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« Droit de travailler » aux États-Unis

À la une | publié le : 01.04.2019 | Lys Zohin

La droite américaine cherche, depuis longtemps, à réduire le pouvoir des syndicats, notamment dans la fonction publique. Elle a réussi le 27 juin dernier.

L’argument de Mark Janus était évident pour certains, spécieux pour d’autres. Selon ce fonctionnaire de l’État de l’Illinois soutenu par des organisations de droite, être obligé de payer une cotisation au syndicat qui le représentait revenait à le priver des avantages du premier amendement à la Constitution américaine, qui garantit, entre autres, la liberté d’expression et la liberté d’association. Portée en justice, son affaire a fini à la Cour suprême. En juin dernier, à cinq voix contre quatre, la majorité conservatrice de la plus haute autorité judiciaire du pays a décidé qu’effectivement, on ne peut pas « forcer des salariés à subventionner l’expression privée ». Autrement dit, les fonctionnaires qui décident de ne pas se syndiquer n’auront pas à participer aux frais lors de négociations collectives menées par les syndicats, même s’ils bénéficient des avantages obtenus par ces mêmes structures… En effet, nombre d’États avaient jusqu’à présent adopté un dispositif selon lequel les syndicats de la fonction publique pouvaient prélever une participation auprès de non-membres pour financer leur représentation lors de négociations. Après la décision de juin dernier, cette participation obligatoire est donc illégale dans tout le secteur public.

Représentation

Et les antisyndicats veulent aller plus loin. Dans le sillage de la décision de la Cour suprême, d’autres affaires ont été portées en justice, argumentant cette fois que l’idée même d’avoir un syndicat désigné pour conduire des négociations violait, là aussi, le premier amendement. Si les juges de la Cour suprême décidaient un jour en faveur de ces plaignants, la représentation exclusive des fonctionnaires pourrait alors être remplacée par un système dans lequel un syndicat ne négocierait que pour les salariés qui le choisissent. Les autres formeraient des groupes concurrents pour négocier des accords avec le même employeur. Chaque salarié trouverait, individuellement, un terrain d’entente avec l’administration… Autant dire que le pouvoir des syndicats serait fortement réduit. Il le sera déjà avec la décision de juin dernier, puisque les syndicats devront faire sans la participation demandée lors des négociations. Pas étonnant d’ailleurs que Donald Trump s’en soit réjoui et ait twitté que la décision allait faire « un sacré trou dans les coffres des Démocrates »… Alors que les syndicats souffrent déjà depuis des années (le taux de syndicalisation, de 20,1 % au total en 1983, n’était plus que de 10,5 % en 2018, selon le bureau fédéral des statistiques), limiter leur action en général, et en particulier au sein de la fonction publique, est une ambition que poursuivent divers groupes de droite, largement subventionnés par des millionnaires (qui ont également soutenu Trump). Et si c’est la fonction publique qui a été d’abord ciblée, c’est parce que le taux de syndicalisation y est cinq fois plus élevé que dans le privé (33,9 % contre 6,4 % pour le privé en 2018).

Auteur

  • Lys Zohin