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Idées

Un face-à-face entre égalité et méritocratie

Idées | Bloc-notes | publié le : 01.02.2019 | François Dupuy

Nombreuses sont les interprétations proposées pour expliquer la crise dite « des gilets jaunes ». Une d’entre elles retient l’attention, sans doute parce qu’elle a le mérite de sortir le débat de ses dimensions les plus polémiques : elle met en avant la « peur de la mondialisation » et, plus concrètement, souligne l’incontestable réalité de gagnants et de perdants de cette mondialisation. Les premiers seraient plutôt les urbains vivant dans les grandes métropoles, les seconds évoluant dans cette France périphérique des villes moyennes et de la ruralité, et constituant « la France invisible ». Cette opposition géographique est sans doute trop simple pour être entièrement fondée mais, néanmoins, elle rejoint toutes celles qui, sous différents angles, montrent que deux France se font face, qui ne partagent pas les mêmes valeurs.

Deux visions s’opposent

La première, proche d’un monde anglo-saxon ne se posant guère la question des bienfaits ou des désastres induits par un monde global, propose une société bâtie sur la notion de méritocratie. Certes, nous naissons « libres et égaux en droits », mais, par la suite, le travail et les résultats de chacun tissent une société où l’emportent ceux qui, par leurs mérites, s’élèvent socialement et financièrement. Dans cette vision, mettre en avant l’égalité à tout prix ne peut que se traduire par un nivellement par le bas et, donc, décourager l’initiative, pour finalement amener les « talents » à s’expatrier vers des lieux plus accueillants.

À l’opposé se trouvent ceux qui, justement, militent pour cette égalité. Ils constatent – et les chiffres leur donnent raison – que les inégalités, de revenu en particulier, n’ont cessé de s’accroître depuis des décennies, même si les comparaisons internationales montrent que la France demeure un des pays les plus « redistributifs ». Ils souhaitent donc que la fiscalité sur les hauts revenus (ou celle sur les patrimoines) soit renforcée, indépendamment de toute autre considération, car elle est l’instrument privilégié d’une réduction de ces inégalités vécues comme insupportables, ce que semble confirmer le mouvement des gilets jaunes.

Arbitrage périlleux

On aura reconnu, à travers ces deux présentations sommaires, une pensée dite « de droite » face à une pensée dite « de gauche », ce qui rend l’arbitrage périlleux. Observons simplement que les Français ont depuis toujours une passion pour l’égalité, dont ils ont fait une des composantes de leur République avec la liberté et la fraternité. Mais ce qui sans doute pose problème dans la période actuelle, c’est le passage de la recherche normale d’une égalité de traitement à l’apparition et à la valorisation progressive d’une égalité de compétences. Et les réseaux sociaux ont joué un rôle déterminant dans ce glissement. En effet, dès lors que lesdits réseaux mettent sur un pied d’égalité (et c’est bien le cas de le dire) la parole de celui qui s’exprime avec celle du spécialiste reconnu qui, directement ou indirectement, lui répond, la notion de compétence et la valeur qui lui est attachée disparaissent dans le flot ininterrompu de ce que l’on appelle les « post-vérités ».

Or, ce n’est faire injure à personne que de constater à la fois la légitimité d’une recherche de « plus d’égalité » pouvant, par exemple, se traduire par une régulation des gains des plus aisés et, « en même temps », une différence dans les compétences et dans les mérites des uns et des autres, qui doit bien, à un moment donné, se traduire de façon concrète. Espérons qu’une fois les passions calmées, ce débat pourra être discuté de façon apaisée et constructive.

Auteur

  • François Dupuy