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Pas facile d’intégrer des profils atypiques

Décodages | Recrutement | publié le : 01.11.2018 | Irène Lopez

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Pas facile d’intégrer des profils atypiques

Crédit photo Irène Lopez

À force de recruter des clones, une entreprise se retrouve avec des salariés quasiment tous identiques. Face à un problème nouveau, la présence d’un ou de plusieurs collaborateurs atypiques pourrait alors présenter une voie différente. Encore faut-il définir ce qu’est un profil atypique. Comment les recrute-t-on ? Une fois embauchés, s’intègrent-ils bien aux équipes ?

Atypique : adjectif, qui diffère du type normal ou habituel. Qui est inclassable, hors norme. Pour Myriam Ogier, consultante coach, « les profils atypiques ont très souvent des parcours extrêmement variés, tant au niveau des secteurs que des postes. Ceci s’explique par leurs capacités et potentiels multiples, leur grande curiosité et leur ouverture d’esprit. Beaucoup de choses les intéressent et ils détestent la routine. Ils ont donc un éventail de compétences et de connaissances vastes dont la cohérence n’apparaît pas toujours au premier abord. En fait, leurs moteurs sont la diversité/variété et le fait de relever des défis, d’aller vers l’inconnu. Ils aiment découvrir. » Auteur de l’ouvrage intitulé « Un cerveau droit au pays des cerveaux gauches », aux Éditions Eyrolles, elle met l’accent sur ce qu’elle appelle les neurodroitiers. Leur hémisphère droit domine, ce qui en fait des êtres hypersensibles émotionnellement et hyperesthésiques. Ces personnes sont, en général, très empathiques avec un sens aigu de l’intérêt général, de la justice. Ils ont besoin de cohérence. Ils ont souvent une grande conscience professionnelle, un sens de valeurs et de l’éthique.

Out of the box.

Comment un DRH peut-il reconnaître un candidat atypique ? Selon Myriam Ogier, « les atypiques » se distinguent par leur intuition, leur rapidité, leur agilité, leur créativité et leur manière de penser très différente des autres, d’où l’expression anglaise : « Think out of the box ». « Leur pensée en arborescence les conduit à faire de nombreuses associations qui peuvent leur jouer des tours quand ils ne se rappellent plus le point de départ de leur réflexion ou qui peut donner d’eux une image de confusion car la logique de leur pensée n’est pas visible. Leur fonctionnement leur permet d’avoir une vision globale, donc du recul, et d’appréhender toutes les facettes d’un problème ou d’un projet pour trouver des solutions originales, imaginatives et innovantes. Leur vitesse de pensée est généralement hyper-rapide. Ce sont des visionnaires (dans leurs domaines de prédilection), avec comme revers de la médaille de ne pas toujours être compris et donc pas toujours suivis par leur entourage. »

La coach n’est pas la seule à s’être spécialisée dans ce type de profils. L’entreprise Aspertise est sur le même créneau. Pour Frédéric Vezon, son président, « un certain nombre de personnes dans le monde, pour des raisons pas tout à fait encore identifiées, possèdent un fonctionnement cognitif différent du reste de la population. Ces personnes sont classées parmi les atypiques et leurs sous-catégories (Aspergers, autistes, hauts quotients intellectuels, etc.). Leur structure cognitive leur confère des capacités hors norme dans certains domaines et des faiblesses dans d’autres. Notamment, elle les rend extrêmement compétents pour les technologies et le numérique. L’atypique ne se trouve pas en entreprise, c’est un spécimen qui se chasse ». Frédéric Vezon poursuit : « Depuis très longtemps les atypiques sont un secret bien gardé dans le monde des technologies. De grands inventeurs et des scientifiques qui ont fait progresser l’humanité dans tous les domaines sont soupçonnés d’avoir été ou d’être des atypiques. De nos jours, cette appétence pour les sciences et technologies se retrouve notamment dans les domaines liés à l’informatique. »

Pas dans les cases habituelles.

Les entreprises ont besoin de ces profils mais elles peuvent avoir du mal à les détecter car ils ne brillent pas nécessairement. Leur niveau d’études peut être médiocre et quand ils n’ont pas confiance en eux (ce qui est le cas d’une grande majorité d’entre eux), ils ne se mettent pas en valeur et ils n’ont pas conscience de leurs richesses. C’est pourquoi, chez Guy Hoquet, réseau immobilier, tous les profils sont intéressants. Surtout lorsqu’ils n’entrent pas dans les cases habituelles. Laurent Otéro, directeur des performances commerciales, développe : « Nous n’avons pas cette notion de profil atypique. Nous pensons sincèrement que toutes les personnes peuvent exercer un métier dans l’immobilier que ce soit à un poste d’assistante, ou à un poste de responsable. » Guy Hoquet se targue de donner sa chance à tout le monde. L’explication repose sur la Business school du réseau. L’enseignement dispensé comprend dix jours de formation et six mois d’intégration. « Nous ne nous refusons pas de trouver un talent qui va naître en fonction de son implication », complète Laurent Otéro. Les profils qui n’ont pas suivi de cursus dans une « filière de l’immobilier » ou une école de vente seraient même préférés car ils auraient moins d’a priori que leurs camarades qui auraient déjà exercé dans ce secteur. Ce que Guy Hoquet nomme profil atypique ne serait-il pas plus prosaïquement un profil plus malléable ? « Pas du tout, répond le directeur des performances commerciales. Un de nos patrons d’agence a été coiffeur avant de venir toquer à la porte du réseau. Il exerce aujourd’hui en Alsace. Pour créer de la richesse, il faut prendre des risques ! »

Des situations nouvelles au service de l’entreprise.

