Le nouveau chef d’orchestre des politiques de formation, c’est lui. Depuis le 16 janvier, Jérôme Tixier, 64 ans, occupe la présidence de France Compétences, la nouvelle autorité quadripartite de répartition des financements, de régulation de la qualité, et de veille sur les coûts et sur les règles de prise en charge de la formation professionnelle et de l’alternance. Une place où personne n’attendait vraiment cet ancien diplômé de Sciences Po, fraîchement retraité du groupe L’Oréal, où il occupait conjointement les postes de conseiller du président Jean-Paul Agon et de directeur général des ressources humaines. « On s’attendait plutôt à un profil à la Jean-Marie Marx (ancien président du Conseil national pour l’emploi, la formation et l’orientation professionnelles, devenu depuis haut-commissaire à la transformation des compétences, NDLR), associant vision panoramique du monde social, expérience du terrain et forte expertise dans le domaine de la formation professionnelle », confie David Margueritte, président de la commission formation de Régions de France, l’un des deux représentants des collectivités régionales au sein de France Compétences.

Il est vrai que la linéarité du parcours de Jérôme Tixier en fait un cas à part dans le monde RH. Loin d’avoir bourlingué sur le plan professionnel, l’homme se distingue par une fidélité sans faille à L’Oréal, chez qui il a posé ses valises pour la première fois en 1980, sans nécessairement avoir conscience qu’il y ferait toute sa carrière, occupant cinq fonctions en 35 ans – du commercial chez Biotherm à la DAF en passant par la direction de la filiale Kérastase.

Ce parcours le désigne-t-il pour autant comme « the right man in the right place », là où les acteurs du monde social attendaient plutôt un hypertechnicien de la formation professionnelle, blanchi sous le harnais, habitué des négos interprofessionnelles tardives et visiteur vespéral des cabinets ministériels ? « Ce n’est pas si mal que ce soit lui. On est là pour discuter de l’enjeu de la montée des compétences, et L’Oréal est loin d’être la boîte la plus nulle sur ce sujet. Chez eux, la question des compétences est rarement absente des stratégies RH », observe Philippe Debruyne, administrateur CFDT de l’instance. Pas faux, si l’on se souvient de l’un des derniers coups d’éclat de Jérôme Tixier en matière de formation au sein du géant des cosmétiques, à savoir le développement d’une « culture MOOC » grâce à la mise à disposition des salariés, dès 2016, de près de 100 000 heures de cours en ligne sur des sujets dépassant le seul cadre des compétences-métier. De l’aveu général, le « techno » de France Compétences sera plutôt son directeur général, Stéphane Lardy, ancien apparatchik FO, passé depuis par l’Inspection générale des affaires sociales et par le cabinet de la ministre Muriel Pénicaud, fin connaisseur des rouages du système de formation. « Comme à Pôle emploi ou à l’Afpa, le vrai patron ne sera pas le président, mais le directeur général », a expliqué Michel Abhervé, observateur du monde social, sur son blog. Du côté des administrateurs de l’instance, on imagine plutôt un Yalta des responsabilités entre les deux : « Ses premières prises de parole en tant que président ont démontré qu’il avait la “big vision” stratégique et la volonté de créer de la concorde dans une instance présentée comme quadripartite, mais où l’Etat est prédominant », concède David Margueritte. À l’un, le maintien de la bonne entente entre les administrateurs ; à l’autre, les mains dans le moteur. Dans cette configuration, la fonction confiée à l’ancien patron des RH de L’Oréal n’a rien de cosmétique.

1980

Entre chez L’Oréal comme auditeur interne.

2007

Conseiller du président de L’Oréal, Lindsay Owen-Jones.

2011

Jean-Paul Agon le nomme directeur général des ressources humaines.

2019

Nommé personnalité qualifiée au sein du CA de France Compétences, avant d’en prendre la présidence.