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Une année de grands changements

Dossier | publié le : 07.05.2018 | Irène Lopez

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Une année de grands changements

Crédit photo Irène Lopez

Baisse des cotisations salariales, hausse de la CSG, nouvelle présentation du bulletin mensuel… Depuis le 1er janvier 2018, les salariés ont constaté beaucoup de changements dans leur sacro-sainte feuille de paie. Les réformes vont se poursuivre avec la mise en œuvre du prélèvement à la source, dès le début de l’année prochaine. Un casse-tête pour les services RH.

Depuis la fin du mois de janvier, la fiche de paie a subi un profond « relooking ». Fini les sigles indéchiffrables, les lignes à n’en plus finir. Le nouveau bulletin de paie est plus light et plus lisible. Composé d’une quarantaine de lignes auparavant, il est désormais constitué de vingt intitulés et ne dépasse pas le recto d’une feuille (voir encadré). L’an dernier, les entreprises de plus de 300 salariés avaient testé cette nouvelle version. Cette année, même les entreprises de taille plus petite ont dû s’y coller. Toutes ont l’obligation de rendre leurs feuilles de paie plus lisibles. C’est le choc de simplification voulu par François Hollande.

Entre le traitement de base, les cotisations assurance chômage, la CSG déductible, la CSG non déductible, la taxe d’apprentissage, la contribution vieillesse… La fiche de paie était devenue incompréhensible pour la plupart des salariés. Le cadre réglementaire qui impose la simplification du bulletin de paie s’inspire largement du rapport de Jean-Christophe Sciberras, le directeur des relations sociales de Solvay, qui présidait alors l’Association nationale des directeurs de ressources humaines. Remis en juillet 2015, il révèle un besoin de « clarification » du bulletin de paie. Le 25 février 2016, un décret énonce le référentiel national des intitulés de la paie. Puis, un arrêté fixe les libellés, l’ordre et le regroupement des informations figurant sur le bulletin de paie mentionnées à l’article R. 3243-2 du Code du travail.

Une lecture simplifiée

Les cotisations sont désormais regroupées par risque couvert : assurance maladie (les noms des organismes de couverture santé et de prévoyance ne sont plus indiqués), accidents du travail/maladies professionnelles (seules les valeurs sont affichées), retraite (cadre/non-cadre), etc. Pour la ligne famille – Sécurité sociale, le montant est inséré dans la colonne allégements de cotisations s’il y a un abattement du taux 5,25 %. Les cotisations chômage et les garanties des salaires AGS sont fusionnées dans la ligne chômage. Les bases et les taux sont cumulés. Enfin, les bases sont cumulées et seul le montant est affiché pour les autres contributions employeurs (aide au logement, solidarité autonomie, apprentissage, transport).

D’autres paramètres ont changé en janvier dernier, dans le cadre de réformes décidées par le Gouvernement d’Édouard Philippe. D’un côté, la cotisation salariale maladie (0,75 %) est supprimée. La cotisation d’assurance chômage va diminuer pour passer de 2,41 % à 1,45 %, avant de disparaître à compter du 1er octobre, la part financée par le salarié s’élevant à 0,95 %. C’est l’une des mesures phares du projet de loi de financement de la Sécurité sociale concernant la redistribution du pouvoir d’achat. En contrepartie de ces diminutions de cotisations, la CSG déductible du salaire imposable a augmenté de 1,7 %. Pour les fonctionnaires, dans l’attente des réformes à venir, le Gouvernement a institué une indemnité compensatrice de la hausse de la CSG, afin qu’ils puissent, eux aussi, bénéficier d’une amélioration de leur pouvoir d’achat.

Selon Jean-Louis Vincent, vice président HR chez SNCF Logistics et vice président du bureau national de l’Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH), « cette simplification est uniquement visuelle. Les calculs des cotisations restent les mêmes pour les entreprises. Ce n’est donc pas une révolution. Du côté des salariés, il n’y a pas eu beaucoup de réactions. Ils regardent avant tout la case en bas à droite de leur feuille de paie, là où figure le montant de la rémunération nette. Pour eux, la lecture simplifiée était appliquée depuis longtemps ! La forte médiatisation de la nouvelle mouture du document a fait passer la mesure sans émoi. Du côté des employeurs, les modifications ont été gérables relativement facilement puisqu’elles n’étaient que d’ordre technique. Le vrai changement sera pour janvier 2019 ».

Les obligations de l’employeur

Il s’agit bien entendu du fameux prélèvement à la source (PAS) décidé durant le quinquennat Hollande et dont la mise en œuvre a été reportée d’un an, au 1er janvier prochain, par le nouvel exécutif. Le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu sur les rémunérations des salariés devra être appliqué par tous les employeurs de France, sans distinction d’effectif, de secteur (privé ou public) ni de chiffre d’affaires. Pour Stéphane Baylé, consultant senior Paye et RH chez e-Paye Groupe SVP, « l’employeur aura trois obligations. La première est d’appliquer à la paie de chaque salarié le taux transmis par la direction générale des Finances publiques (DGFiP). Effectuer la retenue correspondante sur le salaire net du mois, en appliquant le taux au salaire net imposable, sera la deuxième. Enfin, la troisième obligation sera de reverser mensuellement à la DGFiP les prélèvements à la source ».

