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Les associations d’Alumni se mettent au goût du jour

Décodages | Réseaux | publié le : 01.11.2018 | Laurence Estival

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Les associations d’Alumni se mettent au goût du jour

Crédit photo Laurence Estival

Concurrencées par les réseaux sociaux, les associations d’anciens élèves, hier si puissantes, ont perdu de leur superbe. La désaffection des diplômés les a obligées à se renouveler. Une mutation pas encore achevée…

Le 17 octobre, l’AX (École polytechnique Alumni) avait mis les petits plats dans les grands. Michal Kurtyka, un de ses membres de la promotion 94, devenu vice-ministre de l’Énergie en Pologne, était de passage à Paris et avait convié ses pairs à assister à un petit-déjeuner studieux. Sujet du jour : la Cop 24 qui se tiendra du 3 au 14 décembre à Katowice, et dont il assurera la présidence. Cet événement exceptionnel a réuni une centaine de participants venus écouter et débattre sur les prochaines négociations. Le fait qu’un des leurs ait été choisi pour essayer de dégager un compromis entre les parties prenantes, là où cette mission est habituellement confiée à des politiques plus diplomates que techniciens, est pour ses congénères une fierté et, pour l’association, un moyen d’apporter de l’eau à son moulin. Être membre, c’est avoir un accès direct à des personnalités de premier plan en France mais aussi, et de plus en plus, à l’international. Et jamais, via les réseaux sociaux, un tel échange n’aurait pu avoir lieu ! De quoi inciter tous les anciens à sortir leur carnet de chèques pour se mettre à jour de leurs cotisations ? Pas si sûr…

« Le lien avec l’école est beaucoup moins naturel qu’autrefois. Nous devons convaincre », reconnaît Yves Demay, délégué général de l’AX, qui se refuse toutefois à donner des chiffres sur l’érosion des troupes. « Il y a aussi chez certains diplômés, qui ont ensuite poursuivi leurs études dans un autre établissement, une plus grande proximité avec le dernier qui les a formés. C’est celui-ci qui ressort en premier, quand les recruteurs font des recherches sur LinkedIn », regrette Isabelle Fitamant, directrice des relations avec les diplômés de Grenoble école de management (GEM). Reste que le phénomène est aujourd’hui mondial : depuis plusieurs années déjà, les associations d’anciens des universités américaines ; où le sentiment d’appartenance et de gratitude des diplômés était pourtant particulièrement prononcé, ont, elles aussi, bu la tasse. Dans ce contexte, avec un taux de cotisation de l’ordre d’un tiers de ses diplômés en activité, Sciences Po Paris fait partie des mieux loties. À l’opposé, 18 % des diplômés de l’Essec et de HEC auraient adhéré à l’association des anciens de leur école respective en 2017…

Adhérents à vie et cotisations à la carte.

Il y a un an, l’école de Cergy a pris des mesures pour enrayer ce mouvement. « Nous avons décidé de transformer la cotisation annuelle en cotisation à vie », explique Stéphanie Jossermoz, directrice générale d’Essec Alumni. Désormais, chacun doit s’acquitter d’un montant de 1 600 euros, une somme incluse dans les frais de scolarité, pour limiter les défections après la remise des diplômes. « C’est aussi une façon d’intégrer, dès leurs premiers jours, les nouvelles recrues à cette communauté et de mettre à profit les années passées sur le campus pour tisser des liens avec le réseau », ajoute la responsable. Avant les anciens de l’Essec, l’Edhec avait ouvert la voie, suivie par l’emlyon et depuis aussi par les deux autres « parisiennes ». GEM est allée plus loin en supprimant toute cotisation. « Nous disposons d’un budget alloué directement par l’école. Nous sommes devenus un département de l’établissement rattaché à la direction corporate au même titre que la formation continue et les relations avec les entreprises », indique Isabelle Fitamant. Avec 27 000 diplômés inscrits dans ses fichiers sur les 32 000 actuellement en activité, la Business School fait, certes, carton plein mais elle veille à ce que chaque ancien remette chaque année ses coordonnées à jour. Elle va jusqu’à radier ceux qui n’ont pas donné de nouvelles au bout de 18 mois.

Tiraillée entre le souhait d’introduire elle aussi une cotisation à vie et de faire évoluer son système pour l’adapter aux besoins et à l’envie d’implication des diplômés, Sciences Po Paris a pour le moment opté pour la seconde solution. « Nous avons défini plusieurs forfaits. Le premier niveau permet d’utiliser tous les services proposés en ligne. Les anciens ont notamment accès aux offres d’emploi, à l’annuaire mais aussi à la newsletter. Il y a ensuite un forfait Networking qui donne droit à assister à de nombreuses conférences et événements, un forfait carrière avec un accompagnement dans sa recherche et des conseils en développement personnel et un forfait VIP qui donne droit à tout », détaille Anne-Sophie Beauvais, directrice générale de Sciences Po Alumni.

