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Avantage aux instituts de prévoyance

Dossier | publié le : 01.05.1999 | M. W.

Sur le marché de la prévoyance collective, les compétiteurs affûtent leurs armes. Les assureurs se remettent de leurs fusions. Quant aux IP, elles n'ont pas l'intention de lâcher du lest.

Sur le marché déjà saturé de la prévoyance d'entreprise, la concurrence ne fait que s'exacerber entre les deux acteurs traditionnels : les institutions de prévoyance (IP) et les assureurs. Ces derniers restent encore maîtres du jeu, surtout en prévoyance lourde (décès, invalidité, incapacité), avec, en 1997, un chiffre d'affaires de l'ordre de 32,3 milliards de francs, contre un peu plus de la moitié seulement pour les IP (17,5 milliards). Mais les institutions de prévoyance sont de plus en plus agressives. En revanche, en assurance santé d'entreprise, les IP reprennent régulièrement des parts de marché aux assureurs. Avec un chiffre d'affaires de 16,6 milliards de francs, elles ont amélioré leur score de 9 % en 1997. A contrario, les assureurs ont régressé dans une proportion identique (– 8 %, avec 15,7 milliards). C'est d'autant plus inquiétant pour eux que le marché de la santé d'entreprise est, à la différence de la prévoyance lourde, en plein essor !

Les assureurs collectifs ont tout simplement lâché du lest, pour cause de fusions. Rares sont ceux qui n'ont pas changé d'actionnaires. L'UAP, baron de l'assurance d'entreprise, a été littéralement avalé par le géant Axa. Les AGF par l'assureur allemand Allianz, le GAN par Groupama. Et, pour couronner le tout, sur fond de rationalisation sévère de l'assurance d'entreprise. Car, depuis 1994, les organismes assureurs se sont donné pour priorité de privilégier la rentabilité des affaires. En clair, de freiner les souscriptions tous azimuts et de se concentrer sur les risques qui en valent vraiment la peine. L'ère des fusions est arrivée en plein nettoyage de portefeuilles. Les plus touchés sont incontestablement les AGF et le GAN. Mais le superbe portefeuille de l'UAP (11,4 milliards de francs à lui tout seul en 1997, quand le deuxième, la CNP, n'arrive qu'à 6,2 milliards de francs) a été largement attaqué lors du passage sous la bannière d'Axa, qui a bien résisté mais n'a pas progressé. Presque tous les anciens nationalisés ont stagné, voire régressé. Mais, aujourd'hui, ils affichent une ferme volonté de repartir à la reconquête du marché.

Des croissances à deux chiffres

Les IP ont largement occupé le terrain et profité des faiblesses passagères des assurances. Les plus importantes affichent des progressions insolentes en 1998 : + 19 % pour l'AGRR, + 11 % pour le CRI, + 10 % pour l'Apri, + 4 % pour Médéric. Ce qui semble normal, puisque leur sort est intimement lié à celui des caisses de retraite dont elles sont généralement les émanations. Depuis 1996, les tutelles (Agirc et Arrco) ont décidé de réduire la voilure en retraite : régime unique Arrco, investissements informatiques soumis à autorisation, etc. Leur objectif est de diminuer sensiblement les frais de fonctionnement des vieilles caisses de retraite. Mais, régime unique et automatisation des procédures de liquidation des retraites ne font pas bon ménage avec l'emploi. « Développer la prévoyance est le seul moyen d'absorber dans nos groupes de protection sociale les sureffectifs de la retraite », reconnaissent les professionnels. D'autant que « le marché de la retraite obligatoire n'offre plus d'opportunités de croissance significatives », poursuit Jean-Louis de Mourgues, délégué général de l'AGRR. Il est fini le temps où les taux de cotisation aux régimes complémentaires obligatoires de retraite pouvaient s'envoler. Les accords du 25 avril 1996 l'interdisent : les taux sont désormais plafonnés. Sans compter que la départementalisation des caisses de retraite complémentaire, au programme pour l'an 2000, les oblige à travailler sur un secteur géographique précis. La prévoyance apparaît donc comme une excellente porte de sortie. Et les institutions ne manquent pas d'atouts.

En termes de prix d'abord. Car, au grand dam des assureurs, elles bénéficient d'une exonération de la taxe de 7 % sur la couverture des frais de santé. À partir de 2 ou 3 millions de francs de cotisations maladie, c'est un argument décisif. Par ailleurs, les institutions n'ont pas d'actionnaires à rémunérer. « Alors que les assureurs tablent sur 15 % de retour sur fonds propres, 5 à 10 % nous suffisent pour satisfaire nos adhérents », affirme Jean Mombazet, DGA d'Apri-Prévoyance. Tout cela joue sur le prix. À ce jeu-là, les IP sont souvent accusées de dumping. Médéric est la plus critiquée par ses concurrents sur sa politique tarifaire. Mais Médéric a les reins plus que solides pour financer sa croissance, et il n'est pas certain qu'attaquer le marché par des prix attractifs soit plus onéreux qu'acheter un portefeuille.

Mais l'avantage définitif d'une IP provient de son mode de fonctionnement paritaire. « Les chefs d'entreprise délèguent de plus en plus le suivi de la prévoyance aux partenaires sociaux. Nous en profitons puisque nous sommes leur bras séculier », assure Jean-Louis de Mourgues. Il est vrai que les partenaires sociaux sont de plus en plus partie prenante du suivi. C'est l'une des conséquences des lois Évin de décembre 1989 et Veil d'août 1994. Elles les ont véritablement associés aux circuits de décision en matière de protection sociale, au plus grand bénéfice des institutions. Entre compagnies d'assurances et institutions de prévoyance, il ne reste guère de place pour de nouveaux entrants. La Mutualité tente pourtant sa chance depuis 1996, avec plus qu'un succès d'estime. En 1998, elle a atteint en prévoyance collective (hors santé) un chiffre d'affaires de 1,9 milliard de francs. La Fédération nationale de la mutualité française s'en remet beaucoup à ses mutuelles locales pour quadriller le terrain. Mais une mutuelle qui lorgne la prévoyance lourde ne se tourne pas forcément vers la FNMF. Pour un tas de raisons : la politique, la qualité des produits offerts et le taux de commissionnement. Les IP l'ont bien compris : elles se positionnent comme une solution alternative pour l'offre globale santé prévoyance. Le leadership des institutions de prévoyance sera décidément bien difficile à contester.

Auteur

  • M. W.