Une lourde tâche qui fait grogner les DRH. Pour Jean-Paul Charlez, président de l’ANDRH, la retenue à la source « est une nouvelle tâche, une nouvelle responsabilité, le tout non rémunéré », qui allonge la fiche de paie au lieu de l’alléger. S’il n’est pas inquiet pour les grandes entreprises, il pense aux patrons des petites PME pour qui les obligations imposées par la réforme risquent de se révéler chronophages. Selon un baromètre réalisé par KPMG, 54 % des chefs d’entreprise déclarent s’inquiéter de la complexité de la réforme pour des questions d’organisation interne (66 %), de gestion des relations avec les salariés (55 %). Une minorité de dirigeants (6 à 8 %) attendent de cette réforme des résultats positifs.

Les principales craintes reposent sur la formation des équipes RH, la responsabilité de l’entreprise et la gestion des réactions des salariés. Selon Jean-Paul Charlez, « les salariés ont l’habitude de regarder leur salaire net. Résultat, ils vont avoir l’impression d’être moins bien payés… ». La retenue à la source imposera aux services RH d’assurer la pédagogie de la réforme auprès de leurs équipes. Les équipes d’EY Société d’Avocats le confirment : « Bien que l’administration fiscale soit l’unique interlocuteur du salarié, il est à prévoir que les salariés se tourneront naturellement vers les services ressources humaines, paie ou finance de leurs entreprises puisque ces services sont leurs interlocuteurs au quotidien sur les sujets qui touchent à leur rémunération. C’est pourquoi les sociétés doivent dès maintenant entreprendre la formation de leurs équipes en interne afin de les préparer à l’afflux de questions des salariés concernant le prélèvement à la source. Une fois les aspects techniques de la réforme maîtrisés et les enjeux appréhendés, l’entreprise sera en mesure de communiquer efficacement auprès de ses salariés ».

De nombreux questionnements

Stéphane Baylé soulève certains points à éclaircir concernant la responsabilité de l’entreprise en cas d’erreur de calcul et de collecte de l’impôt. « Être en charge de la collecte de l’impôt, est-ce aussi être responsable en cas de problème ? Et qui gérera les régularisations ? En principe, l’entreprise n’aura pas à appliquer le taux d’imposition de manière rétroactive. Les soldes restant à payer ou remboursements de trop-perçus seront directement gérés par la DGFIP, qui reste le seul interlocuteur du salarié ». On peut également s’interroger sur les difficultés potentielles de cette mesure dans un marché du travail où se multiplient les contrats de courte durée et les salariés à employeurs multiples. Pour les salariés qui demandent un acompte de salaire, le versement anticipé devra également intégrer le montant de l’imposition. Autre interrogation : la confidentialité des données fiscales sera-t-elle garantie ? « En principe, l’employeur ne sera informé ni de la situation familiale, ni des autres revenus perçus par le salarié. Ces données restent du seul ressort de l’administration fiscale, unique interlocuteur du contribuable. Le taux d’imposition sera donc la seule donnée transmise à l’employeur dans le cadre de la retenue à la source de l’impôt sur le revenu. La seule indication dont l’employeur aura connaissance sera celle du taux individuel d’imposition de ses salariés, ainsi que l’éventuelle baisse ou hausse de celui-ci » répond Stéphane Baylé. Même si le président du Medef, Pierre Gattaz, a demandé un nouveau report d’un an pour mieux préparer la réforme, « la remise en cause du planning n’est que peu probable », souligne Jean-Louis Vincent, qui regrette le manque de médiatisation du prélèvement à la source et l’absence de communication du Gouvernement. Les premières vidéos commencent cependant à circuler et Bercy a lancé dès l’été dernier une phase test du prélèvement de l’impôt à la source, à laquelle participent plus de 700 entreprises volontaires.

Les mentions du nouveau bulletin de paie

• L’identité de l’employeur : nom, adresse, numéro Siret, code APE ou NAF ;

• L’identité du salarié : nom, emploi, niveau ou coefficient hiérarchique ;

• L’intitulé de la convention collective applicable (ou la référence au code du travail concernant les congés payés et les délais de préavis en cas de cessation de la relation de travail) ;

• La période et le nombre d’heures de travail : avec une distinction entre heures au taux normal et heures supplémentaires, ainsi que les taux concernés, avec la mention de la nature et du volume du forfait pour les salariés au forfait ;

• Les dates de congés et le montant de l’indemnité de congés payés (s’ils interviennent sur la période concernée par le bulletin de paie) ;

• La rémunération brute ;

• La nature et le montant des « accessoires de salaire » (primes, avantages en nature, frais professionnels…) soumis aux cotisations salariales et patronales ;

• Le montant, l’assiette et le taux des cotisations et contributions sociales ;

• La nature et le montant des autres versements et retenues ;

• La rémunération nette ;

• La date de paiement ;

• Le montant total versé par l’employeur (rémunération, cotisations et contributions à la charge de l’employeur) ;

• Le montant des exonérations et exemptions de cotisations et contributions sociales ;

• La mention de la rubrique dédiée au bulletin de paie sur le site Service-Public.fr ;

• La mention indiquant que le bulletin de paie doit être conservé sans limitation de durée.

À noter que les libellés exacts et leur ordre différent selon le statut du salarié : cadre ou non cadre.

www.service-public.fr)

Auteur

  • Irène Lopez