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Les nouveaux profils de la RH

Dossier | publié le : 01.05.2019 | Gilmar Sequeira Martins

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Les nouveaux profils de la RH

Crédit photo Gilmar Sequeira Martins

Entrée en phase active, l’innovation RH intègre de nouveaux profils au sein des équipes, plus à même d’accompagner la transformation des entreprises. Faute d’inclure dans son périmètre les relations sociales, elle risque cependant d’achopper sur le manque d’engagement des salariés.

Professeur de gestion des ressources humaines à l’École de management de Normandie, Jean Pralong s’interroge : « Est-ce que la fonction RH a besoin de personnes créatives ? Je ne suis pas sûr. Ce qui est important, c’est de voir quelles compétences sont contributives en termes de performance. Or, la performance se définit par rapport à une stratégie, pas dans l’absolu. » Il invite donc les acteurs à se pencher sur ce que les directions des entreprises attendent de l’innovation RH : « S’agit-il de fluidifier les process RH ? Dans ce cas, il faut de la rigueur, de l’organisation et de l’intolérance au flou. S’il s’agit de favoriser l’innovation RH, c’est plutôt sur la tolérance au flou et sur la sérendipité qu’il faudra miser. »

Chez L’Oréal, l’innovation RH s’inscrit bien dans l’horizon stratégique, estime Eva Azoulay, directrice du « Talent Acquisition » : « Nous avons exploré la piste IA (intelligence artificielle, NDLR) avec une approche alignée sur notre politique RH. Nous ne voulions pas d’un dispositif qui remplace les recruteurs. Nous voulions un “augmented recruiter”. La décision doit rester humaine. » En Grande-Bretagne, les outils d’IA ont ainsi raccourci en moyenne de quatorze jours le cycle de recrutement, et près de 200 heures de « temps des recruteurs » économisées ont pu être réallouées pour approfondir la relation avec les candidats. « Ces outils ont aussi contribué à augmenter le taux de stagiaires qui passent ensuite en CDI, tout en améliorant le délai de réponse ainsi que le feed-back qui est fait aux candidats », ajoute Eva Azoulay.

Chez Engie, la transformation de l’entreprise guide celle de la fonction RH. Avec son nouvel horizon « zéro carbone », l’énergéticien table sur une évolution de la relation avec les clients et des contours de ses métiers. Les collaborateurs sont incités à prendre en main leur carrière et des communautés de métiers ont été créées pour favoriser les recrutements. Pour Isabelle Drochon, responsable de l’innovation RH d’Engie, c’est un nouveau mode de fonctionnement des RH qui émerge : « Cela implique d’accompagner les gens de façon plus personnalisée. Les RH vont devoir changer pour aider les managers à changer eux-mêmes, afin qu’ils encouragent les passerelles métiers et qu’ils fassent bénéficier l’ensemble du groupe des compétences de leurs équipes. »

Data, marketing et conduite de projets

Élise Perret, DRH de Cadremploi, estime pour sa part que l’innovation passe par l’ouverture vers de nouveaux horizons, en l’occurrence la data, le marketing et la capacité à conduire des projets : « C’est le chemin à prendre pour atteindre la posture de business partner et être associé à la conception de la stratégie et à sa mise en œuvre. » Son équipe a mené, en 2018, une enquête sur les villes potentiellement les plus propices aux recrutements de profils techniques et sur les souhaits des collaborateurs de Cadremploi. Elle a conduit à l’ouverture, cette année, d’une antenne technique à Nantes. Si le marketing fait encore ses premiers pas dans la fonction RH, son futur est prometteur. « Cela va favoriser un meilleur partage des idées et la fonction RH pourra ainsi mieux répondre aux enjeux de l’entreprise en comprenant avec davantage de précision les problématiques des autres fonctions, note Élise Perret. Les membres des fonctions RH sont d’ailleurs de plus en plus souvent intégrés à des groupes de travail. »

Pierre Ferracci, dirigeant du Groupe Alpha, inscrit sa réflexion dans le même mouvement. « Aujourd’hui, il faut libérer l’initiative des salariés, et notamment des managers de terrain, qui ont peur d’avoir des salariés et des syndicats autonomes. Il faut leur apprendre ou leur réapprendre le goût du risque. Le DRH de demain doit diffuser l’esprit d’initiative, de créativité, et donc le goût du risque… maîtrisé. » Cela passe par l’intégration des profils de terrain dans les équipes RH. « Un commercial, un ingénieur, un financier savent négocier. Or, la négociation est au cœur des relations sociales. Négocier avec un syndicat n’est pas plus compliqué que négocier avec un client, avec un fournisseur ou avec un banquier », estime Pierre Ferracci, qui déplore que « la capacité des opérationnels à conduire le changement, mais aussi à prendre la mesure de la transformation du travail, soit trop souvent sous-estimée ».

