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La transition énergétique booste les métiers verts

Décodages | Carrière | publié le : 01.04.2019 | Valérie Auribault

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La transition énergétique booste les métiers verts

Crédit photo Valérie Auribault

Avec la transition énergétique, certains secteurs sont en tension. Le recrutement d’une main-d’œuvre qualifiée se fait pressant. Mais comment la dénicher, l’intéresser et la conserver ? Un défi pour les entreprises.

Si on investit un million d’euros dans le domaine de la transition énergétique, cela génère une quinzaine d’emplois. Le même million investi dans une énergie fossile comme le charbon et le nucléaire ne produit que six emplois. C’est ce qui ressort d’une étude de l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), consacrée, l’an dernier, aux emplois et à la transition énergétique. L’économie verte booste l’emploi. À l’heure actuelle, environ quatre millions de personnes occupent un emploi lié à cette économie – à savoir les professions possédant une forte préoccupation environnementale, ou celles dont les métiers évoluent avec la transition énergétique, comme ceux du BTP. D’ici à 2030, entre 280 000 et 400 000 emplois devraient être créés, et même un million à l’horizon 2050. Deux filières se distinguent particulièrement : l’éolien et le solaire. Chaque année, l’industrie du vent crée plus de 2000 postes, celle du soleil table sur 10 000 nouveaux emplois dans les cinq années à venir. Avec des métiers toujours plus spécialisés et de plus en plus pointus. C’est pourquoi, en mai 2018, dans le cadre du plan d’investissement dans les compétences, ces nouveaux métiers désormais en tension ont été particulièrement ciblés. L’objectif est de former 10 000 jeunes et demandeurs d’emploi.

Transformation des métiers.

En effet, les entreprises du secteur peinent à trouver du personnel qualifié pour ces nouvelles activités. « Ces métiers ne sont pas si nouveaux que cela, souligne Marion Lettry, déléguée générale du Syndicat des énergies renouvelables (SER). Sur les métiers du solaire, du photovoltaïque et des parcs éoliens, les compétences requises aujourd’hui ont toujours existé dans le secteur du bâtiment. » Seulement, des connaissances nouvelles viennent s’y ajouter. C’est le cas de la digitalisation. « Ce type de compétence nous permet de nous inscrire dans l’ère de la transformation digitale, précise Flora Nayagam, directrice des ressources humaines de Veolia Île-de-France. Les outils digitaux nous donnent la possibilité d’améliorer l’expérience client, en proposant de nouveaux services comme la commande en ligne, le suivi de notre prestation en temps réel, et l’analyse des déchets. Un poste de directeur de la transformation digitale a été créé en janvier 2018, afin d’industrialiser nos processus internes et d’accompagner nos collaborateurs dans cette transformation digitale. » Côté profils, Veolia recherche davantage des savoir-faire et des savoir-être. « Nous recrutons tout d’abord un savoir-être, les connaissances techniques sont complétées au fur et à mesure de la carrière et des besoins business, grâce au Campus Veolia dans lequel nos collaborateurs sont formés. Deux types de formation y sont dispensés : la formation initiale en alternance ou la formation continue », poursuit Flora Nayagam. Malgré tout, Veolia peine à recruter en Île-de-France. « Nous avons une multitude de métiers méconnus. Pour communiquer sur nos offres d’emploi et trouver des candidats, nous travaillons avec Pôle emploi, mais également sur les réseaux sociaux. Nos collaborateurs font aussi la promotion de nos métiers auprès de leur entourage. » Chaque année, le groupe forme des jeunes en alternance du CAP à bac + 2. « Nous embauchons des profils junior et nous encourageons leur fidélisation au sein du groupe. Le recrutement des jeunes permet de travailler nos plans de succession, de transmettre le savoir-faire de nos anciens vers les jeunes générations, et de faire du reverse mentoring : c’est-à-dire transmettre les compétences digitales des jeunes à nos salariés. »

