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Édito

Auto-boulot-dodo…

Édito | publié le : 01.12.2018 | Jean-Paul Coulange

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Auto-boulot-dodo…

Crédit photo Jean-Paul Coulange

Gilets jaunes et bonnets rouges, même combat ? Il existe, indéniablement, des convergences entre le mouvement né en 2013 en Bretagne contre l’écotaxe et celui qui a émergé cette année contre la hausse de la fiscalité sur le carburant. Dans les deux cas, nous avons affaire à une jacquerie des temps modernes : des mouvements spontanés, nés en région, qui échappent aux corps intermédiaires – à commencer par les organisations syndicales – qui suscitent la création de collectifs et autres comités d’action et débouchent, inévitablement, sur des revendications bien plus larges, touchant au pouvoir d’achat, à la situation dégradée de l’emploi, aux fractures territoriales, voire aux 80 km/heure… Seule différence, mais de taille, la propagation du mouvement de colère, cette année, par les réseaux sociaux.

En ce qui concerne le pouvoir d’achat, les chiffres donnent tort aux gilets jaunes. Depuis cinq ans, le pouvoir d’achat des ménages a progressé (de + 1,6 % cette année et de + 1,7 % en 2019, selon les prévisions), même si la poussée du prix du baril de pétrole dope l’inflation. Le Gouvernement a beau égrener les mesures (suppression des cotisations chômage, défiscalisation des heures supplémentaires, réduction de la taxe d’habitation) qui redonneront des couleurs aux ménages, il reste inaudible aux yeux des 300 000 manifestants qui étaient répartis entre les 2 000 points de blocage du 17 novembre.

Au-delà du lourd bilan (voir également pages 16 et 17), l’exécutif doit prendre au sérieux ce qui apparaît comme une preuve flagrante des inégalités territoriales. Entre la France des grandes villes qui prend son bus, son tramway ou son train de banlieue pour aller travailler et celle des zones rurales qui utilise la voiture. Entre la population des CSP + qui réside dans les grandes agglomérations et roule en hybride et celle des classes moyennes qui use son vieux véhicule diesel. Une étude du ministère du Travail, publiée il y a trois ans, indiquait que le trajet aller-retour domicile-travail dure plus d’une heure en moyenne en Île-de-France (68 minutes) contre une grosse demi-heure (35 minutes) dans les communes isolées ou les petits « pôles urbains ». Mais elle soulignait également que les trois quarts des actifs se rendent en voiture à leur travail, contre seulement 1 sur 10 (11 %) en transports en commun. Les « auto-boulot-dodo » sont donc bien plus nombreux que les « métro-boulot-dodo ». Si la banlieue court pour attraper son RER, les provinces roulent et s’exaspèrent. Et ce mouvement sans leaders ni médiateurs a de quoi inquiéter.

Auteur

  • Jean-Paul Coulange