convaincre. Mais les retours positifs des premiers inscrits ont eu un effet boule de neige. » Au terme de son parcours de formation, le salarié peut passer un examen et obtenir le certificat Voltaire. « Je me suis inscrite à la formation en juillet 2018 pour une durée de trois mois, explique Hélène Barbaux. J’ai obtenu le certificat en novembre de la même année. » Celui-ci, créé voilà dix ans, équivaut au TOEIC ou TOEFL anglais. L’examen se déroule au sein de centres agréés. L’épreuve dure trois heures. Les candidats répondent à près de 200 questions sous forme de QCM concernant les règles orthographiques courantes, avant d’entamer une dictée et de s’exercer à un examen plus littéraire. Les résultats obtenus constituent le score de l’employé. Beaucoup l’affichent sur leur curriculum vitae ou leur profil LinkedIn. Un sésame. « C’est devenu un vrai plus sur le CV, assure Pascal Hostachy. Certains responsables des ressources humaines réclament cette certification. » 200 000 personnes ont déjà passé l’examen. Elles étaient 60 000 au premier trimestre 2019. Et les inscriptions vont crescendo.

De l’émulation.

Au sein du groupe Generali, ces cours de français ont été intégrés au catalogue de formations pour les 7 000 collaborateurs. « Il y a quelques années, nous proposions déjà ce type de formation, sans rencontrer beaucoup de succès. Nous avons constaté que si la démarche n’est pas accompagnée par l’entreprise et promue en interne en soulignant les bénéfices pour les salariés, cela ne fonctionne pas. Or, ces compétences supplémentaires améliorent l’employabilité en interne et en externe », assure Sophie Beauropert, responsable de l’Académie des métiers et de l’innovation chez Generali. Cette fois, l’adhésion est au rendez-vous. Début mars 2019, 32 personnes étaient inscrites. En avril, 185 salariés de plus rejoignaient la formation. « L’orthographe n’est pas un sujet facile, convient Valérie Philippeau, directrice executive chez Kisio. Mais il y a eu un vrai engouement pour cette formation. Nos managers se sont inscrits pour donner l’exemple. Finalement, nos collaborateurs ont trouvé cela ludique. Sur certains de nos sites, des challenges ont été lancés. La formation a généré un sentiment de confiance chez les salariés. Apprendre et constater sa progression a suscité l’enthousiasme. Et si certains n’avaient pas osé demander cette remise à niveau, le fait de globaliser la formation a brisé le tabou. » Jérémy, employé de l’entreprise, a adhéré au projet : « Cette remise à niveau était nécessaire à l’évolution de mon poste de travail. Je communique beaucoup en B to B et en B to C par mail. J’ai pu mesurer ma progression en trois mois. Mon aisance à l’écrit a considérablement évolué. J’ai changé ma façon d’écrire », admet-il. Pour réussir, « le collaborateur doit être acteur de son avenir professionnel, être autonome, et doit pouvoir choisir de s’entraîner au moment souhaité. Le format proposé par le projet Voltaire est très apprécié car il s’adapte au salarié », souligne Isabelle Vancoppenolle.

Plumes d’or.

Les grandes écoles, elles-mêmes, utilisent ce type de programme. L’École supérieure d’agriculture (ESA), l’école d’ingénieurs Eseo ou encore l’école de management Essca sensibilisent leurs étudiants. « Nous sommes très attentifs à leur niveau d’orthographe et à leur qualité rédactionnelle, explique l’Essca. La maîtrise de la langue française fait partie des prérequis essentiels pour être admis. » Pour autant, l’école répond de façon ponctuelle aux besoins de formation exprimés par un collaborateur qui souhaiterait « améliorer l’utilisation de l’orthographe et de la syntaxe française ». Ces grandes écoles incitent, chaque année, leurs étudiants à participer au concours Plumes d’or. Un concours qui permet aux jeunes de démontrer leurs talents d’écrivain et d’être publiés dans un livre. En mars dernier, six prix ont été décernés. Aujourd’hui, les entreprises s’attellent principalement à contrer les fautes d’orthographe, de grammaire et de conjugaison. « Mais d’autres signaux interpellent, comme l’expression orale avec des phrases qui peuvent être mal construites et des lacunes concernant le vocabulaire », constate Pascal Hostachy. Certaines firmes se penchent déjà sur d’autres projets de formation, afin de travailler la syntaxe, les discours nuancés ou élaborés. « Nous sommes au-delà du mot, poursuit Pascal Hostachy. Il s’agit de développer ses capacités d’éloquence. » Une éloquence qui ne doit plus être réservée à une élite.

S’exprimer à l’oral, l’autre défi

Convaincre un interlocuteur, animer une réunion, prendre la parole lors d’une conférence… autant d’interventions qui ne s’improvisent pas. De plus en plus, l’aisance à l’oral est une compétence recherchée par les recruteurs. Mais la prise de parole en public peut s’avérer angoissante. D’autant plus si les enjeux sont importants pour l’entreprise. Pour le commercial, confronté à la clientèle, comme pour le manager, amené à motiver ses équipes, l’expression orale nécessite une certaine maîtrise. Aujourd’hui, les sociétés ont recours à des experts de la parole pour former leurs salariés. « Le fait de bien s’exprimer renvoie une certaine confiance et une certaine autorité. La parole, c’est avant tout de l’émotion », rappelle Jean-Jacques Lapierre, ancien artiste lyrique et fondateur d’À portée de voix. Le manager aura d’autant plus convaincu ses équipes et suscité engouement et cohésion qu’il aura démontré une certaine aisance et une fluidité dans la parole. « Lorsque nous nous exprimons devant un public, nous sommes préoccupés par notre apparence. Mais le corps est au service du mental. Il faut libérer l’expressivité. La voix, la gestuelle sont notre identité. Et si l’on ne sait pas répondre à une question, il faut le dire. L’honnêteté et la sincérité génèrent de la confiance », poursuit Jean-Jacques Lapierre. Aujourd’hui, toutes les strates de l’entreprise sont concernées. « Que ce soit pour les commerciaux, pour les managers ou encore pour les ingénieurs, parler en public n’est pas naturel. Cela s’apprend. Nous le constatons dans tous les pays du monde. Il faut s’y préparer et surmonter son trac. Il est nécessaire de savoir utiliser toutes les variations de la voix et les émotions. Y mettre du cœur, de la gravité et de l’humour », ajoute Alain Duclos, directeur associé d’Avant-Scène conseil1. Là encore, les grandes écoles proposent des modules afin d’exercer leurs étudiants. Dans un monde de plus en plus numérisé, la communication de vive voix reste pourtant indispensable.

(1) « Demain, je parle en public », Éd. Dunod (2019).

Auteur

  • Valérie Auribault