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Idées

L’entreprise, un lieu où se fabrique l’être humain

Idées | Livres | publié le : 01.01.2019 | Irène Lopez

Elles sont six, réparties entre Nantes, Le Mans, Tours et Cholet. Six usines où sont fabriqués les systèmes de câblages électriques équipant les voitures haut de gamme de PSA et de Renault, entre autres. Leur particularité ? Tous leurs opérateurs sont des handicapés mentaux : porteurs de trisomie 21, souffrant d’autisme, de retards cognitifs importants, etc. Le psychiatre Jean-Michel Oughourlian s’est immergé dans les extraordinaires « usines apprenantes » de la fondation Amipi, où le travail guérit.

Ils travaillent tous. Ils ont un salaire, des contraintes (les horaires, le rendement, la qualité), en somme une vie professionnelle (et personnelle) normale. Pourtant, personne ne misait sur l’employabilité de ces salariés. Leur seul tort ? Être handicapés : atteints de trouble autistique, porteurs de trisomie 21 ou souffrant de troubles cognitifs. S’appuyant sur des études neurologiques, ce livre est d’abord un récit. L’histoire d’Angèle, d’Antoine ou de Jérémie qui eurent un jour droit à ce verdict terrible : « Débile il est, débile il restera. » Mais, débiles, ils ne le sont plus… Car l’usine réussit là où la psychiatrie a échoué. À l’hôpital, beaucoup parmi ces opérateurs seraient des « légumes ». Alors que là, ils progressent. « C’est le travail qui guérit. L’entreprise est un lieu de production, c’est aussi un lieu où se fabrique l’être humain. Sa dimension n’est pas seulement financière, elle est aussi sociologique », explique Jean-Michel Oughourlian, psychiatre.

C’est en forgeant que l’on devient forgeron

Qu’est-ce que l’intelligence ? Comment le travail des mains peut-il agir sur les neurones et les synapses du cerveau ? Quel rôle tient le mimétisme dans la « normalisation » de ceux que l’on appelle handicapés ? C’est en forgeant que l’on devient forgeron. Pour l’auteur, toutes ses études de terrain rendent compte de l’efficacité de l’apprentissage qui consiste à jeter tout de suite les individus dans la piscine pour leur apprendre à nager dans l’eau plutôt que devant un tableau noir ou sur un tapis de gymnastique. L’auteur a entrepris d’écrire ce livre à la suite des visites qu’il a effectuées dans différentes usines apprenantes fondées et dirigées par l’AMIPI, employant des personnes porteuses de handicaps cognitifs. Tout commence le 23 décembre 1954 quand Bernard Vendre naît avec un chromosome 21 superfétatoire.

« On en fera un épicier en gros »

Son grand-père, grand banquier lyonnais, relativise avec son optimisme habituel : « Si on n’en fait pas un polytechnicien, on en fera un épicier en gros. » C’est le début de l’histoire : la construction d’un premier Institut médico-pédagogique, une prise en charge spécialisée, un apprentissage professionnel et la création d’une usine où sont embauchés les jeunes considérés comme handicapés. S’ensuit leur autonomie financière et sociale. Depuis, six autres usines ont vu le jour. Des modèles d’inclusion. À lire pour comprendre comment le travail peut s’avérer salvateur.

Le travail qui guérit.

Jean-Michel Oughourlian. Plon. 144 pages, 12,90 euros

Auteur

  • Irène Lopez