Cette richesse, Valentin Konrad, fondateur de Flatchr, plateforme de recrutement, en est convaincu. Pour lui, les entreprises doivent recruter des profils atypiques. L’un de leurs atouts est qu’ils stimulent les autres. « Le profil atypique a généralement des expériences professionnelles diverses et variées. Il a donc vécu des situations bonnes et mauvaises, dans différents domaines, différentes entreprises et à différents postes. Mais au lieu de garder ces expériences uniquement pour son propre avancement, il va les partager et les mettre au service de l’entreprise dans laquelle il se trouve. Ainsi, face à des situations nouvelles, ce genre de profil va souvent stimuler les autres acteurs de la compagnie, en faisant part de ses propres expériences pour s’adapter et trouver des solutions en équipe. »

Si les entreprises embauchent ces profils, elles sont ensuite confrontées à leur intégration. Car ces personnes brillantes pensent très différemment, elles peuvent gêner, susciter du rejet, de l’envie ou de la jalousie, et même du mépris car leurs idées, parfois révolutionnaires, inédites peuvent passer pour farfelues ou grotesques. Myriam Ogier prend l’exemple de certaines entreprises qui choisissent de racheter des start-up pensant intégrer l’innovation qu’elles n’arrivent pas à générer de l’intérieur. Ces sociétés se heurtent aux difficultés d’inclusion si elles imposent des processus et des règles à des profils qui ont absolument besoin d’autonomie et de liberté pour s’épanouir, pour créer et pour réussir. « C’est là où le bât blesse puisque les entreprises ne savent pas toujours, voire pas du tout, les manager. Les règles (par exemple des horaires imposés) qui s’appliquent avec la majorité ne fonctionnent pas avec eux. Bien souvent, leur intégration ne se fait pas à cause d’une incompréhension de leurs besoins, notamment de liberté et d’autonomie. »

Quelle serait la solution ? « Il faudrait que les entreprises, comprenant qu’ils sont différents et qu’on ne peut les gérer comme les autres, leur offrent un environnement qui tient compte de leurs spécificités. Certains bénéficient de coaching mais encore faut-il qu’ils choisissent un coach qui soit lui-même un profil atypique, qu’il le sache et soit suffisamment structuré pour que cela marche ! »

Un rôle de « chef d’orchestre ».

On retrouve les atypiques à n’importe quel poste. Ils peuvent être très bons dans un rôle de « chef d’orchestre ». Ils sont bons dans les métiers qui nécessitent de l’imagination, de l’innovation, de la prise de risques, de l’esprit collectif. Ils doivent avoir un management qui les cadre sans les brider, donc avoir de bons managers qui apprécient leur approche et leur originalité. Ils sont adaptés à des postes demandant polyvalence et responsabilité. Ils doivent bénéficier d’une grande indépendance et on peut généralement leur faire confiance car ils aiment le travail de qualité.

Ces profils sont bien souvent critiqués, vilipendés, moqués… comme parfois autrefois à l’école. « On leur reproche de ne pas s’adapter alors qu’ils ne font bien souvent qu’essayer de le faire, d’être rebelles, de ne pas être comme tout le monde. Beaucoup ont des parcours difficiles et ne trouvent pas leur place », justifie Myriam Ogier.

Une fois repérés et recrutés, quelle est leur évolution ? Tout dépend si l’entreprise est prête à tirer parti de leurs qualités, de leurs atouts et de leur intelligence. « Si les dirigeants, les RH, leur offrent des postes intéressants et variés, qu’ils les font évoluer dès que ces profils ont fait le tour de leur poste et mis en place une organisation que d’autres sauront mieux faire perdurer et vivre qu’eux, ce sera gagné d’après la coach à l’initiative du think tank Innovants & intuitifs : penser autrement. Les entreprises qui sauront les intégrer trouveront des pépites bien souvent inexploitées. Elles pourront ainsi profiter des personnes à même de piloter le changement, de s’adapter au monde et au rythme d’évolution qu’engendre l’émergence de pays bénéficiant d’une main-d’œuvre pleine d’énergie et de dynamisme comme les atypiques. Les entreprises ont besoin d’innovateurs. Ce sont eux qui sont ainsi porteurs d’avenir. »

Auteur

  • Irène Lopez