Après 27 ans à la SNCF, j’ai rejoint un studio du Sentier qui accompagne des étudiants, des start-up, des intrapreneurs, et des équipes dirigeantes à réaliser ensemble des projets innovants. Au-delà de la méthode utilisée (lean start-up, méthode agile, design-thinking), le plus frappant, c’est l’état d’esprit qui règne dans mon nouvel univers. Nos équipes sont à la fois humbles et enthousiastes, et c’est ce qui leur permet de bousculer avec bienveillance tous les créateurs de projets, et surtout ceux qui s’ignorent ! En faisant l’expérience de leur capacité à réaliser, avec d’autres, des choses nouvelles et utiles, que ce soit des projets importants ou de plus petites actions, ces derniers deviennent les acteurs de leur propre transformation et du collectif auquel ils appartiennent.
Ce plaisir de créer ensemble réveille des passions anciennes ou des talents pas toujours utilisés dans le quotidien professionnel. C’est un levier puissant pour aider les plus vulnérables, notamment ceux qui pressentent – avec raison – que leur métier va évoluer et qui peuvent se crisper à l’annonce d’une transformation.
Ces méthodes redonnent le goût d’apprendre et développent la confiance en soi. Elles s’adressent aujourd’hui principalement à des cadres ou à des entrepreneurs socialement plus favorisés. Compte tenu de leur succès, elles ont vocation à se diffuser auprès de publics plus fragiles, notamment les jeunes et demandeurs d’emploi peu ou pas qualifiés, des quartiers prioritaires de la ville ou de zones rurales.
C’est l’occasion de saluer l’initiative du haut-commissariat aux Compétences et à l’Insertion qui lance une démarche d’expérimentation de ces nouvelles pédagogies dans le cadre de l’appel à projets “100 % inclusion”. Il est d’abord doté de 40 millions qui pourront aller jusqu’à 200 millions d’ici 2022. L’enjeu est à la fois d’identifier, de faire monter en compétences et d’insérer ces publics par l’action au service de leur passion, mais aussi de transformer fondamentalement le monde de la formation professionnelle depuis la détection des compétences jusqu’aux ingénieries pédagogiques. La démarche encourage les acteurs à conjuguer leurs savoir-faire dans des consortiums composés à la fois d’acteurs de l’économie sociale et solidaire, de startups, ou de groupes déjà plus établis.
Et puisque tout ceci est peut-être le premier signal de la transformation du pays en société apprenante, soyons fous et rêvons : et si, tous les ans, en France, on célébrait la transmission ? Si cela pouvait encourager tous les citoyens à transmettre leur passion, leur savoir-faire, leurs talents ? Une fête de l’apprendre donnerait de la fierté à des métiers peu connus ou peu valorisés, de la reconnaissance à ceux qui transmettent, et de l’envie à tous d’apprendre aussi quelque chose d’éventuellement inattendu.
On montrerait ainsi qu’on apprend tout au long de sa vie, et pas seulement à l’école, qu’on peut ne pas avoir aimé l’école et gardé l’envie d’apprendre, et l’avoir adoré et en redemander. On valoriserait ainsi tous les apprentissages, et donnerait de l’élan aux programmes de développement des compétences destinés à la jeunesse et aux demandeurs d’emploi, sans bien sûr les désigner, dès lors que tous participeraient.
Les fêtes de la musique et journées du patrimoine sont devenues de grands succès, la fête de l’apprendre, ou “apprendre en fête” pourrait être le suivant. Depuis qu’on a gagné la coupe du Monde, personne ne doute qu’en France, il y ait d’Incroyables Talents.
