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Des outils encore peu exploités

Dossier | publié le : 01.03.2001 | S.P.

De plus en plus d'entreprises s'équipent de solutions informatiques destinées à gérer les compétences de leurs collaborateurs. Mais ces outils sont, actuellement, davantage destinés à faciliter le travail des DRH qu'à apporter un réel service aux salariés.

Depuis que les entreprises ont découvert qu'elles gèrent des compétences, et non plus seulement des postes de travail, c'est la course à l'équipement. Quand elles n'en sont pas déjà dotées, les directions des ressources humaines envisagent toutes l'acquisition d'un outil informatique spécifique. Il ne s'agit pas d'un effet de mode ou d'un investissement superflu. Car cette informatisation est une condition sine qua non pour réussir une démarche de développement des compétences. « Au-delà de 100 salariés, il est difficile pour les entreprises d'engager une telle politique sans les outils informatiques permettant d'accélérer et de rationaliser le processus », estime Éric Lhomme, manager chez Algoé, cabinet de conseil en organisation.

Mais les entreprises ne partent pas de zéro. Il y a belle lurette qu'elles disposent d'un système d'information pour gérer la paie ou la formation. Il suffit d'y adjoindre les modules sur les compétences que les éditeurs s'empressent d'ajouter dans leurs progiciels intégrés de gestion des ressources humaines. « Les clients qui utilisaient, depuis plusieurs années, notre progiciel Pléiades pour des opérations ayant trait à la paie, à la formation ou au passage aux 35 heures s'en servent aujourd'hui de plus en plus pour manager les compétences », confirme ainsi Véronique Montamat, directrice marketing de la SSII Sopra. C'est le cas de Danzas. Le transporteur s'est doté de ce logiciel en janvier 1998 pour simplifier l'administration et la paie de ses 5 500 salariés disséminés dans tout l'Hexagone. Depuis quelques mois, il fait également tourner le module spécifique réservé au traitement des compétences, notamment pour la gestion de carrière et la formation.

D'abord une base de données

Condition préalable à la bonne utilisation des outils : répertorier les métiers de l'entreprise et définir les compétences qui leur sont attachées. Chaque référentiel de compétences doit donc répondre aux besoins de la politique RH. L'équipementier automobile Faurecia développe un logiciel de gestion des compétences depuis la fin de l'année 2000 utilisable par l'ensemble de ses filiales dans le monde entier. Pour répertorier les aptitudes techniques et managériales indispensables chez ses salariés, le groupe s'est appuyé sur les témoignages d'une dizaine de responsables RH et de 130 directeurs opérationnels internationaux. Le cabinet d'audit Ernst & Young s'est, lui, davantage focalisé sur les besoins de ses clients lorsqu'il a voulu élaborer son propre référentiel et définir ses compétences clés. « Nous nous sommes posé la question de la gestion des compétences en termes de résultats attendus lors des missions », indique Pierre Hurstel, le DRH de la société de conseil.

La base de données ainsi constituée est ensuite alimentée en fonction des objectifs recherchés par les directions des ressources humaines. Les entreprises industrielles ou celles de la grande distribution, qui demandent à leurs salariés d'être polyvalents sur plusieurs postes, constituent souvent des profils à partir d'informations accumulées sur les postes de travail. « Leur objectif est d'obtenir une bonne adéquation entre plan de charge et ressources disponibles, explique Henri Labadie, P-DG de Chronotique, éditeur spécialisé dans la gestion des temps. Mais la situation se corse avec la mise en place de l'aménagement et de la réduction du temps de travail. Certains outils, comme les nôtres, permettent alors à la DRH de trouver le salarié capable d'occuper un poste défini, en interrogeant la base et en identifiant les collaborateurs qui l'ont déjà tenu. »

Dans la plupart des cas, les entreprises ont besoin de données encore plus précises. Qu'il s'agisse de définir des plans de formation individuels, de gérer la mobilité, d'établir des équivalences d'emplois entre des sites étrangers, de redéployer des salariés, de constituer des équipes dédiées à des projets ou d'analyser des viviers de collaborateurs. La base de données est alors généralement mise à jour par la DRH, qui saisit les comptes rendus ou les résumés des entretiens annuels d'évaluation. « Cela nous permet d'avoir rapidement une synthèse du profil d'un salarié et de savoir où il en est », précise Céline Cailler, responsable de la formation et de la gestion des carrières du groupe Danzas. Chez le transporteur, un lien a été établi entre les modules de compétences et de formation du progiciel Pléiades. Le responsable RH peut ainsi visualiser rapidement quels sont les stages qui correspondent le mieux aux besoins d'un salarié, s'il ne possède pas les compétences attendues pour son poste ou pour le poste qu'il brigue. « Même chose lorsqu'il y a un poste à pourvoir, ajoute Bernard Gauvignon, P-DG d'Algidh, société qui édite le logiciel Foederis. Il suffit au DRH de croiser les compétences théoriquement requises pour le poste avec celles de ses salariés. »

Démocratisation via l'intranet

Tout le problème est d'alimenter la base de données avec des informations plus récentes que celles obtenues à partir des entretiens annuels. Un point qui pourrait être résolu en permettant aux salariés d'actualiser la base au fur et à mesure. Mais, jusqu'à présent, les managers restent généralement peu informés de la mise en place de ces outils informatiques. Et encore moins le reste des troupes. « Ce n'est pas facile, techniquement, d'installer un logiciel sur tous les postes de travail des collaborateurs, estime Bernard Gauvignon. Ce sont les responsables RH qui construisent les référentiels, entrent les informations issues des entretiens annuels et sont les seuls à les utiliser. Mais la généralisation de l'intranet va permettre de démocratiser l'opération. »