Les relations sociales au cœur de l’innovation ?

De nouveaux profils émergent (voir encadré) et AXA Banque a déjà amorcé le mouvement, explique Nadège Henry, directrice des ressources humaines : « La RH devient plus digitale, elle va donc avoir besoin de compétences plus en lien avec les réseaux sociaux et avec le marketing. Nous recherchons des personnes formées aux réseaux sociaux et qui ont une compétence dans le community management. Nous formons nos équipes RH déjà en place aux réseaux sociaux et nous recrutons de nouvelles personnes dont les compétences irriguent le reste de l’effectif. Nous les sensibilisons aussi à nos standards de communication. » Attention, toutefois, aux sirènes du tout-digital, qui concentrerait l’ensemble des efforts d’innovation, prévient Jean Pralong : « Du fait du discours qui entoure le digital, il y a une désarticulation entre ce qui relève des relations sociales et ce qui relève de l’innovation RH. » C’est dans ce second champ que sont classés les outils innovants, bien à l’écart de tout ce qui relève de l’organisation du travail, du juridique et des relations sociales. « Autrement dit, ce qui relève de la “vieille gestion du personnel”, résume Jean Pralong. Mais l’innovation n’existe que parce que des règles ont été posées : des règles de gestion du personnel, des règles de vie collective, qui viennent des accords d’entreprise. » Il appelle les RH à changer de regard sur l’innovation : « Il ne faut pas l’apporter aux salariés, mais concevoir avec leurs représentants une nouvelle organisation du travail, des règles de recrutement, etc. Définir ensemble les règles résoudrait la question de l’engagement des salariés. »

Quant à l’innovation purement digitale, trop d’entreprises se contentent, selon lui, de PoC (Proof of Concept) mis en œuvre à petite échelle. « Cela permet de dire qu’on fait de la digitalisation, mais le résultat est mitigé. Il faudrait produire un effort d’acculturation et prendre les risques nécessaires pour que cela fonctionne », estime-t-il. Les fournisseurs d’outils digitaux pourraient peut-être débloquer la situation en cessant de « survendre » leurs solutions. « Une baisse de 30 % du turnover avec des tests de recrutement ou la réduction de 20 % des tâches inutiles pour des outils de tri de CV ne sont guère crédibles », estime Jean Pralong. Autant dire que les chemins de l’innovation RH seront sans doute encore longs.

Les quatre postes qui montent

People analytics

Centré sur l’analyse de la data, ce profil est d’abord mis à contribution pour établir des corrélations entre performance et données RH. « C’est un job déjà mature dans les sociétés du CAC 40, explique Véronique Subileau, directrice générale adjointe en charge des activités “Talents & Développement” de BPI Group. Les banques sont en pointe sur ce sujet, car elles ont une présence territoriale importante et souhaitent disposer d’une vision globale. »

Prospective

« Ce sont des personnes capables de déterminer quels postes vont disparaître, et de quels nouveaux métiers l’entreprise aura besoin. Ce qui pose plusieurs enjeux : faut-il emmener certains collaborateurs vers ces nouveaux métiers ou bien recruter ? C’est un point crucial dans un monde en transformation où les profils IT et data sont partout », détaille Éric Alonso, directeur général adjoint en charge des activités « Organisation & Transformation ».

Expérience collaborateur

« C’est une nouvelle approche, différente de celle des RH traditionnelles, en silos (recrutement, formation, paie), qui part des besoins des salariés et qui réfléchit en termes de parcours pour générer de l’engagement », selon Véronique Subileau.

Paramétrage des robots

Corollaire de l’extension du domaine de l’IA (intelligence artificielle), le paramétrage des robots est le quatrième profil qui monte en puissance, d’après les spécialistes de BPI Group. « L’activité est pour l’instant remplie par des prestataires extérieurs, mais elle va être internalisée dans les années qui viennent », précise Éric Alonso.

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  • Gilmar Sequeira Martins