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Les compétences au cœur des conventions collectives

À la une | publié le : 01.11.2018 | Gilmar Sequeira Martins

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Les compétences au cœur des conventions collectives

Crédit photo Gilmar Sequeira Martins

Malgré sa polysémie, la notion de compétences s’installe dans le paysage social et les conventions collectives. Les négociations entre partenaires sociaux ont débouché sur des définitions concrètes qui pourraient irriguer l’ensemble du monde du travail.

Compétence. Le mot est sur toutes les lèvres, mais il recouvre des réalités différentes. « Il existe autant de référentiels que de branches professionnelles, constate Valérie Hellouin, consultante senior en ingénierie et politiques de formation. Ils suivent différentes conventions afin de décrire les métiers, de sorte que le terme compétence recouvre des réalités différentes. »

Cette difficulté initiale peut être dépassée, assure Guillaume Huot, vice-président de la Fédération de la formation professionnelle : « Il y a deux façons d’aborder les soft skills, soit en leur appliquant une lecture universelle, soit en les ciblant en fonction des besoins d’évolution des entreprises. Dans ce dernier cas, ce qui sera recherché sera, par exemple, la capacité d’apprentissage, la créativité, le management de projet, l’analyse critique ou encore les langues, c’est-à-dire tous les leviers qui favorisent l’adaptation et font vivre le changement de façon positive. »

Quelles que soient la définition et l’approche adoptées, Philippe Debruyne, secrétaire confédéral de la CFDT et président du Copanef, défend que l’objectivation est possible et qu’elle est d’ailleurs déjà amorcée. « Avec la loi de 2014 et le décret de 2015 opérationnel en 2016, la certification CléA a institué sept domaines de compétences. Nous avons abouti à une notion de socle à partir d’une question simple : savoir travailler, c’est quoi ? Au-delà des bases en écriture, en mathématique et en numérique, le socle CléA repose aussi sur des capacités à travailler en autonomie, à se situer dans un collectif de travail, à apprendre à apprendre mais également sur des notions d’hygiène et de sécurité en milieu professionnel. CléA numérique a été publié au Journal officiel le 11 septembre dernier et définit le socle des usages fondamentaux du numérique en environnement professionnel. »

Risque de non-reconnaissance.

Déjà présent dans les conventions collectives pour caractériser les postes, le terme suscite des débats et des inquiétudes. La CGT regrette que « la plupart des grilles salariales de branches, à de rares exceptions, dont la chimie », fassent déjà référence à des compétences, avec un risque de « non-reconnaissance des qualifications et des certifications ». Pour Manuel Blanco, membre de la commission exécutive confédérale de la CGT, il s’agit là de la porte ouverte au déclassement : « Il existe un risque qu’il n’y ait plus de rapport entre la qualification et le poste occupé. Nous craignons que les qualifications soient sous-estimées et qu’avoir un diplôme ne garantisse plus l’accès à un type de poste ni à une certaine rémunération. » Selon la centrale de Montreuil, cette évolution sera un frein à la mobilité professionnelle : « Former uniquement aux savoir-faire rend d’autant plus difficiles les reconversions. Former quelqu’un à un outil ne signifie pas qu’il est formé à la technologie. »

Le terme a également suscité de nombreux débats durant les négociations, toujours en cours, pour refondre la convention collective de la métallurgie. La nouvelle grille de critères classants sera utilisée pour évaluer (« quoter ») le million et demi de postes de la branche. Inédite depuis les années 1970, l’opération va reventiler les postes sur la grille de classification. Les partenaires sociaux se sont mis d’accord sur six nouveaux critères de compétences : la complexité de l’activité, le niveau de connaissances, le niveau d’autonomie, la contribution, le niveau d’encadrement ou de coopération et la communication.

« Chaque critère est gradué sur 10 niveaux qui font chacun l’objet d’une définition, explique Fabrice Nicoud, secrétaire national de la CFE-CGC métallurgie. Nous avons essayé de constituer des définitions aussi courtes que possible, d’une vingtaine de mots. » Il y aura des guides pédagogiques, avec des exemples concrets, pour aider ceux qui vont « quoter » les postes. « La difficulté réside dans le fait que les exemples concrets de 2018 ne seront sans doute plus d’actualité en 2025, précise Fabrice Nicoud. Il a fallu trouver un bon compromis pour que les exemples soient parlants tout en n’étant pas réducteurs. »

Seuils d’accueil.

Le lien avec les qualifications est maintenu avec des « seuils d’accueil ». « Si une fiche de poste exige un bac + 5, alors la quotation doit être à 7 points sur le critère niveau de connaissances et le poste doit peser au moins 37 points sur un total de soixante, précise Fabrice Nicoud. Pour un bac + 2, le critère niveau de connaissances doit être à cinq et l’ensemble du poste doit valoir au moins 19 points. C’est à titre indicatif, il ne s’agit pas d’une obligation. »

Au fil de sa carrière, un salarié pourra se voir proposer un poste moins bien classé que celui qu’il occupe. Concernant le coefficient et le salaire figurant parmi les éléments fondamentaux du contrat de travail, « ils ne peuvent être modifiés qu’avec un avenant que le salarié peut refuser », rappelle Fabrice Nicoud. Si une telle démarche n’a rien d’impossible, elle n’est guère plausible, estime de son côté Jean-François Foucard, secrétaire national emploi et formation de la CFE-CGC : « Il faut également comprendre que l’entreprise n’y a pas intérêt. Ils vont plutôt se demander s’il est utile de proposer une telle évolution ou s’il ne vaut pas mieux enrichir le poste. »

La nouvelle grille de classification devrait commencer à être appliquée à partir de 2020. Elle aura un impact réel. Une fois les postes évalués avec la nouvelle grille, des salariés classés aujourd’hui au même coefficient seront dispersés sur d’autres coefficients. « Cela peut induire des discussions, voire des tensions, indique Fabrice Nicoud. Mais le changement de coefficient ne modifiera pas le salaire. » Un tel cas de figure a toutes les chances de faire ressurgir le débat sur les carrières… Mais la grille de critères s’applique uniquement au poste, et non pas à la façon dont le salarié l’occupe, domaine qui reste du ressort de sa hiérarchie.

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins