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Ces employeurs qui soignent leurs salariés aidants

Dossier | publié le : 01.06.2019 | Irène Lopez

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Ces employeurs qui soignent leurs salariés aidants

Crédit photo Irène Lopez

De plus en plus de salariés s’occupent d’un proche dépendant ou malade. En 2017, 18 % des salariés du secteur privé se déclaraient aidants d’un proche dépendant, handicapé ou malade. Le 13 mars dernier, le Sénat a adopté en deuxième lecture la proposition de loi visant à favoriser la reconnaissance des proches aidants. Certaines entreprises n’ont pas attendu ce texte pour se saisir du sujet et ont développé des initiatives à partir des besoins évalués au sein de leurs effectifs. Tour d’horizon des solutions existantes.

La principale préoccupation des salariés aidants est l’articulation entre leur rôle privé et la vie professionnelle. Souvent, l’épuisement, le stress, la culpabilité, la dévalorisation guettent et fragilisent durablement les aidants familiaux. Ceux-ci souhaitent conserver leur activité professionnelle car en dehors de l’aspect financier, elle leur permet d’avoir une respiration, une protection vis-à-vis du rôle d’aidant familial, très prenant. Pour les aider à concilier ces temps de vie, des dispositifs légaux existent, tels les congés de solidarité familiale, les congés de présence parentale, les congés de soutien familial. Cependant, l’entreprise a également son importance dans l’accompagnement de ses salariés. La prise en compte par l’organisation permet de réduire un absentéisme récurrent, qui peut désorganiser un service, atténuer la démotivation (ou la fatigue) de son salarié, mais également donner d’elle une image positive et attractive.

Mettre à disposition des assistantes sociales

Former et sensibiliser l’encadrement et les directeurs de ressources humaines afin d’avoir un management bienveillant et attentif et une meilleure prise en compte de la situation particulière du salarié, cela fait partie des bonnes pratiques. Ainsi, au sein d’EDF Sud-Ouest, a été mis en place un guide du collaborateur qui explique ce qu’est un aidant proche, ainsi que ses droits. La prévention, l’information et l’accompagnement des salariés peuvent également être un axe à développer. Ces dispositifs prennent des formes diverses selon les entreprises. Dans le grand Sud-Ouest, par exemple, les entreprises peuvent passer un partenariat avec Csiereso, une association de loi 1901. Il permet la mise à disposition d’assistantes sociales à l’ensemble des salariés. Un autre exemple est celui de Casino, qui a lancé, en 2011, une démarche sur « les aidants familiaux » avec une conférence et des ateliers mensuels d’informations et de groupes de parole, intitulés « Je suis aidant, parlons-en » et animés par une psychologue.

Pourquoi ne pas développer une plateforme téléphonique auprès de laquelle les salariés peuvent, anonymement, trouver information et orientation ? La société Responsage accompagne les employeurs sur le sujet des salariés aidants en créant des sites Web d’informations ou des plateformes de mise en relation des aidants au sein d’une même entreprise, pour développer les solidarités.

Convertir le treizième mois de salaire en jours de congé

La mise à disposition de CESU (chèque emploi service universel) préfinancés pour la mise en place de prestations à domicile est un autre exemple. L’entreprise peut aussi souscrire un contrat de dépendance pour les salariés, comprenant des prestations d’assistance destinées à ceux qui sont confrontés à la dépendance d’un proche. C’est ce qu’a fait AXA, en 2009. La mesure était alors qualifiée dans la presse de « très originale ». Elle concernait les 23 000 collaborateurs d’AXA France. Il avait fallu « un an de négociation avec les partenaires sociaux pour construire le dispositif » selon Didier Aujoux, alors directrices finances et analyses ressources humaines.

Permettre à l’aidant d’aménager son temps de travail peut se faire grâce au télétravail, à la flexibilité des horaires ou au temps partiel, voire à des horaires individualisés. Le laboratoire pharmaceutique Novartis a opté pour la conversion du treizième mois de salaire en jours de congé. Orange a préféré abonder le compte épargne temps (CET) pour des actions de solidarité ou de soutien familial.