« Le secteur des énergies renouvelables évolue constamment, observe Nathalie Martinez, ingénieure au service climat de l’Ademe. Chaque année, nous ajoutons des filières. En 2018, le photovoltaïque et l’éolien terrestre étaient en tête. Les secteurs de l’hydraulique, du bio éthanol, du biogaz et du bois sont en pleine croissance. » Celui de l’éolien en mer devrait fortement se développer à partir de 2021. On parle là d’emplois pérennes, et non délocalisables. L’avantage de l’économie verte… « Pour trouver la perle rare, beaucoup d’entreprises démarchent les écoles formant aux métiers de l’environnement », remarque Alexis Avenel, chargé de projets dans un bureau d’études et intervenant à l’Institut supérieur de l’environnement (ISE). « Le secteur regroupe des métiers très divers comme les agents de tri des déchets, les chefs de projets solaires, les ingénieurs méthaniseurs, les diagnostiqueurs en performance énergétique, les responsables RSE. Et ce, pour tous niveaux de qualification, de BEP ou CAP à bac + 5-8, constate Valérie Weber-Haddad, économiste à l’Ademe. Ce besoin en main-d’œuvre concerne le secteur marchand, les industries, les coopératives, les banques et les bureaux d’études, mais aussi les collectivités et le secteur non marchand, comme les collectivités locales et les associations. »

Des métiers qui font sens.

Acteur industriel incontournable de la filière de l’éolien en France, Enercon a procédé à plus de 1900 installations sur le territoire. L’entreprise compte 830 emplois dans la production, dans la vente, dans la gestion de projet et dans la maintenance. « Nous recrutons très régulièrement des profils variés tels que des ingénieurs, des chefs de chantier, des techniciens éoliens, des logisticiens ou des formateurs, indique Elsa Couturier, en charge des relations publiques et de la communication de l’entreprise. Savoir travailler en équipe et être polyvalent sont des qualités indispensables. Un bon niveau d’anglais est aussi souhaité, tout comme le fait d’être en bonne condition physique et de ne pas avoir le vertige. » Là encore, Enercon investit dans la formation de ses employés au travers de ses deux centres en France. Ouverts en 2017 et 2018, l’un est dédié à la maintenance, l’autre au montage d’éoliennes. La situation est encore plus complexe pour les entreprises de petite taille. Techniciens, chargés d’exploitation, financiers, juristes, chargés de projets, ingénieurs… L’entreprise Technique Solaire compte une cinquantaine de collaborateurs. Spécialisée dans la production d’énergie solaire dans l’Hexagone et à l’étranger, elle s’oriente davantage vers les sites de recrutements spécialisés (Cadre Emploi, par exemple) ou vers les chasseurs de tête. « Nos échanges avec Pôle emploi se sont révélés infructueux, les profils étant peu adaptés. Or, le solaire prend actuellement une place majeure dans le monde. Pour recruter, nous avons dû installer deux nouveaux sites à Paris et à Bordeaux, qui sont de gros bassins d’emplois », précise Thomas de Moussac, cofondateur de Technique Solaire. Originaire de Poitiers, et dans l’incapacité de recruter dans sa ville, l’entreprise a su s’adapter afin de poursuivre son évolution. Elle prévoit de doubler ses effectifs dans les cinq prochaines années. Pour ce faire, Thomas de Moussac se rapproche des écoles de commerces et d’ingénieurs. « Il faut donner envie aux jeunes générations de se tourner vers ces métiers qui font sens et les inviter à participer au changement du monde. »

Des ambassadeurs métiers.

