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Comment améliorer l’efficacité du service public de l’emploi ?

Idées | Débat | publié le : 01.04.2019 |

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Comment améliorer l’efficacité du service public de l’emploi ?

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À l’aube du dixième anniversaire de la fusion ANPE-Assedic, le Gouvernement a commandé un rapport pour juger de l’impact de cette initiative. Tant en matière de qualité de service que d’efficacité dans le retour à l’emploi, les résultats ne sont pas à la hauteur des attentes… Et alors que des coupes budgétaires rogneront les effectifs en 2019, c’est toujours la même question qui se pose.

Stéphane Viry Député (LR) des Vosges, membre de la Commission des affaires sociales.

Dix ans après sa création, Pôle emploi s’est affirmé comme le guichet unique du Service public de l’emploi (SPE). Il est désormais le premier opérateur public, avec un budget de 5,4 milliards d’euros, et 53 000 agents. Cela étant, le chômage n’a jamais été aussi fort, avec 5,6 millions demandeurs d’emploi. Si Pôle emploi a su se moderniser et s’adapter, notamment par le biais d’une stratégie de déconcentration et d’expérimentation, une question se pose après dix années : peut-on toujours faire plus avec moins ?

Trois axes pour répondre à cet objectif…

• Cesser les réductions d’effectifs. L’accompagnement humain pour les demandeurs d’emploi demeure essentiel, même si les outils numériques peuvent optimiser certaines procédures. Une poursuite des diminutions d’effectifs reviendrait à sacrifier les chances de retour à l’emploi de millions de demandeurs d’emploi.

• Lever le tabou du recours aux opérateurs privés de placement. Pôle emploi doit cesser de se placer en position de régulateur du service public de l’emploi. Il est recommandé de permettre à un demandeur d’emploi de choisir l’opérateur qui assurera son accompagnement, afin de créer une saine émulation entre les acteurs du Service public de l’emploi. Un audit exhaustif pourrait être réalisé sur la question de la sous-traitance à Pôle emploi, tant les données sur le sujet sont opaques et peu disponibles.

Une gouvernance à repenser ? Il est suggéré d’ouvrir plus largement le conseil d’administration de Pôle emploi à des experts et praticiens en ressources humaines et avec des acteurs de terrain, afin que l’opérateur soit plus en phase avec les besoins des usagers.

Yannick L’Horty Professeur à l’université Paris-Est, directeur de TEPP (Travail, emploi et Politiques Publiques).

La qualité des services rendus par l’ensemble des acteurs du service public de l’emploi s’est tendanciellement dégradée sur les dix dernières années, sous l’effet de l’irrésistible montée du nombre de demandeurs. Entre début 2008 et fin 2018, la hausse cumulée des effectifs des catégories A est de 75 %. Celle des catégories A à C atteint 85 %, soit respectivement 1,5 et 2,5 millions de demandeurs en plus. Ces progressions des stocks de demandeurs ont été d’une lancinante régularité, sans marquer aucune véritable pause. Jamais une telle hausse n’avait été enregistrée en France, sur une période aussi longue. Pas une région, pas un département, n’y a échappé. Une telle inflation des inscriptions et des besoins d’accompagnement qu’elle révèle, sur une durée aussi longue, est sans commune mesure avec celle des moyens, contraignant les acteurs à d’inatteignables efforts de productivité pour parvenir à limiter la dégradation des services rendus. Mission impossible pour les acteurs du Service public de l’emploi (SPE), à commencer par Pôle emploi, en tête de pont de la submersion. Tous les domaines d’action, de l’accueil à l’insertion en passant par l’orientation et la formation, ont été dépassés.

Les statistiques récentes indiquent que la décrue est enfin amorcée, en net retard dans son calendrier et dans son intensité vis-à-vis de celle des chômeurs, au sens du Bureau international du travail. Le découplage des deux séries atteint lui aussi des niveaux historiques, confirmant qu’il est souhaitable de s’interroger sur la tenue des listes. La priorité pour le SPE pourrait être d’accompagner la décrue en cessant d’encourager les comportements de maintien d’inscription sur les listes. Pour les demandeurs indemnisés, il faut sans doute revoir les mécanismes d’intéressement, de cumul et de recharge des droits qui favorisent à l’évidence des comportements de non-désinscription. Pour les demandeurs non indemnisés, on peut s’interroger sur les droits connexes associés à l’inscription, et sur l’obligation d’inscription des bénéficiaires du RSA, suivie de façon très variable d’un département à l’autre.

