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Décodages

David Gaborieau : Sociologue à l’université Paris-Est Marne-la-Vallée et auteur d’une thèse sur le monde ouvrier des entrepôts de la grande distribution.

Décodages | Management | publié le : 07.05.2018 |

« Dans un secteur logistique en constant recrutement, les salariés restent sur l’idée que leur métier est sur le point de disparaître »

« L’automatisation ne concerne qu’une toute petite partie des entrepôts, par exemple certains produits à gros volumes en fonction de la forme des cartons. À la différence d’autres secteurs du commerce, les entreprises de la grande distribution voient circuler un grand nombre de références. Cela leur coûte très cher et le gain n’est pas évident par rapport à l’exploitation d’une main-d’œuvre peu qualifiée et peu rémunérée. Elles cherchent surtout à optimiser l’emplacement de leurs entrepôts par rapport aux magasins en ayant recours à la sous-traitance. Il reste bien souvent en majorité une activité de guidage par commande vocale concernant plus de deux tiers des entrepôts. On voit beaucoup de convoyeurs qui sont d’immenses tapis roulants sur lesquels circulent les produits et facilitant les déplacements au sein de l’entrepôt, affectant les métiers de cariste et de préparateur de commandes. Mais il y a toujours des tâches de manutention qui subsistent. Ce qui est impressionnant, c’est le décalage entre la médiatisation des entrepôts ultra-modernes, équipés notamment par le constructeur allemand Witron, et ce que représente aujourd’hui l’emploi logistique. C’est un secteur extrêmement ouvrier et avec beaucoup de turnover qui continue de recruter. Mais le discours produit déjà ses effets sur les salariés : ils ont l’impression que leur métier devenu pathogène avec un rythme accéléré de travail est en voie d’obsolescence. Cette idée fausse à moyen-terme bloque toute possibilité de revendication. Comment défendre un métier déjà peu socialement reconnu quand on vous répète qu’il est sur le point de disparaître ? Leur condition d’ouvriers du tertiaire est d’autant plus invisibilisée. »