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La fonction RH opère sa métamorphose

Idées | Recherche | publié le : 01.03.2019 |

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La fonction RH opère sa métamorphose

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Dans ce 200e numéro, « Liaisons sociales magazine » inaugure une nouvelle rubrique dédiée à la recherche en ressources humaines. Fruit d’un partenariat avec le réseau Référence RH (www.reference-rh.org), une association qui regroupe une trentaine de masters d’excellence en GRH, elle vient enrichir notre offre éditoriale dans le domaine de l’expertise, de l’analyse, des idées… Ce mois-ci, deux enseignants-chercheurs livrent leurs réflexions sur l’évolution de la fonction RH, son rôle, ses missions, son utilité, sa légitimité au sein des organisations de demain. En somme, ils posent la question cruciale de l’avenir des acteurs RH et de leur capacité à s’adapter aux changements et aux transformations en cours.

Penser la FRH, c’est prendre en compte son actuel éclatement et le partage des activités RH avec d’autres (collaborateurs, managers de proximité, prestataires extérieurs, acteurs emploi, formation, etc.). Ses périmètres ou territoires d’intervention s’élargissent vers de nouvelles problématiques, comme la mise en place de dispositifs orientés « client », l’expérience collaborateur, l’aide et l’accompagnement au pilotage des transformations et transitions, le développement des compétences, la responsabilité sociale et sociétale des organisations, le bien-être au travail, etc.

Cet éclatement marque une disruption forte qui oblige les acteurs RH à adopter de nouvelles postures, à développer de nouvelles compétences privilégiant un style de management et de leadership bienveillant ou de pleine conscience. Au-delà des compétences techniques, il faudra se constituer un portfolio de soft skills pour mieux accompagner cette métamorphose : esprit critique, écoute active, adaptabilité, capacité à mettre en relation, intelligence émotionnelle, intuition numérique, créativité, etc.

Des domaines d’intervention de la fonction RH enrichis

Le périmètre d’action de la fonction évolue au regard de problématiques nouvelles, souvent dues à la place et aux rôles que les organisations tiennent dans la société et sur un territoire donné, mais également aux relations qu’elles entretiennent avec l’ensemble de leurs parties prenantes. L’étude menée pour les 70 ans de l’ANDRH identifie bien les domaines d’activités de cette future FRH qui devra, en fonction de son degré de maturité, de la croissance de son organisation, des objectifs de performance qu’elle poursuit, de son contexte et du secteur d’activité, de la spécificité de son environnement, des relations qu’elle entretient avec ses parties prenantes, s’interroger sur son positionnement dans la structure et dans la société.

Une posture des acteurs RH (ré) interrogée

La FRH fait face à un mouvement sans précédent de « RH bashing ». Menacée dans sa crédibilité et dans sa légitimité, elle doit adopter une posture nouvelle en totale rupture avec celle d’hier. On pense, par exemple, à la posture administrative certes utile, mais qui n’est plus suffisante, aujourd’hui, pour contribuer à la création de valeur et être légitime aux yeux des collaborateurs. C’est également le cas de la posture sociale et humaine qui positionne la FRH comme une fonction d’écoute, dont l’objectif serait uniquement celui de favoriser le bonheur au travail et l’épanouissement professionnel et personnel des collaborateurs. On voit bien que l’une et l’autre de ces postures ne traduisent pas, à elles seules, la richesse et la complexité des activités de la FRH.

Dans cette perspective, une démarche marquant un changement de paradigme sera nécessaire. On comprendrait que les dispositifs RH soient destinés à repérer les dysfonctionnements, les anomalies, et à les régler, par des activités en lien avec la gestion des risques psychosociaux. Une toute autre posture consisterait à adopter une démarche de qualité de vie et de bien-être au travail, axée sur l’écoute, sur la prévention et sur la conception et la mise en œuvre de dispositifs adaptés et innovants. Une rupture s’est donc opérée entre une posture dite « doloriste » du travail, reliée aux RPS et à la souffrance au travail, et une vision dite « salutogène » en prise avec le bien-être et la QVT, voire le plaisir au travail. L’ambition de la FRH sera de faciliter le passage de l’individuel au collectif, et plus largement au sociétal.

