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Idées

Un système à point assurera-t-il l’avenir des régimes de retraite ?

Idées | Débat | publié le : 01.09.2018 |

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Un système à point assurera-t-il l’avenir des régimes de retraite ?

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Alors que le Gouvernement a lancé un cycle de consultations autour d’un projet de réforme des retraites, le débat – qui ne devrait avoir lieu au parlement qu’au cours du premier semestre 2019 – fait déjà rage sur la stratégie à mener pour pérenniser le système. Avec l’équité et la solidarité générationnelle en ligne de mire, la répartition, préservée, serait toutefois associée à un système de points. Un système juste et solide ? C’est tout le débat.

Victor Poirier : Chargé d’études sénior à l’Institut Montaigne

1993, 2003, 2008, 2010, 2012, 2014 et bientôt 2019… Ces 20 dernières années, les gouvernements de droite comme de gauche n’ont pas été avares de réformes de retraite. Avec à la clé quelques succès, ces derniers ont su répondre aux défis de court terme du système, par le biais d’ajustements paramétriques.

Mais ces réformes n’auront pas su en assurer la pérennité. Ainsi, notre système peut aujourd’hui être considéré comme coûteux, inéquitable et insoutenable – en témoignent les dernières prévisions du Conseil d’orientation des retraites, en juin 2018.

La réforme prévue l’an prochain devrait être la première réforme systémique depuis bon nombre d’années. Permettra-t-elle pour autant d’assurer l’équilibre financier des régimes français de retraite par répartition ? Rien n’est moins sûr.

Passons sur la quasi-absence de cette réforme dans le programme du candidat Macron, qui avait seulement indiqué sa ferme volonté de mettre fin aux réformes paramétriques, au bénéfice d’une réforme systémique. L’objectif est louable : faire directement face aux défis de long terme, en inscrivant la transparence et la lisibilité comme moteurs de la transformation.

Une fois passé l’effet d’annonce, une réforme de ce type ne permettra pas nécessairement de sauver notre système de retraite par répartition… Encore faut-il que les enjeux financiers, peut-être moins marketing mais tout aussi cruciaux, soient au cœur des réflexions. Sans quoi la solidarité, fondement de notre système de retraite, pourrait se faire au détriment des jeunes générations.

La méthode de concertation retenue par l’exécutif, comme la nomination d’un haut-commissaire compétent pour mener à bien cette transformation, est un signal encourageant. Mais si elle ne veut pas sacrifier l’avenir, celle-ci devra répondre à une logique d’objectifs et non à une logique de moyens.

Christel Bonnet : Principal, Mercer

Selon les dernières communications de Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire à la réforme des retraites, la future réforme des retraites (de base) devrait être un système par points, le principal objectif étant que ce régime soit universel, ce qui induit la suppression des régimes spéciaux. Il existe actuellement environ 40 régimes de retraite en France. Certains régimes (par exemple IEG – industries électriques et gazières) sont déjà adossés au régime général (assurance vieillesse), ce qui signifie qu’il existe déjà un mécanisme de mutualisation financière. De nombreux régimes spéciaux (fonction publique, les activités non salariées) ont aligné certaines règles par rapport au régime général : âge de départ en retraite, nombre de trimestres, etc. Une convergence de fait existe déjà.

Le terme universel ne signifie pas que toutes les règles seraient identiques, des spécificités pourraient persister. Si l’on suppose qu’un organisme (par exemple, la Sécurité sociale) centraliserait le suivi des carrières, il y aurait un coût informatique et de formation élevé, sans parler de la gestion des droits à retraite passés. Un tel chantier demanderait du temps et les effets ne seraient perceptibles qu’à long terme.

Le régime universel conduirait, pour certains, à une diminution des montants de pension à l’avenir, ce qui permettrait de retrouver une trajectoire vers l’équilibre financier. Mais étant donné le déséquilibre démographique (1,7 actif cotisant pour un retraité), l’action devrait également porter sur les cotisations collectées. Compte tenu du niveau déjà élevé des cotisations, la possibilité restante est de repousser l’âge légal de départ en retraite (62 ans). Cette action couplée à la diminution des pensions à payer serait plus efficace, d’autant plus que le montant des pensions peut être piloté par la valeur du point. Mais a priori, la révision de l’âge de retraite n’est pas prévue dans la réforme.

