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Décodages

Le social, nouveau credo des entreprises

Décodages | RSE | publié le : 01.01.2019 | Sophie Massieu

Soutien aux aidants, accompagnement des parents, encouragement de la pratique sportive… de plus en plus, les entreprises, soucieuses de fidéliser leurs collaborateurs et de leur engagement, mettent en place des accords de qualité de vie au travail. Ciblés ou généraux, ils visent à chouchouter les salariés. Au détriment d’enjeux plus cruciaux comme l’organisation du travail ?

Aménagement des horaires de travail, troisième jour de télétravail, accès facilité au temps partiel, autorisation de trois jours d’absence, accompagnement des évolutions de carrière en cas de demande de mobilité géographique : toutes ces mesures composent un dispositif complet mis en place par La Poste, en faveur de ses salariés qui sont aidants. C’est-à-dire qu’ils accompagnent l’un de leurs proches âgé ou handicapé, ce qui leur demande de trouver un nouvel équilibre, souvent temporaire, entre vie professionnelle et vie privée. Signé en septembre dernier, adopté pour une durée de trois ans, cet accord prévoit aussi que l’entreprise abonde de mille jours un fonds où les collaborateurs peuvent puiser jusqu’à 25 unités, et que les collègues peuvent, eux aussi, compléter. Ce texte ambitieux compte parmi les derniers en date, sur une thématique qui monte au sein des politiques sociales des entreprises. Rien d’étonnant, puisque l’on estime qu’un salarié sur cinq est aidant. Mais comme La Poste, de nombreuses entreprises se lancent dans des politiques sociales et de qualité de vie au travail qui dépassent le cadre de leurs obligations légales. Et outre les aidants, de nombreuses thématiques sont abordées sur des segments ciblés parmi les collaborateurs. À l’instar des salariés de plus de 50 ans.

Globalisation des thématiques.

Fin 2017, la banque mutualiste Crédit mutuel Arkéa a signé un accord adressé aux 1 559 hommes et femmes concernés, qui représentent un quart (24 %) des effectifs. Le texte prévoit le développement du tutorat des nouvelles recrues, mais aussi le suivi de leur propre formation continue, afin d’assurer leur maintien dans l’emploi. Un objectif de 14 % de collaborateurs de plus de 55 ans a même été fixé. Favoriser leur mobilité géographique ou leur accès au télétravail compte parmi les autres mesures adoptées, de même que l’annonce d’une attention particulière à leur taux d’absentéisme. Surtout, ces seniors expérimentent le mécénat de compétences. Trois, sans doute bientôt cinq, salariés du siège brestois offrent leurs compétences au sein d’associations locales. « Nous accordons de l’importance à la gestion des fins de carrière, explique Mélanie Le Maguet, responsable des projets RH. Le mécénat est un outil de motivation, de valorisation des compétences, qui, de surcroît, nous permet d’exercer notre responsabilité sociale en soutenant des acteurs locaux. » Parallèlement à ces accords ciblés sur une population donnée, on observe une tendance à une globalisation des thématiques, qui vise à traiter l’ensemble des collaborateurs. Y compris dans des secteurs et entreprises où cela s’avère complexe.

Une cinquantaine de sociétés juridiques accueillent les 17 000 collaborateurs de Schneider Electric France. Il règne une grande diversité de business et d’activités. Résultat : le besoin de montrer le sens global des mesures prises pour la qualité de vie au travail, et leur nécessaire appropriation sur le terrain, a entraîné la toute récente création du poste de responsable de transformation des modes de vie au travail sur le territoire, confié à Corinne Derboeuf. « Le bien-être ne se décrète pas, mais la responsabilité de l’entreprise consiste à garantir un cadre de vie au travail respectueux de chacun, en favorisant la performance individuelle et collective. » Concrètement, télétravail, partenariat avec des structures privées pour réserver des berceaux, services divers offerts aux collaborateurs… doivent créer un environnement de travail « agréable et flexible ». Côté organisation du travail elle-même, Schneider Electric entend s’appuyer sur les managers, pour qu’ils adaptent les charges de travail, qu’ils aident à l’équilibre vie professionnelle vie privée… Et une attention particulière, dans ce secteur industriel, est dévolue à la prévention, des accidents du travail notamment. « Compte tenu de la diversité de nos profils et de nos activités, nous adaptons nos mesures à ces différents environnements. Notre politique de qualité de vie au travail doit concerner tout le monde, et pas seulement des cadres qualifiés. »

Accompagnement et prévention.

