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Idées

Un revenu universel à petits pas ?

Idées | Livres | publié le : 01.05.2019 | Lydie Colders

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Un revenu universel à petits pas ?

Crédit photo Lydie Colders

Le revenu universel inconditionnel pour tous est-il inconcevable ? Auscultant cette idée controversée aux plans politique et économique, ce traité rigoureux de deux partisans connus offre un plaidoyer lucide, prônant une introduction partielle.

Dans ce livre très complet, récemment traduit en France, les deux partisans du revenu universel inconditionnel que sont le philosophe belge Philippe Van Parijs et le politologue Yannick Vanderborght restent sur leur philosophie émancipatrice : celle d’un revenu universel inconditionnel versé à tous, sans contrôle des ressources ni exigence de contreparties, « seul gage de liberté réelle ». Contrairement à la vision des libéraux, il ne s’agit pas d’un transfert des allocations déjà existantes dans certains pays « si elles lui sont inférieures », précisent-ils. Mais bien d’un « socle universel », distinct de l’assurance sociale née à la fin du XIXe siècle dont ils retracent l’histoire, de Roosevelt au RSA en France.

Défendant ce modèle social, les auteurs contestent donc sa mise sous conditions : « Le revenu de base inconditionnel signifie beaucoup plus. Il n’opère pas à la marge, mais affecte les relations de pouvoir au cœur de la société. » Il permettrait ainsi aux moins bien lotis de trouver un emploi plus intéressant, mieux rémunéré, de s’occuper des leurs, ou de s’investir dans des initiatives utiles à la société, estiment-ils. Si son montant ne doit pas dissuader les gens de travailler (ils suggèrent un quart du PIB courant par tête, soit environ 700 euros en France), le conditionner à la recherche d’emploi reviendrait « à subventionner » directement les salaires, répondent-ils à ceux qui le voient comme un risque de dumping social. Face à l’automatisation grandissante du travail et aux écarts entre pays riches et pauvres, leur point de vue international n’est pas sans intérêt : « Il serait injuste de réduire l’impact économique d’un revenu de base à son impact immédiat sur l’offre de travail. En fournissant un socle inconditionnel, on peut attendre qu’il aide à libérer l’entrepreneuriat en protégeant mieux les indépendants ou les coopératives de travailleurs », illustrent-ils.

Une entrée par la petite porte

Pour autant, Van Parijs et Vanderborght se montrent lucides, n’occultant pas les critiques récurrentes sur son financement pérenne. Rappelant l’histoire et les scénarios du revenu universel (impôt négatif sur le revenu aux États-Unis dans les années 1970, taxation du capital, euro-dividende financé par la TVA), leur livre offre une analyse économique poussée des limites et des intérêts de chaque formule. Face à l’ambition affichée, leur conclusion surprend par sa prudence : les deux experts se prononcent dans un premier temps « pour un revenu de base partiel financé par un impôt sur le revenu, fixé par exemple à la moitié accordée à un couple », en complément d’une assistance sociale conditionnelle maintenue dans des pays développés. Face aux réticences des syndicats, mais aussi des citoyens face au RUE (revenu universel d’existence), les auteurs plaident donc une « entrée modeste » d’un socle universel…

Le revenu de base inconditionnel.

Philippe Van Parijs et Yannick Vanderborght, Éd. La découverte, 588 pages, 26 euros.

Auteur

  • Lydie Colders