logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Dossier

Pas de bouleversement pour les régimes supplémentaires

Dossier | publié le : 01.12.2018 | Lisiane Fricotté

Image

Pas de bouleversement pour les régimes supplémentaires

Crédit photo Lisiane Fricotté

Le projet de loi Pacte adopté par l’Assemblée nationale le 11 octobre contient des mesures qui porteront sur l’organisation et le fonctionnement des régimes de retraite supplémentaires. Et notamment ceux à prestations définies (ou retraite « chapeau »). Les modifications à venir vont nécessiter, au sein des entreprises, une réflexion globale, en articulation avec la réforme de l’épargne salariale.

Avec la réforme systémique annoncée et la fusion Agirc-Arrco (lire page 48), impossible d’éluder la question des régimes supplémentaires. En attendant la succession de textes à paraître (loi Pacte, ordonnances et décrets), « l’année 2019 sera une année de transition, d’attentisme », souligne Hubert Clerbois, associé EPS Partenaires. Un temps d’observation pour reconsidérer les besoins et les dispositifs dans les structures. Dans l’entreprise, l’épargne salariale dédiée à la retraite et les régimes supplémentaires par capitalisation peuvent coexister. Le projet de loi Pacte (plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) définit l’épargne retraite et crée un socle juridique commun à ces différents produits, dont certains concernent directement l’entreprise (par exemple les Perco et les articles 83).

Les différents outils existants répondront à des caractéristiques communes avec la possibilité pour chaque personne de transférer l’épargne d’un système à l’autre. La souplesse apportée en matière de transférabilité prend du sens dans un contexte de trajectoires professionnelles non linéaires, avec des changements de statut (de salarié à non-salarié par exemple, ou inversement). Les transferts d’encours d’un dispositif à l’autre sont aujourd’hui limités, voire impossibles. Selon le nouveau texte, les frais de transfert ne pourront dépasser 3 % de l’encours, le transfert devant être gratuit, si le produit a été détenu pendant cinq ans. « Les grandes lignes sont tracées. Dans les détails, les systèmes d’épargne retraite ne se parlent pas entre eux. Reste donc à savoir comment s’opérera le transfert », précise Hubert Clerbois. L’environnement fiscal annoncé est favorable puisqu’il comporte une déductibilité à l’impôt sur le revenu des versements individuels, y compris pour le Perco. Actuellement, les versements volontaires effectués sur un Perco ne font pas l’objet d’une déduction fiscale. Enfin, les nouvelles règles instaurent une flexibilité à la sortie et la possibilité de sortie en capital. Jusqu’alors, elle n’est possible que pour le Perco (si le règlement le prévoit). Le projet de loi Pacte intègre une possible sortie en capital pour tous les plans d’épargne retraite, y compris les « articles 83 », à condition qu’il s’agisse d’encours provenant de versements volontaires, de l’intéressement et de la participation. Pas de sortie en capital généralisée aux versements obligatoires.

Avantages catégoriels : quels critères ?

La convergence entre les Perco et les « articles 83 » est actée dans certaines mesures de la loi Pacte. Il n’en reste pas moins que les produits catégoriels correspondant aux actuels « articles 83 » conserveront bien des spécificités. Celles-ci peuvent se justifier par des taux de remplacement plus bas pour les niveaux de rémunération qui s’éloignent du plafond de Sécurité sociale (notamment ceux des cadres), même si, « l’effort budgétaire retraite supplémentaire devrait idéalement concerner l’ensemble des salariés compte tenu des enjeux liés à la retraite », souligne Marc Salameh responsable de l’activité conseil en avantages sociaux chez Aon. À cet égard, une évolution certaine est constatée, au moins dans les grandes entreprises. Des enquêtes effectuées par Aon France, à partir d’un panel de 90 grandes entreprises dont deux tiers d’entre elles ont des effectifs de plus de 2 000 salariés, il ressort que près d’une entreprise sur deux a mis en place un régime « articles 83 » pour l’ensemble des salariés, contre 29 % en 2012 (rapport d’enquête 2017, 6e édition « Avantages sociaux : pratiques des entreprises »). Des précisions sur les produits catégoriels viendront dans la future ordonnance, prévue dans le projet de loi Pacte. Ainsi, le Gouvernement est habilité à prendre des mesures sur le « régime juridique applicable au produit d’épargne retraite à affiliation obligatoire pouvant ne couvrir qu’une ou plusieurs catégories de salariés placés dans une situation identique au regard des garanties offertes ». Une clarification d’autant plus attendue que la fusion Agirc-Arrco laisse planer quelques interrogations sur les critères en vigueur qui reposent largement sur les distinctions entre les cadres et les non-cadres, découlant de la convention Agirc de 1947 (cf. Code de Sécurité sociale, art L. 242-1, R. 242-1-1). Or, en principe, cette distinction devrait s’éteindre au 1er janvier 2019, sauf pour la garantie décès. Dans l’attente des textes à venir, un positionnement de l’administration sociale serait souhaitable pour sécuriser les situations des salariés concernés.