Certaines entreprises ont modélisé l'entretien annuel dans leur logiciel de gestion de compétences afin que les responsables hiérarchiques puissent saisir eux-mêmes les résultats. En comparant avec des profils types, ils peuvent directement évaluer les insuffisances dans leur équipe. D'autres secteurs, comme l'audit ou le conseil, y intègrent des informations récoltées lors des interventions des consultants chez les clients. Une opération qui ne relève plus seulement des ressources humaines. « Ce sont les chefs de mission qui, à la fin de chaque prestation, évaluent les compétences techniques, le comportement professionnel et les qualités personnelles de nos consultants, explique Marie-Joëlle Jumeaux, DRH du département audit d'Arthur Andersen. Pour chaque compétence, ils attribuent une note comprise entre 0 et 6. Une moyenne globale est ensuite calculée. » Une procédure identique a été mise en place chez Ernst & Young depuis la fin de l'année 2000.

Les DRH ont tout intérêt à impliquer les managers de terrain. Non seulement elles obtiennent, grâce à eux, des informations actualisées sur les collaborateurs, mais elles décentralisent une partie du travail en leur demandant de saisir eux-mêmes les appréciations, et les impliquent par la même occasion. « Pour qu'un tel projet réussisse, il est, en effet, primordial que les managers se l'approprient. Qu'ils comprennent l'utilité de penser aujourd'hui en termes de compétences et non plus de postes, explique Jean Francfort, directeur des systèmes RH de Faurecia. C'est en mettant l'outil informatique à leur disposition qu'on leur donne la possibilité de le faire. »

Timides débuts de l'évaluation en ligne

Mais rares sont les entreprises qui poussent la logique jusqu'au bout, en permettant à l'ensemble des salariés d'alimenter la base de données interne par des autodiagnostics. « Cela enrichirait pourtant les bases avec des informations que les salariés ne délivrent pas forcément à leur supérieur. Les entreprises en sont conscientes et réfléchissent de plus en plus à de tels dispositifs, assure Véronique Montamat, de Sopra. En tant qu'éditeur, nous étudions de notre côté de quelle manière nos clients pourraient établir des liens avec des prestataires qui proposent de l'autoévaluation en ligne. En consultant l'intranet de son entreprise, le salarié pourrait se connecter à certains sites choisis au préalable et tester ses compétences. »

Pour l'heure, les entreprises dans lesquelles les salariés consultent directement le référentiel de compétences sont encore l'exception. C'est le cas de Faurecia. « Les salariés peuvent compulser les informations théoriques relatives au poste qu'ils occupent ou à un poste qu'ils ambitionnent, précise Jean Francfort. Et mesurer ainsi l'écart qui existe entre leur propre profil et celui qui est demandé. Cela leur permet de mieux cibler leurs actions de développement. » Mais ils n'interviennent toujours pas directement sur le logiciel, puisqu'ils doivent prendre papier et crayon pour s'autodiagnostiquer.

Ernst & Young a franchi le pas. « Ce n'était pas évident : on ne savait pas quelles compétences lister », avoue Caroline Fatou, assistante marketing au département études et projets marketing d'Ernst & Young. Aujourd'hui, le personnel du cabinet d'audit alimente directement la base de données, en s'autodiagnostiquant en ligne à certains moments clés de la vie professionnelle. « Nous demandions déjà à nos collaborateurs de réfléchir à leur carrière, à leurs aspirations ou de voir quelle formation il leur manquait pour atteindre leurs objectifs. Désormais, ils ne peuvent plus y couper, puisqu'ils ont à leur disposition un outil préformaté », explique Chantal Amanou, du département études et projets marketing du cabinet.

De nouvelles attentes des salariés

Résultat, la préparation à l'entretien comme l'entretien lui-même, qui, selon la DRH, relevaient auparavant du bricolage, sont plus efficaces. En un clic, les salariés ont accès à toutes les compétences attachées à leur poste. Il leur suffit de s'attribuer une note entre 1 et 4. Après leur autoévaluation, ils rencontrent leur manager afin qu'il vérifie s'ils ne se sont pas sur ou sous-évalués, puis valide l'autodiagnostic. « Je demande aux membres de mon équipe de faire cet exercice une fois par trimestre, ajoute Chantal Amanou. S'ils ne sont pas sur la bonne voie pour atteindre leurs objectifs, on peut les remettre sur les rails, sans attendre l'entretien annuel d'évaluation. Et puis cela favorise le dialogue. »

En mettant en place des procédures sophistiquées, en demandant à leurs salariés de s'autodiagnostiquer, les entreprises créent des attentes. « C'est intéressant de savoir où on en est ou de se découvrir certaines compétences, souligne Caroline Fatou, d'Ernst & Young. Reste à savoir ce que va faire la DRH de ces informations, si elles vont déboucher sur des plans de formation ou favoriser la mobilité. » En clair, les salariés réclament un suivi. Or la majorité des entreprises se contentent de dresser un tableau théorique des compétences sans prendre en compte les progrès réalisés. « Celles qui vont jusqu'au bout de leur démarche et qui lient compétences et performances se comptent sur les doigts de la main », constate Marie-Paule Bansept, consultante au cabinet de conseil en organisation Eurogroup.

Des cabinets comme Ernst & Young ou Arthur Andersen établissent un lien direct entre la gestion des compétences et les rémunérations. « Nous faisons une moyenne entre les notes affectées aux compétences manifestées par nos consultants lors des missions et celles attribuées lors de l'entretien annuel, et celle-ci détermine les augmentations de salaire », explique Marie-Joëlle Jumeaux. Une utilisation très intéressée des logiciels de compétences qu'on imagine encore mal en dehors des cercles restreints du conseil et de l'audit.

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  • S.P.