Jacques Martel : Administrateur UNIR-CFE CGC, en charge des dossiers Protection Sociale

Dans un régime de retraite par répartition contributif, il n’est pas envisageable d’avoir un système structurellement déficitaire. Le régime de retraite universelle doit répondre à cette exigence d’équilibre financier. L’UNIR-CFE CGC veillera à ce que les principes de solidarité intergénérationnelle entre les actifs et les retraités soient respectés. La réforme en cours présente encore de nombreuses zones d’ombre même si la concertation avec les partenaires sociaux se poursuit depuis plusieurs mois. L’UNIR-CFE CGC demande que la gestion de ce nouveau régime de retraite soit confiée aux partenaires sociaux. Ces derniers ont su prendre leurs responsabilités par le passé dans les régimes complémentaires Agirc et Arrco, par exemple.

Cette réforme va profondément modifier les règles du régime de base actuel en le remplaçant par annuité en régime par points. Le nombre de trimestres cotisés ou validés était, une fois l’âge d’ouverture des droits atteint, le sésame pour bénéficier de la retraite à taux plein, les régimes complémentaires suivaient la décision de la Sécurité sociale (SS) pour liquider la retraite au taux plein. Le nombre de trimestres cotisés ou validés était également l’un des paramètres de réglage de l’équilibre financier, par quoi va-t-il être remplacé à l’avenir ? Pour les salariés du secteur privé, l’assiette de cotisation était plafonnée à un salaire de huit plafonds SS. Demain le Gouvernement semble envisager de limiter l’assiette de cotisation à trois ou quatre plafonds SS. Dans ces conditions, comment seront financés les points acquis au-dessus de quatre plafonds ? Si un régime par capitalisation devait être mis en place, nous demandons qu’il soit facultatif, l’assiette de cotisation du régime universel (base + complémentaire) devrait aller jusqu’à huit plafonds.

Ce qu’il faut retenir

// Bonne nouvelle : selon le rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR), rendu public à la mi-juin dernière, le régime de retraite est de moins en moins déficitaire : un simple trou de 4,5 milliards d’euros en 2017 puis de 2,2 milliards prévus pour 2020, soit 0,1 % du PIB. Signe que les réformes successives ont en partie atteint leur objectif.

// Mauvaise nouvelle : le COR indique toutefois que la situation va se dégrader de nouveau. Dès 2025, le déficit, à 14,5 milliards d’euros, équivaudra à 0,5 % du PIB et ce, quel que soit le scénario de croissance retenu.

// Réformes ailleurs : d’autres pays – Allemagne, Suède… – se sont attelés à une réforme de leur système de retraite, souvent pour y introduire une dose de capitalisation.

// En France : la réforme vise aussi à simplifier le système et à le rendre plus lisible et plus crédible… Pour l’heure, assurent Yann Algan, Pierre Cahuc et André Zylberberg dans La Fabrique de la Défiance (Albin Michel, 2012), en plus des 300 fromages, il y aurait également 500 niches fiscales et 600 régimes de retraite en France ! Les réformes devront également prendre en compte les nouveaux modes de travail, dont le changement de métier, plus fréquent qu’avant.

En chiffres

16,1 millions

C’est, à fin 2016, le nombre de personnes qui perçoivent une pension de droit direct des régimes de retraite français, soit des effectifs en hausse de 0,9 % par rapport à 2015. Tous régimes confondus, leur pension s’élève en moyenne à 1 389 euros bruts mensuels (+ 0,9 % en euros constants par rapport à 2015), selon le rapport de la direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques (Drees).

Source : http://drees.solidarites-sante.gouv.fr/etudes-et-statistiques/publications/panoramas-de-la-drees/article/les-retraites-et-les-retraites-edition-2018

40 %

Selon le même rapport, la pension moyenne des femmes s’élevait à 1 065 euros bruts, contre 1 739 euros pour les hommes, soit un écart de près de 40 %, à 38,8 %. L’écart se réduit année après année, à mesure que le taux d’activité des femmes et leurs qualifications progressent – c’était 45,8 % en 2004, et 39,2 % en 2015.