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Toutes les offres mènent au cloud

Dossier | publié le : 07.05.2018 | Muriel Jaouën

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Toutes les offres mènent au cloud

Crédit photo Muriel Jaouën

Pour répondre à des besoins de plus en plus pointus et afin de mener la bataille concurrentielle, les acteurs du marché de la paie essaient de singulariser leurs produits et leurs services. Mais en avançant tous dans une même direction : le cloud.

C’est un marché qui est, paradoxalement, très difficile à chiffrer. Combien pèse l’activité dédiée à la gestion de la paie des entreprises ? Les quelques études disponibles reposent sur des conjectures peu fiables. Difficile en effet de quantifier de manière précise un secteur qui relève pour l’essentiel d’acteurs multispécialistes. « D’une part, les prestataires ne communiquent que très rarement leurs résultats. D’autre part, quand ils le font il s’agit souvent de périmètres business globaux, qui dépassent parfois de loin leur segment d’offre dédié à la paie », explique Claire-Marie de Vulliod, responsable du département SIRH au Centre d’expertise des progiciels (CXP). Autre écueil : la dimension extrêmement protéiforme de ce marché, où se côtoient éditeurs mondiaux et start-up locales, produits sectoriels et offres horizontales, modèles de commercialisation à la licence et par abonnement, logiciels et prestations de conseil. On peut néanmoins identifier trois grandes familles : les logiciels de gestion internalisée de la paie (avec des acteurs comme Sopra HR Software, Sage, Cegid…) ; les offres d’externalisation (ADP, Sopra HR Software…) ; et les nouvelles solutions 100 % cloud permettant aux entreprises une gestion Web ultra-automatisée (Nibelis, Silae, Workday, PayFit…).

Concentrations structurantes

Le marché de la paie s’est construit au gré de mouvements structurants de concentration. Dès 1995, le français GSI se fait croquer par l’américain ADP, aujourd’hui leader sur le segment de l’externalisation avec trois millions de bulletins de paie produits chaque mois pour le compte de 12 000 entreprises. En 2013, c’est la SSII européenne Sopra Steria qui avale HR Access, acteur clé de la paie en France. Un rachat conforté un an plus tard par l’acquisition de l’activité HR Access Service – alors détenue par IBM France – dédiée à l’intégration, la maintenance et l’outsourcing de solutions de paie autour du logiciel HR Access. Sopra HR Software, qui produit 700 000 bulletins de paie tous les mois, propose aujourd’hui à la fois des offres « on-premise » (vente et installation de logiciels sur les serveurs des entreprises clientes) et des services d’outsourcing, sur l’ensemble des champs RH.

Les effets collatéraux de la DSN

« Le marché de la paie est un marché très technique, auquel il est compliqué de s’attaquer et sur lequel il est difficile de durer sans consentir de gros investissements. Une réforme comme la Déclaration sociale nominative (DSN), par exemple, appelle d’importants développements. On ne peut donc pas exclure de prochains mouvements de concentration », explique Jean-Sébastien Taffoureau, directeur outsourcing chez Sopra HR Software. La DSN constitue en effet un très gros chantier : modification des codes, paramétrages des outils… L’onde de choc est d’autant plus forte pour les petites ou moyennes structures, dont les ressources internes ne sont pas toujours en mesure d’absorber d’un coup cette montée en puissance technologique et en compétences techniques. Côté offre, les effets collatéraux se font déjà ressentir. Des acteurs qui comptaient moins de 100 clients ont disparu, faute de moyens pour s’adapter aux nouvelles exigences techniques. Pour les mêmes raisons, des cabinets d’expertise comptable se délestent de leur pôle social. « Des structures comme ADP et Cegid reçoivent beaucoup d’offres de rachat de la part de cabinets », confirme Claire-Marie de Vulliod-Prévost, au CXP.

L’évolution du marché va obliger les cabinets d’expertise comptable, qui avaient été habitués à tout gérer, et souvent seuls, à faire des choix : sur les outils SI (car la digitalisation est indispensable), sur les compétences à recruter, et même sur le choix des métiers exercés. « La polyvalence ne peut plus être un modèle économique viable. Certains font le choix de renoncer à la paie », commente Jean-François Cottin, expert-comptable, fondateur du cabinet Fidéliance.

