Une réflexion sous forme d’un voyage de près de 500 pages. Nous avons failli passer à côté de l’ovni qu’est « La science de la richesse », de Jacques Mistral. La biographie confiée par l’éditeur cite sobrement : « Polytechnicien et agrégé des facultés de droit et sciences économiques, a mené une carrière dans l’université, l’entreprise et la haute fonction publique. » L’auteur est l’ancien conseiller de Michel Rocard à Matignon.
Si ce n’est pas un ouvrage initialement destiné aux étudiants, il ravira cependant tous ceux qui ont souffert de la domination des mathématiques et de l’économétrie dans les sciences économiques. L’économie y est racontée sous forme d’histoires. Elles sont d’autant plus intéressantes qu’étayées par des exemples concrets.
Dans « Cartographier le monde moderne », Jacques Mistral relate la naissance de l’Homo œconomicus moderne. Dans « De la richesse à la puissance », il rappelle la quête des économistes, chargés de subvenir aux besoins des royaumes. Comme le rappelle le Comte de Maurepas, en 1792 : « Le commerce est la source de la félicité, de la force et de la richesse d’un État… La richesse et la puissance sont les vrais intérêts d’une nation et il n’y a que le commerce qui puisse procurer l’une et l’autre ».
« La grammaire de l’échange » expose les méandres de la genèse progressive des règles de l’échange international. « La marchandise et l’exploitation » aborde la révolution industrielle et la pensée de Marx. « L’avènement du marché » décrit la mise en place du marché autorégulateur. « L’économie réencastrée » revient sur le moment de l’élaboration des lois sociales et de l’État-providence, avec le rôle majeur joué par John Keynes. « La fable des marchés efficients » décrit le tournant des années 1980 et l’avènement du néolibéralisme post-keynésien.
C’est littéralement palpable, l’auteur, en haut fonctionnaire, ne peut se départir d’un parti pris keynésien. D’ailleurs, en guise de conclusion, il reprend celle de Tocqueville dans « La Démocratie en Amérique » : « Je vois de grands périls qu’il est possible de conjurer […] et je m’affermis de plus en plus dans cette croyance que, pour être honnêtes et prospères, il suffit aux nations démocratiques de le vouloir. » Mercantilistes, physiocrates, classiques, néoclassiques, keynésiens, école de la régulation, monétaristes… Vous saurez tout sur les courants intellectuels ayant animé l’économie qui constitue « à la fois le reflet de la société et un outil de sa transformation ».
Jacques Mistral, Éd. Gallimard, 496 pages, 24,50 euros.