L’approche positive du travail s’ancre dans des impacts pluriels qui témoignent de liens multiples entre les émotions ou les affects positifs et le travail. Une telle approche induit de s’intéresser aux compétences que les acteurs RH devront maîtriser pour exercer pleinement leur(s) métier(s). Nous ne parlons pas ici des compétences techniques, mais de compétences moins visibles, en lien avec la notion d’émotion, qui constituent un véritable objet de recherche dans la sphère du travail. L’émotion renvoie à trois composantes, l’une étant liée aux changements physiologiques, l’autre à l’expérience subjective de la situation (agréable ou désagréable), et la troisième aux comportements observables sur le plan personnel et social. Autrement dit, elle est non seulement construite socialement, mais elle l’est aussi culturellement. Elle représente une grille de lecture avérée en matière de travail, parce que c’est un espace avec une composante forte. Les acteurs RH devront faire preuve d’intelligence émotionnelle tant pour mieux vivre les défis qui les attendent, que pour accompagner les collaborateurs et l’organisation dans les transitions et transformations qu’ils vivent.

Des configurations RH nouvelles

Si le périmètre des activités RH n’est plus, aujourd’hui, celui qu’il était hier, il est indispensable d’imaginer différentes façons de considérer les RH. C’est une question de configurations qui permettra à chacun de vivre en cohérence les évolutions de la fonction, son éclatement et son partage. Aucune configuration n’est supérieure, et les organisations auront la possibilité d’adopter l’une plutôt qu’une autre, voire d’opérer une transition, un passage de l’une vers une autre.

La configuration fonctionnelle : les activités RH se déploient dans des services ou directions RH. On parle alors de la fonction RH, centre de gestion de ressources où sont concentrés les processus, les outils et les acteurs RH. Il s’agit de la configuration historique et classique de la GRH.

La configuration en partage avec les managers : les activités RH sont partagées avec les managers, à qui le service ou la direction RH confient certaines activités. Ce partage des métiers va au-delà des managers puisque les collaborateurs peuvent se voir confier certaines activités, les rendant ainsi acteurs des processus RH. C’est une configuration qui se développe depuis quelques années.

La configuration personnelle : avec l’évolution de la relation au travail et les outils digitaux, chaque personne est son propre RH. C’est une configuration émergente rendant les individus acteurs et responsables. Les différents textes, depuis le DIF jusqu’au CPA et aux dernières ordonnances, visent à responsabiliser de plus en plus la personne dans le pilotage de sa trajectoire professionnelle.

La configuration systémique : il s’agit là d’une vision élargie de la GRH à l’ensemble de ses parties prenantes. Cette configuration est également émergente dans le sens où, demain, on pourrait imaginer beaucoup plus de coopération et de coordination efficace entre l’ensemble de ces acteurs dits de l’emploi, de la formation et du développement des compétences, sur un territoire donné. Les réformes en cours vont dans ce sens. La GRH doit se penser « hors les murs et les frontières » de l’organisation. Cette vision éclatée et partagée propose une vision élargie dans la façon d’exercer les RH.

Conclusion

Les transformations et les évolutions majeures qui ont impacté les individus et les organisations ont profondément modifié le contexte du travail, ainsi que les relations qui le régissent et, par voie de conséquence, la fonction RH. Si les organisations réussir, elles doivent faire preuve d’adaptabilité et d’agilité. Le cadre du travail, les règles du marché du travail sont aujourd’hui perçus comme de plus en plus durs, et marqués par une certaine imprévisibilité. Les collaborateurs sont conscients que l’environnement change, qu’il devient de plus en plus complexe, de moins en moins lisible, avec des conséquences parfois nuisibles. Pour affronter ces nouveaux enjeux, la fonction RH doit adopter une nouvelle posture privilégiant une dimension humaine et relationnelle, tout en faisant preuve d’intelligence émotionnelle. Dans ce contexte, il semble important que les organisations privilégient un certain style de management et de leadership qui soit responsable, collaboratif et durable. Ce type de management repose sur une confiance réciproque, sur la possibilité d’un droit à l’erreur, et sur le développement de compétences dites « agiles ». Ce sont d’ailleurs les motivations originelles de ceux qui ont privilégié la création d’organisations dites « libérées », d’organisations plates, de nouvelles formes d’organisation et/ou de nouvelles formes de relations de travail. L’organisation devra nécessairement abandonner la massification et la globalisation des outils et des pratiques RH, qui aboutissaient à une offre globale, unique et indifférenciée. C’était rassurant, mais cela ne permettait nullement de répondre aux besoins, aux envies, aux désirs et aux attentes des collaborateurs, ainsi qu’aux impératifs de performance. Relever ce défi, c’est également accepter la réalité propre au monde des organisations et de la société ; il s’agira de prendre en considération un ensemble de communautés. Par une meilleure connaissance de ces dernières, il sera alors possible d’instaurer du dialogue, de la communication et de la confiance.