Ce cabinet, qui compte 200 collaborateurs, a choisi de conserver l’activité paie, mais sur la base d’un nouvel outil. Objectif : améliorer la productivité sur le métier et récupérer de la marge sur les prestations à forte valeur ajoutée. « Nous sommes en train de passer du système Cegid à l’offre Silae. Une migration complexe et lourde, mais nécessaire si l’on veut se concentrer sur ce que les clients sont prêts à payer, à savoir de l’accompagnement RH et du conseil social », poursuit Jean-François Cottin.

Acteurs internationaux, marchés locaux

Bien que dominée par des acteurs internationaux, l’offre de paie reste un marché local. « Rares sont les acteurs qui, comme IKEA, ont adopté une gestion globale de leur paie à l’échelle mondiale. La spécificité des législations fait que dans 80 % des cas, la paie est encore gérée de manière domestique », note Stanislas de la Foye, VP Strategy & Business Development EMEA d’ADP. En 2016, pour s’attaquer au marché français, le pure player californien Workday a adapté sa solution de gestion de la paie Payroll, qui compte plus de 2 100 références dans le monde, aux spécificités de l’Hexagone : cotisations retraite, Ursaff, Pole emploi, remboursement des titres de transport, gestion des arrêts maladies, DSN… « Il n’y avait pas eu d’innovation significative sur le marché de la paie depuis vingt ans. Nous misons sur un développement maîtrisé et sur le long terme, en ciblant les entreprises de 1 000 à 30 000 salariés, et notamment celles qui souhaitent tirer parti de la transformation digitale actuelle », commente Thierry Mathoulin, directeur France de Workday. La France est le deuxième terrain de jeux européen investi par le pure player américain, habitué à de très belles croissances partout où il s’installe. Présent au Royaume-Uni depuis 2015, il y a déjà convaincu déjà 70 clients parmi les grandes entreprises. Sa croissance, Workday la doit à une offre intégrant sur une plateforme unique les RH, la finance et la paie. Mais surtout à une offre 100 % cloud. SAP, ADP, Talentia, Cegid, Cegedim… La plupart des acteurs sont en train de basculer leurs offres vers des solutions d’hébergement en mode SaaS (Software as a Service) : beaucoup plus souple, beaucoup moins cher. « Parce qu’il permet une mutualisation en temps réel des mises à jour et des paramétrages, le cloud constitue LE véritable tournant du marché », remarque Firmin Zocchetto, CEO de PayFit, une start-up créée en 2016 et qui a déjà séduit 1 500 clients, avec une offre 100 % cloud permettant d’automatiser des procédures comme l’édition des bulletins de paie, les notes de frais, les déclarations sociales, la gestion des congés… Après avoir levé 5 millions d’euros auprès de Xavier Niel en octobre 2016, PayFit a récidivé en juillet 2017, en récoltant 14 millions du fonds international Accel. Passée de 25 à 80 collaborateurs en un an, la jeune pousse vise les 160 salariés fin 2018. Si le cloud est un passage obligé pour tout nouvel entrant, il ouvre aussi des perspectives inédites en termes de performance pour la gestion de la paie et, au-delà, le SIRH.

Les promesses de l’intelligence artificielle

Car la plus grande promesse de cette génération d’offres de rupture réside sans conteste dans l’intelligence artificielle et la data. « En conjuguant des algorithmes de machine learning et d’analyse de la donnée, on peut lire, agréger et organiser des milliards de données », souligne Thomas Bourgeois, CEO de Dhatim, pionnier dans l’exploitation du big data à des fins de contrôle de la paie. Le système créé par l’entreprise repose sur un moteur ultra-puissant, qui va analyser les DSN et les paies, détecter les éventuelles erreurs, suggérer des corrections ou des optimisations sur la base des préconisations Net Entreprise et Urssaf, tout en intégrant les règles des différentes conventions collectives et les évolutions des normes.

L’émergence d’une nouvelle génération d’offres devrait également donner lieu à des alliances de diffusion, via des intégrateurs ou des cabinets conseil. En 2017, le groupe Ayming, spécialisé dans le conseil en business performance, a ainsi signé un partenariat avec Dhatim. La solution Workday Payroll sera intégrée par des partenaires comme IBM, Accenture, Capgemini ou Deloitte.

Face à la révolution digitale, les acteurs de la gestion de la paie ont compris qu’ils devaient miser sur les technologies les plus pointues, mais aussi sur de nouveaux packages d’offres. « Les entreprises, même les grandes, sont demandeuses de solutions plus courtes, plus légères et plus agiles », note Jean-Sébastien Taffoureau. Pour les éditeurs parvenus à acquérir une taille critique, la bataille commerciale se joue aujourd’hui sur le terrain de l’innovation.

Auteur

  • Muriel Jaouën