Sylvie Brunet Présidente de la section Travail et Emploi du Conseil économique, social et environnemental (Cese)

En avril 2011, lors de sa dernière mandature, le Cese rendait un avis intitulé : « Pôle Emploi et la réforme du service public de l’emploi : bilan et recommandations. » Le rapporteur de cet avis, Daniel Jamme, conseiller du groupe de la CFDT et membre de la section Travail et Emploi, avait conduit les travaux permettant de formuler plusieurs recommandations portant, notamment, sur les mesures à mettre en œuvre afin d’améliorer la qualité et l’efficacité du service rendu aux usagers. Onze ans après la création de Pôle emploi, certaines de ces recommandations restent d’actualité.

Ainsi, une plus grande personnalisation du service et un nécessaire renforcement de l’accompagnement différencié des demandeurs d’emploi sont toujours à l’ordre du jour des attentes des usagers, particulièrement les plus vulnérables sur le marché du travail (jeunes, seniors, moins qualifiés…), compte tenu du nombre toujours élevé de demandeurs d’emploi.

Le Cese recommandait encore de développer l’offre de service en matière de formation, et cette attente reste également d’actualité car les circuits administratifs sont souvent des freins à la réactivité indispensable pour mobiliser les moyens de formation liés à des postes à pourvoir.

Le développement de l’activité de prospection et de suivi des offres d’emploi, qui était aussi l’une des recommandations issues de l’avis, me paraît en revanche s’être bien amélioré. De plus en plus de partenariats se nouent entre Pôle emploi et des entreprises ou des secteurs d’activité en forte tension, et les méthodes de recrutements se sont beaucoup renouvelées et adaptées.

Ce point est d’ailleurs fondamental compte tenu de l’évolution rapide des métiers et des compétences demandées par les entreprises.

Ce qu’il faut retenir

// Bonne nouvelle. En dix ans, le taux de chômage a reflué. Pas de beaucoup, certes, puisqu’il s’est affiché, en moyenne sur le troisième trimestre 20181, à 9,1 % de la population active en France (soit 0,5 point en dessous de son niveau du troisième trimestre 2017). En moyenne, le taux de chômage s’établissait à 10 % de la population active en France (incluant les Dom) sur le quatrième trimestre 20092.

// Mauvaise nouvelle. Le rapport parlementaire, commandé à la mi-décembre et rendu deux mois plus tard par le rapporteur de cette mission « flash », Stéphane Viry (député LR des Vosges), fait état de taux de retour à l’emploi « très insuffisants », puisqu’un an et demi après leur inscription, seuls 55 % des demandeurs ont retrouvé un emploi durable, tandis que les autres s’enfoncent dans le chômage. Faut-il blâmer les anciens salariés qui ne se démèneraient pas assez ? Les entreprises qui ne créent pas assez de postes, même si d’autres restent non pourvus ? Ou les agents de Pôle emploi, peu efficaces ? Ces derniers, qui vivent sous la contrainte de gains de productivité toujours plus grands, n’en peuvent plus, aux dires de Stéphane Viry. Et l’élu demande au Gouvernement de « stopper l’hémorragie d’effectifs »3.

En chiffres

400

Selon la loi de finance 2019, le plafond d’emplois de l’opérateur public serait fixé à 46 045 équivalents temps plein travaillés (ETPT), soit 400 de moins qu’en 2018. Le directeur général de Pôle emploi a indiqué au Sénat que cette réduction d’emplois pouvait être absorbée en 2019 sans remettre en cause la capacité de l’organisation à remplir ses missions. Une vision que réfutent et le rapporteur Stéphane Viry, et les syndicats…

Source : www.senat.fr/rap/a18-150-8/a18-150-82.html

3,2

Si, en 2008, 2,2 millions de demandeurs d’emploi étaient indemnisés par Pôle emploi, le chiffre était de 3,2 millions en 2018, soit 50 % d’augmentation en dix ans. Ce chômage de masse et de longue durée est un défi majeur pour Pôle emploi et ses équipes.

Source : www2.assemblee-nationale.fr/content/download/76149/781641/version/1/file/Communication+mission+flash+sur+P%C3%B4le+emploi.pdf

(3) Source : www2.assemblee-nationale.fr/content/download/76149/781641/version/1/file/Communication+mission+flash+sur+P%C3%B4le+emploi.pdf