Attirer et fidéliser les jeunes recrues, c’est aussi l’objectif d’Engie. L’entreprise a mené une enquête dans ses 70 filiales à travers le monde, et ce afin d’avoir une vision globale sur les métiers émergents ainsi que sur ceux amenés à disparaître. Tout comme Veolia, Engie recherche des techniciens de maintenance. « C’est un métier d’avenir qui est enrichi par la compétence nouvelle du digital, indique Philippe Perret, directeur mobilité et compétences du groupe Engie. Nos métiers émergents concernent les secteurs de l’hydrogène, du biogaz, ainsi que le biométhane. Mais nous avons aussi des besoins sur des postes de data scientists, de chargés d’affaires et de commerciaux. » Au sein d’Engie, une communauté de 200 ambassadeurs a été créée. Quinze clips de fiches métiers ont été réalisés dans lesquels ces professionnels évoquent leur métier, sur le portail de l’entreprise. Ils interviennent aussi pour susciter des vocations dans les écoles, dans les CFA, dans les Salons professionnels, lors de colloques… « Une responsabilité qui valorise ces professionnels », estime Philippe Lesoil, directeur des ressources humaines de la BU France Renouvelables. Fin 2019, ces ambassadeurs devraient être 500 dans toute l’Europe. « Nous constatons que la pénurie de candidats n’est pas propre à l’Hexagone, reprend Philippe Perret. Nous rencontrons ce même problème partout dans le reste de l’Europe. Les filières non techniques ont davantage été valorisées. Il est temps d’inverser la tendance et de développer l’apprentissage et l’alternance en France. Notre but est d’atteindre 10 % d’alternance. » Engie a été le premier opérateur à recruter en apprentissage en Roumanie. En France, l’entreprise travaille en partenariat avec Pôle emploi pour créer des passerelles, notamment avec les seniors sortis du marché du travail. « Notre défi est double : recruter et garder nos talents, indique Philippe Lesoil. Pour cela, nous avons mis en place une démarche collaborative visant à écouter et à coconstruire avec les techniciens Engie des actions portant sur leur évolution professionnelle, leur formation et l’animation de leur communauté. » D’ici à 2023, Engie multipliera par trois le secteur du solaire, et par deux celui de l’éolien. L’économie verte est en route.

Agriculture bio, filières bois et vélos recrutent

D’autres filières de l’économie verte recrutent. C’est le cas du secteur de l’agriculture. L’engouement pour le bio a généré 10 669 nouveaux emplois en 2017, selon l’Agence Bio. L’agriculture bio a davantage besoin de main-d’œuvre que l’agriculture conventionnelle. Les fermes bio embauchent 59 % de personnel en plus pour le désherbage, la tonte et le travail au sol. Le bio engendre 9,5 % d’emplois supplémentaires chaque année. Avec des profils de postes qui ne nécessitent pas forcément de formation en amont : vente au détail (27 000 emplois), transformation des produits (15 000), distribution (1 800), boulangerie artisanale (320) et fabrication d’aliments pour bétail (210). La majorité des emplois se situe en production (88 400). Quatre régions leaders (Occitanie, Auvergne – Rhône-Alpes, Nouvelle-Aquitaine, Pays de la Loire) concentrent plus de 40 % des entreprises de transformation et de distribution certifiées en bio.

La filière du bois est également en plein boom. Les métiers, qui nécessitent un vrai savoir-faire (ouvriers, gestionnaires forestiers, vendeurs, techniciens ou encore ingénieurs), y sont très variés et offrent un choix important de débouchés : agriculture, gestion forestière, industrie, ameublement ou construction… Les profils les plus recherchés sont les menuisiers, les charpentiers et les technico-commerciaux ayant une parfaite connaissance du bois, afin d’œuvrer chez les fabricants de maisons et de charpentes. De l’apprentissage aux grandes écoles, ces emplois sont de plus en plus valorisés et spécialisés. Le secteur devrait générer 125 000 emplois d’ici 2025.

Côté mobilité, les jobs liés au vélo fleurissent (endeurs, mécaniciens-réparateurs…). Dans les centres de formation, les jeunes côtoient les demandeurs d’emploi en reconversion. Le campus de Guyancourt a ouvert ses portes voilà un an pour répondre aux besoins du secteur, liés à la mobilité. Et même si les inscriptions ont été nombreuses, des places sont encore disponibles. Le campus mise donc sur ses opérations portes ouvertes. L’accroissement de la part modale du vélo, en France, pourrait atteindre les 8 % d’ici 2020.

Auteur

  • Valérie Auribault