« Articles 39 » : plafonnement des droits

Attendue depuis le 21 mai 2018, la transposition d’une directive européenne visant à accroître la mobilité des travailleurs entre les États membres (directive 2014-50 UE du 16 avril 2014) s’invite également dans le projet de loi Pacte. Celui-ci intègre une habilitation pour le Gouvernement à agir par voie d’ordonnance pour réduire les obstacles à la mobilité créés par certains régimes de retraite supplémentaire. Dans le viseur, les régimes dits « à prestations définies » (retraite « chapeau ») qui conditionnent la possibilité de bénéficier de l’avantage retraite à la présence du salarié dans l’entreprise, au moment de son départ, avec à la clé des risques de contentieux avec l’Urssaf (comme le confirme un arrêt de la Cour de cassation du 12 juillet 2018 pour un salarié licencié pour motif économique). Conformément au texte européen, les droits à retraite supplémentaire devraient être considérés comme acquis au-delà d’une période qui ne pourra excéder trois ans. Pour cerner tous les enjeux, il faut rappeler que ce type d’avantage a pour objectif de fidéliser le salarié tout en créant une « niche sociale » : sont concernés principalement les cadres supérieurs et les dirigeants. Compte tenu du caractère « virtuel » du droit, ces avantages sont financés exclusivement par l’employeur. Ils répondent par ailleurs à un régime particulier en matière de charges sociales qui est devenu au fil du temps nettement moins favorable que lors de sa création, en 2003 lors de la réforme Fillon. Coûteux pour l’entreprise, ces régimes garantissent un niveau de rente par rapport au dernier salaire, d’où le terme « prestations définies ». La plupart ont été « fermés », c’est-à-dire qu’ils n’acceptent plus de nouveaux affiliés.

La transposition de la directive, qui ne concernera pas les régimes fermés, devrait être l’occasion de mettre un peu d’ordre dans ces systèmes en prévoyant un plafonnement du rythme d’acquisition des droits et du niveau des pensions. À défaut de respecter ces règles, le régime social et fiscal adapté ne serait pas applicable. Autre point important : l’articulation de ces régimes avec d’autres mécanismes pouvant viser tous les salariés. En principe, les entreprises ayant des régimes à prestations définies doivent instaurer ou disposer d’un mécanisme ouvert à l’ensemble des salariés. « En réalité, ce sont avant tout des Perco sans abondement qui ont vu le jour en 2011-2012, pour répondre à cette obligation », remarque Hubert Clerbois. Cette obligation sera de nouveau précisée dans la future ordonnance. Compte tenu des incertitudes régnant sur ces régimes, faut-il décider de les fermer, comme nombre d’entreprises ont pu être tentées de le faire, en présence d’une législation mouvante et créant de l’insécurité ? Pour Marc Salameh : « Il est important d’attendre les résultats de la loi Pacte. Les droits acquis conformément à la directive européenne vont, certes, conduire à un renchérissement de la dette de l’entreprise mais, à l’inverse, si la taxation à 24 ou 32 %, en vigueur actuellement, est remplacée par le forfait social, les « articles 39 » pourraient avoir un regain d’intérêt ».

Plus de 200 000 bénéficiaires

Les régimes de retraite à prestations définies concernent environ 205 000 bénéficiaires, et les enjeux financiers sont loin d’être négligeables : les encours représenteraient un total de 40 milliards d’euros, selon les chiffres émanant de l’Inspection générale des finances (2014) et de la Drees (2016) cités dans l’étude d’impact du projet de loi Pacte.

Auteur

  • Lisiane Fricotté