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Décodages

Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT

Décodages | Syndicats | publié le : 01.05.2019 | Benjamin d’Alguerre

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Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT

Crédit photo Benjamin d’Alguerre

« Notre ligne politique ne change pas »

Comment expliquez-vous votre recul face à la CFDT ?

Philippe Martinez : Ce n’est pas une surprise. Lors du précédent calcul de représentativité en 2013, ce sont les bons résultats dans les TPE qui nous avaient permis de rester en tête. Cette fois-ci, le taux de participation a été particulièrement bas et nous avons noté un écart de 600 000 voix potentielles par rapport à la CFDT. En effet, la CGT souffre d’un déficit d’implantation, et ce, même dans les entreprises de plus de 1 000 salariés. Je l’explique en partie par une déshomogénéisation du salariat, consécutive aux pratiques d’externalisation du travail. Nous restons toujours présents dans les grandes et très grandes entreprises, mais beaucoup moins dans leurs filiales sous-traitantes. Cela doit aussi nous interroger sur notre modèle et nous inciter à revenir vers un syndicalisme de défense de tous les travailleurs, indépendamment de leur statut (autoentrepreneurs, slashers, précaires, chômeurs privés d’emploi, etc.), au-delà du seul salariat. Ce discours ne passe pas toujours en interne. Pour certains ici, défendre les autoentrepreneurs revient à approuver ce statut.

La grande crise du moment est celle des « gilets jaunes ». La CGT peine à se faire entendre d’eux. Au début, vous qualifiez même ce mouvement d’extrême droite…

P. M. : Au départ, oui. Et nous avions raison de le faire. Les migrants cachés dans un camion que des « gilets jaunes » ont dénoncés à la police (à Flixecourt, dans la Somme, en novembre 2018, NDLR), ce n’est pas la CGT qui les a inventés ! Les « gilets jaunes » sont l’expression d’une colère que nous sentions monter depuis des années. Mais lorsqu’elle s’est exprimée pour la première fois le 17 novembre 2018, il s’agissait de contester la hausse du prix de l’essence, ce qui ne relève pas du combat syndical. Personne ne peut contester qu’une partie du patronat et de l’extrême droite était présente dans les cortèges à ce moment-là. Et puis, nous sommes allés sur les ronds-points, à la rencontre des « gilets jaunes ». Certaines de leurs revendications sur la hausse du pouvoir d’achat ou du Smic entrent en conformité avec les combats de la CGT. Sur d’autres sujets – le RIC ou la démission d’Emmanuel Macron –, nous sommes beaucoup plus réservés.

Cette situation ne risque-t-elle pas de galvaniser les tenants d’une ligne très radicale au congrès de Dijon ?

P. M. : À la CGT, les débats sont permanents, mais la ligne politique ne change pas. Elle doit être concrétisée et réaffirmée. Cette ligne, c’est celle d’un syndicalisme de masse et efficace telle que la propose notre document d’orientation. Nous avons tous besoin d’une CGT qui porte ses propositions plus fortement, même si rien n’empêchera les tenants de lignes plus contestataires de s’exprimer. Ce que nous devons réussir à construire, c’est l’alchimie entre le syndicalisme de transformation de la société et le syndicalisme du quotidien. Pour cela, nous avons besoin d’évoluer en tant qu’organisation.

Auteur

  • Benjamin d’Alguerre