Favoriser le répit des aidants

Le groupe Pro BTP s’intéresse depuis de nombreuses années à la problématique des aidants. Il propose des solutions globales et innovantes. Déjà, en 2009, avec l’association AFM Téléthon, il avait fondé l’association Vivre le répit en famille (VRF). L’objectif était de favoriser le répit des aidants de personnes âgées handicapées ou malades maintenues à leur domicile. Les groupes de protection sociale AG2R La Mondiale, Agrica, Audiens, Lourmel, Klesia et Apicil soutiennent également l’association. Les structures VRF allient un village de vacances à une structure médico-sociale, permettant ainsi à l’aidant de souffler sans avoir à s’inquiéter de la prise en charge de son proche dépendant. L’aide apportée par les groupes de protection sociale permet de prendre en charge, selon la situation fiscale de l’aidé, de 75 % à 85 % du coût du séjour pour lui-même et son aidant.

Une indemnisation financière pour les salariés aidants

Pro BTP a également créé la plateforme « Éco aidant », un service gratuit d’écoute, de conseils et d’orientation dédié aux aidants familiaux du BTP et destiné à offrir un soutien permanent (connaître ses droits, accompagnement dans les démarches administratives, recherche de prestataires, soutien…). La plateforme repose sur un site Internet, jesuisaidant.com. Véritable guichet unique, il s’adresse aussi bien aux aidants qu’aux aidés, aux entreprises et aux partenaires. L’objectif est de proposer du soutien aux aidants familiaux, de rompre leur isolement et de faciliter l’accès aux solutions de répit.

Pro BTP a annoncé, début 2019, la mise en place d’une indemnisation financière pour les salariés aidants. Désormais, tout salarié du BTP affilié à BTP-Prévoyance, et en situation de congé de proche aidant, peut percevoir une indemnisation financière, sur la base d’une analyse individualisée.

Seules 15 % des entreprises se préoccupent des aidants

La réalité du « fait aidant » reste largement méconnue, sinon invisible. Selon une étude de Malakoff Médéric1, seules 31 % des entreprises interrogées sont capables d’estimer le nombre de salariés aidants parmi leur personnel. La plupart des organisations (52 %) apportent une aide informelle et dérogatoire (autorisation d’absence, de télétravail) et seules 15 % considèrent le sujet comme un thème devant être abordé et travaillé par l’entreprise.

Ce constat est préoccupant, car cette question n’est pas sans conséquences pour la vie de l’entreprise. En effet, la situation d’aidant affecte le travail des salariés. Celles des entreprises qui agissent aujourd’hui pour leurs salariés aidants identifient des problèmes d’absentéisme (59 %), d’organisation du travail (50 %), de démotivation (48 %), de perte de productivité (41 %) et de répercussions sur la performance économique.

Les salariés aidants ont aussi conscience de ces problèmes. Au cours des trois derniers mois, et du fait de leur situation, plus d’un sur deux déclarent avoir eu des difficultés à se concentrer, avoir dû partir plus tôt (39 %), être arrivés en retard (29 %) et avoir pris du retard dans leur travail (23 %). Stressés, fatigués physiquement et nerveusement, 36 % sont sujets à des baisses de vigilance et à un manque d’attention au travail, soit dix points de plus que les autres salariés.

45 % des aidants déclarent avoir des difficultés à concilier vie professionnelle et vie personnelle. Ils souhaitent avant tout disposer d’une information sur les aides possibles (64 %). 39 % d’entre eux ignorent ainsi l’existence des congés spécifiques (congé de solidarité familiale, congé de proche aidant…) prévus par le Code du travail. Plus des deux tiers (67 %) se tournent vers les dispositifs classiques (congés payés, RTT…), une façon aussi de ne pas dévoiler leur situation à l’employeur…

Trop peu d’aidants, en effet, évoquent leurs difficultés avec leur supérieur hiérarchique (un sur trois) ou avec un responsable RH (18 %). Créer une culture d’entreprise bienveillante est important pour que ces salariés osent s’exprimer et se sentent reconnus. 30 % d’entre eux souhaiteraient que leur entreprise mette en place des groupes de parole. Contraints de réaménager leur vie, ils réclament également de la flexibilité dans leurs horaires de travail (61 %) et sont intéressés par des formations sur la compréhension des pathologies et l’identification des besoins de leurs proches (38 %).

(1) Source : étude « Bien-être et santé 2017 » du Comptoir mm de la nouvelle entreprise.

Auteur

  • Irène Lopez