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Du management de contrôle au management de confiance

À la une | publié le : 01.09.2018 | Irène Lopez

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Du management de contrôle au management de confiance

Crédit photo Irène Lopez

Le numérique, le télétravail, la soif d’entreprenariat et l’arrivée des Millenials « au pouvoir » bouleversent le monde du travail et la façon de manager. Confiance, agilité, hiérarchie horizontale… sont devenues les maîtres-mots et questionnent les managers. Quelle place leur reste-t-il ? Quels codes doivent-ils adopter ? Revue de détail des modes de management en mutation.

Le management « à la papa » avec un circuit d’informations descendant, ou top down, c’est fini ! L’exemple vient d’en haut. Anne Beinier est conseillère auprès d’Agnès Buzyn, ministre de la Santé et des Solidarités, et spécialisée en transformation du système de santé. Il n’y a pas que la santé qu’elle a chamboulée. Cette jeune trentenaire a écarquillé les yeux lorsqu’elle a été choisie pour faire partie de la garde rapprochée de la ministre. Elle les a ouverts davantage lorsqu’elle a découvert le circuit de validation qui existait au sein du cabinet. « Un process de validation très lourd était la norme. Chaque dossier devait être relu par différentes personnes. Il nous revenait après plusieurs jours voire plusieurs semaines. Ces délais étaient inconcevables pour nous qui voulions aller vite », confie la jeune femme. Sous le quinquennat Macron, pas question donc de lambiner car, dans les précédents gouvernements les ministres en charge de la Santé, Marisol Touraine ou Xavier Bertrand, étaient entourés de plusieurs dizaines de conseillers. Agnès Buzyn a réduit ce nombre à 10, non seulement parce qu’il faut faire des économies mais aussi parce que « la startup nation » est en mode agile. Anne Beinier en explique le sens : « La ministre nous fait confiance. C’est sa façon de manager les équipes. Nous traitons nos dossiers et avançons sans validations superflues. Le directeur de cabinet nous dit que s’il y a des erreurs, nous les assumerons. »

Confiance.

La confiance, c’est exactement la philosophie que prône AMI-API, un atelier de métallerie industrielle, créé en 1999 par Gérard David, couplé à un atelier de peinture industrielle, créé en 2007. Le management est traditionnel (un directeur chapeaute un chef d’atelier, lui-même responsable de son équipe) jusqu’en 2009. La crise renverse le modèle et fait opérer un virage à la direction. Les clients deviennent plus exigeants et le seul critère retenu par l’entreprise est désormais la livraison en temps et en heure. Un management participatif, dit libéré, est adopté avec l’accord du patron. La fonction de chef d’atelier devient caduque, les ouvriers deviennent des collaborateurs et le directeur est en prise directe avec l’atelier. Seule compte la satisfaction du client et donc l’heure de sa livraison respectée. Résultat : AMI-API s’enorgueillit de livrer 80 % de ses clients à l’heure, contre 40 % avec un management classique. C’est le régime Rare, autrement dit respect – agilité – reconnaissance – état d’esprit, les valeurs de l’entreprise.

Abandon du contrôle.

L’exemple d’AMI-API n’est pas un exemple isolé, souligne Laure Rogez, dirigeante fondatrice chez Sezam&Co, agence d’innovation stratégique et managériale : « Les cycles de vie des produits et des services proposés s’accélérant, le manager doit réussir à mener une conduite du changement permanente. Intégrer les fonctionnements collaboratifs consiste à placer les collaborateurs en situation de comprendre par eux-mêmes les évolutions à venir pour déclencher la créativité et l’envie de changer. »

Pour les managers, l’avènement des nouvelles technologies, mais aussi le développement du télétravail (officiel ou informel pour 1 salarié sur 4), bouleverse la donne.

Pour Laurent Taskin, professeur à la Louvain School of Management, expert en matière de télétravail et auteur de Management humain (2016, éditions De Boeck) : « La dimension la plus critique semble bien être celle du contrôle : comment contrôler le travail et les travailleurs à distance ? Cette incertitude relative à l’ampleur et à la direction des changements en matière de contrôle, suite à l’introduction du télétravail, est d’ailleurs l’un des principaux freins au développement du télétravail cité par les employeurs. De ce questionnement sur le contrôle émergent des notions aussi diverses que l’autodiscipline, la confiance, l’autonomie, la supervision, la culture ou l’implication. » La confiance, de nouveau au cœur des nouveaux codes du management ?

MR21, une association qui regroupe des managers responsables, a repris les résultats d’une étude réalisée par Ifop pour le comptoir MM, entité de Malakoff Médéric dédié aux études. Cette communauté de managers confirme : « Le télétravail nécessite une application du management à distance et la mise en place d’actions collectives. Il s’agit de passer du “management de contrôle” au “management de confiance”, en fixant des objectifs mais en laissant aux salariés une autonomie de réalisation – appréciée par la grande majorité des télétravailleurs. Accepté par le management et les salariés, pensé dans un climat de confiance, le télétravail permet de trouver un équilibre entre souplesse et productivité, entre qualité de vie au travail et performance. » Les travaux présentés s’accordent sur la confiance nécessaire du manager envers ses collaborateurs. Cet état d’esprit a cependant ses limites. Pour le comptoir MM, « la durée de télétravail idéale selon les travailleurs serait de deux jours. Au-delà, le lien au travail devient plus compliqué ».

Peu d’invasion mais aussi peu d’empathie.

Autre bouleversement dans le paysage du management : l’arrivée aux portes du pouvoir des Millenials. La génération des responsables nés après 1980 aspire à un management plus horizontal. Selon une étude menée par Kantar Futures et American Express, 75 % d’entre eux souhaitent que le monde des affaires tende vers davantage de collaboration. L’étude repose sur des interviews de 2 300 managers répartis à travers la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni et les États-Unis. Sans surprise, la génération Y prône l’autonomie, la créativité… Trouver un équilibre entre vie privée et vie professionnelle fait partie de ses aspirations, comme pour ses aînés d’ailleurs. Ce qui est surprenant en revanche, c’est le besoin de se protéger des nouvelles technologies. Ce serait encore plus vrai en France où les managers trentenaires souhaiteraient déconnecter lorsqu’ils ont quitté leur bureau. Bref, le Millenial serait un manager non invasif qui exclurait l’envoi de mails à 23 h. Encore plus surprenant, ces nouveaux managers ne seraient pas les plus empathiques. 39 % d’entre eux ont déclaré vouloir privilégier le profit au bien-être de leurs salariés !

Des codes de la startup, seul le tutoiement de rigueur, la cravate et les costumes remisés au placard ont été retenus. Or certains fonctionnements ont peu évolué. C’est le cas dans cette agence de communication qui se vante de fonctionner en mode agile. « Sous des apparences “cool”, rien ne change. Il faut travailler avec les différents services que sont le studio de création, les commerciaux, partager les idées… On nous donne l’impression qu’il n’y a plus de hiérarchie, que nous valons tous la même chose, confie un collaborateur. Mais dans les faits, lorsque les objectifs sont atteints, ce sont les managers qui touchent les primes. Finalement la hiérarchie est toujours là et les codes n’ont pas changé ». Bref, chassez le naturel et il revient au galop…

Auteur

  • Irène Lopez