Traditionnellement, les compagnies d’assurances ont mis en place des politiques globales. Mais parfois au fil d’accords successifs. D’où la nécessité qui se fait jour de regrouper ces mesures dans un accord général. La Macif l’a fait dans un texte du 29 mars dernier entré en vigueur ce 1er janvier. « Nous ne partions pas d’une page blanche, souligne Christelle Favier, responsable de la qualité de vie au travail au sein de la direction des ressources humaines du groupe. Nous avons voulu remettre en perspective et enrichir cette politique pour qu’elle soit mieux perçue par nos collaborateurs et qu’elle réponde à l’évolution de leurs besoins. » Avec l’objectif de fidéliser les salariés, un important volet a traité de la conciliation entre les vies personnelle et professionnelle, notamment dans les périodes difficiles. Des aménagements d’horaires offerts aux aidants, de même qu’un accès facilité au temps partiel avec une majoration de 10 % du salaire, sont mis en place. Des services offerts aux parents, la possibilité de maintenir un lien sur la base du volontariat avec l’entreprise lors de congés maladie qui se prolongent au-delà de deux mois ou encore un accompagnement vers la retraite composent d’autres éléments de l’édifice social du groupe mutualiste. L’assureur se veut aussi à la pointe en matière de prévention des discriminations, des accidents de la route, des addictions, du harcèlement sexuel… La politique préventive tisse le lien entre les services offerts aux collaborateurs et ceux vendus aux clients.

Depuis deux ans, Malakoff Médéric teste même les nouveaux produits bientôt disponibles pour ses clients. À l’exemple d’une cabine dotée d’équipements médicaux et informatiques qui permettent de bénéficier d’une consultation médicale à distance. Pour le reste, les salariés de l’assureur disposent d’un accompagnement individualisé pour reprendre le travail après une longue maladie, un cancer en particulier. Pour les parents, un tout nouveau dispositif, visant à trouver une solution de garde d’urgence, côtoie un plus ancien qui a fait ses preuves : des mini-clubs reçoivent les enfants âgés de 6 à 11 ans, pendant les vacances scolaires, et permettent aux salariés de partager le déjeuner avec leurs chers petits. La volonté marquée de faire entrer le sport dans l’entreprise, et de l’utiliser comme outil de prévention santé, s’inscrit aussi de longue date dans la politique de qualité de vie au travail du groupe. Salles de sport, coachs, participation à des défis sportifs… la palette se révèle large.

Enjeux périphériques.

Mais pas de quoi, pourtant, satisfaire tout le monde… Martine Keryer, secrétaire nationale CFE-CGC santé au travail et handicap, par ailleurs médecin du travail, observe que l’expression « qualité de vie au travail » englobe des notions bien trop larges pour être toutes centrales : « Moi, je voudrais que l’on parle de qualité Du travail, et pas Au travail. Mais au mieux, les entreprises s’intéressent à l’ergonomie des postes de travail. Pour le reste, elles y intègrent des questions de diététique, une conciergerie ou du télétravail… »

Même regret chez Catherine Pinchaut, secrétaire nationale CFDT, en charge de la qualité de vie au travail. « Le plus souvent, c’est de la cosmétique. Et cela intervient parfois à la suite de la détection de risques psychosociaux. » Toutes deux s’accordent à dire qu’il faudrait privilégier des négociations autour des charges de travail, la mise en place d’espaces de discussion sur le travail lui-même… Bref, elles invitent conjointement à repenser toute l’organisation du travail, à traiter de cette question centrale plus que de ce qui leur semble représenter des enjeux périphériques. Certaines entreprises paraissent partager cette préoccupation. La Macif expérimente des temps d’échange entre pairs, pour améliorer le travail, et formuler des propositions concrètes en ce sens. « Le monde du travail se transforme, notre environnement aussi, résume Corinne Derboeuf de Schneider Electric. On voit des dérives possibles. L’entreprise a pris conscience qu’elle ne pouvait subir ces évolutions. Initialement, on a pensé sensibilisation, formation, bien-être… Demain, la qualité de vie au travail doit mener à un changement de culture. »

Auteur

  • Sophie Massieu