Cette nouvelle architecture avec un service à la carte reflète les évolutions en cours. « Il n’y a plus une fidélité a priori mais plutôt un questionnement sur ce que leur association d’anciens peut leur apporter. Ils attendent un retour sur investissement. Et nous sommes dans une logique de donnant-donnant », renchérit Fabienne Clérot, directrice emlyon Business School Alumni Network. En clair, les écoles aident les anciens dans le déroulement de leur carrière, via du coaching, des offres d’emploi, des formations, des clubs sectoriels ou géographiques où ils peuvent échanger entre pairs leurs bonnes pratiques et leur carte de visite. « Chaque année, par exemple le club RH des anciens de Sciences Po, dont je fais partie, choisit un fil rouge à nos rencontres mensuelles. L’année dernière, c’était la digitalisation qui nous a permis d’échanger sur ce sujet mais aussi de visiter des entreprises. Cela a été pour moi un moyen de m’informer sur les nouvelles tendances », met en avant Isabelle Mounier-Kuhn, associée du cabinet de coaching Oasys Dirigeants. En échange, les diplômés conseillent les étudiants, les épaulent dans leur recherche de stage, dans leur orientation, et interviennent même dans les salles de classe. « Et pourquoi ne pas initier du Reverse Montoring pour permettre aussi aux plus jeunes d’aider leurs aînés afin de renforcer les liens entre générations ? », poursuit Isabelle Mounier-Kuhn.

Professionnalisation.

Partout les réseaux se professionnalisent et se musclent pour être plus performants : le nombre de salariés de l’association des anciens de Polytechnique est passé de 18 à 20 quand Sciences Po Alumni a embauché deux journalistes pour créer une revue destinée à maintenir le lien entre les anciens mais aussi à « nourrir » les adhérents sur des sujets d’actualité et de réflexion. Car si les diplômés apprécient les services carrière, ils comptent aussi sur leur école pour les informer des dernières tendances de la recherche dans leur domaine de prédilection. Les conférences données par les enseignants-chercheurs sont ainsi plébiscitées. « Pour ceux qui souhaitent aller plus loin dans l’approfondissement de nouveaux sujets, nous travaillons sur une offre de formation tout au long de la vie, réservée aux adhérents », mentionne Stéphanie Jossermoz. Les anciens de emlyon ont la possibilité de suivre gratuitement une formation en Executive Education. Le nec plus ultra consiste aujourd’hui, sur le modèle de l’université britannique d’Oxford ou de la Business School espagnole IESE, à organiser une à deux fois par an des événements soit dans le pays où est située l’école, soit dans celui où l’association d’anciens est particulièrement importante. L’occasion de grandes retrouvailles, l’espace d’un week-end, entre des participants venus des quatre coins de la planète pour écouter des intervenants cinq étoiles. D’autres, à l’image de l’association des anciens du MIT, proposent également à ses adhérents des voyages avec un enseignant en pointe sur l’objet de ce déplacement, que ce soit un scientifique pour la découverte de nouveaux équipements technologiques ou un spécialiste des civilisations anciennes pour s’immerger dans des sites archéologiques.

Fenêtre sur le monde.

Les anciens sont aussi très attentifs aux occasions offertes de gonfler leur carnet d’adresses auprès de diplômés d’autres écoles du moment qu’elles jouent dans la même division. « Les événements croisés ont le vent en poupe », observe Yves Demay. Le 29 novembre aura ainsi lieu le premier colloque commun entre l’association des anciens de l’AX et ceux de HEC. 22 grandes écoles de l’Hexagone et établissements internationaux (EPFL, ETH Zurich, Bocconi…) ont d’ailleurs créé Wats4U, un réseau commun de plus de 350 000 anciens et accessible aux entreprises partenaires en quête de talents. Une pierre dans le jardin de LinkedIn… L’ouverture vers d’autres horizons, c’est aussi des offres de visites privées lors de grandes expositions, organisées par l’Essec Alumni. Sortir du repli sur soi serait-il pour ces associations un des meilleurs moyens de se régénérer ? « C’est en tout cas une façon de prendre du recul, de découvrir de nouveaux horizons et c’est sans doute ce que nous devons aussi, à côté des services plus classiques, offrir à nos diplômés », conclut Fabienne Clérot, prête à relever le challenge !

Des associations aux contours mouvants

Jusqu’où faut-il étendre les associations d’anciens ? Le débat fait rage dans de nombreux établissements soucieux de ne pas perdre ce qui fait leur âme sans pour autant fermer les portes à double tour… Car au programme de formation initiale qui est longtemps resté le principal cursus offert, se sont rajoutés au fil du temps des masters et mastères spécialisés, des MBA, des certificats, des formations courtes. Cette offre multiforme a certes permis d’augmenter les effectifs et par ricochet la force du réseau. Mais quoi de commun entre ceux qui ont passé trois ans ensemble et ceux qui ne se sont croisés que quelques jours ? Dans la majorité des cas, les associations ont adopté une démarche prudente consistant à accueillir en leur sein tous ceux passés par les programmes diplômants. Reste que la pression s’intensifie pour y inclure les formations certifiantes.

Auteur

  • Laurence Estival