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Vie des entreprises

Licenciements économiques : que va faire la chambre sociale ?

Vie des entreprises | ACTUALITÉ JURISPRUDENTIELLE | publié le : 01.02.2001 | Jean-Emmanuel Ray

Le reflux du chômage n'a pas (encore ?) conduit la Cour de cassation à assouplir sa jurisprudence sur les licenciements économiques. Comme en témoignent de récents arrêts sur le motif économique, les mesures de reclassement ou le transfert des contrats, la chambre sociale reste vigilante.

Le recul continu du chômage est la meilleure nouvelle de ce début de millénaire. Question : la Cour de cassation, qui s'était montrée si rigoureuse pendant la crise, va-t-elle maintenir le cap ? « Il n'appartient pas au juge de contrôler le choix effectué par l'employeur entre les solutions possibles " : l'assemblée plénière rappelait le 8 décembre 2000 à la cour d'appel de Riom la constitutionnelle liberté d'entreprendre figurant désormais à l'article 16 de la Charte communautaire des droits fondamentaux. Mais elle évoquait également la nécessaire sauvegarde de la compétitivité, qui devient le cœur du débat avec la reprise actuelle.

Modification du contrat et droit du licenciement économique

– Cause économique réelle et sérieuse : oui, mais de quoi ? « Motivé par le refus d'une proposition de diminution de la durée de son travail consécutive à la réduction d'activité de la société, difficultés économiques de nature à justifier la diminution d'horaires proposée, le licenciement de Mme T. avait une cause économique réelle et sérieuse » (Cass. soc., 19 décembre 2000). La sauvegarde d'un emploi passant parfois par une modification de l'emploi, le juge doit alors remonter à la cause réelle et sérieuse de la modification proposée… ce à quoi l'employeur n'a pas toujours pensé.

– Pacta sunt servanda : si un employeur annonce que, dans les six mois du transfert de site, les salariés revenant sur leur accord bénéficieront des dispositions du plan social en cours sans autre précision, il ne peut ensuite refuser d'appliquer ce miraculeux ticket retour à tous les salariés qui en font la demande, « le plan social ayant (ici) la nature juridique d'un engagement unilatéral » (Cass. soc., 18 décembre 2000).

Directive de 1998, article L. 122-12 et licenciement économique

Au sein des Quinze, le poids de la directive sur le transfert des contrats de travail est directement fonction de chaque droit national du licenciement économique et du montant des indemnités de rupture : les arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes n'ont donc pas la même portée. En France, l'externalisation des emplois ne veut pas toujours dire recentrage sur le noyau dur du métier : les arrêts Perrier II du 18 juillet 2000 avaient voulu limiter l'externalisation d'éventuels licenciements économiques voulant passer par l'article L. 122-12 du Code du travail. Mais le refus du cessionnaire peut faire également désordre : à la suite d'une vente, tous les contrats de travail sont transmis excepté celui de M. M., curieusement licencié quinze jours après : « Cette exigence du cessionnaire et son acceptation par le cédant traduisaient, en l'absence de difficultés économiques et de motif de suppression de poste, leur volonté concertée de faire échec aux dispositions d'ordre public de l'article L. 122-12 » (Cass. soc., 19 décembre 2000 : collusion frauduleuse, condamnation solidaire pour défaut de cause réelle et sérieuse).

Des salariés spécialement protégés

– Accidenté du travail : « L'existence d'une cause économique de licenciement ne suffit pas à caractériser l'impossibilité de maintenir le contrat de travail évoquée à l'article L. 122-32-2. » L'arrêt du 21 novembre 2000 achève le revirement commencé en 1998, faisant désormais prévaloir le maintien du contrat de l'accidenté du travail sur la nécessité d'opérer des licenciements économiques.

– Paradoxe de l'obligation de reclassement d'un représentant du personnel : « Si l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation par une société appartenant à un groupe ne peut se borner à prendre en considération la seule situation de la société demanderesse, il n'est tenu de faire porter son examen que sur les entreprises du groupe dont les activités ou l'organisation offrent à l'intéressé la possibilité d'exercer des fonctions comparables. » Rendu par le Conseil d'État le 17 novembre 2000, l'arrêt Paribas visant un cadre supérieur du secteur électronique se différencie notablement de la position du juge judiciaire (un reclassement " parmi les entreprises du groupe – françaises ou étrangères – dont les activités, l'organisation et le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ", Cass. soc., 20 juin 2000). Mais il a dû faire pousser un grand ouf! de soulagement à nombre d'inspecteurs du travail ne se voyant pas téléphoner aux 128 filiales d'un grand groupe pour vérifier que l'obligation de reclassement d'un représentant du personnel (par ailleurs pragmatiquement limitée par le Conseil d'État au seul territoire français) avait été exécutée.

FLASH

Désignation d'un délégué syndical dans les PME

Trois arrêts du 18 décembre 2000 font le point :

1° « Une convention collective peut abaisser le seuil d'effectif minimal légalement prévu pour la désignation d'un délégué syndical ", hypothèse de moins en moins d'école avec l'immense succès du minidélégué syndical qu'est le salarié mandaté 35 heures (60 % des accords d'entreprise de réduction du temps de travail signés en 1999).

2° « La seule désignation d'un délégué syndical par un syndicat représentatif établit l'existence d'une section syndicale " : ce créatif « minimum minimorum » syndical jurisprudentiel veut faciliter l'implantation des syndicats dans les PME. Mais il correspond souvent à l'état réel des troupes : une section réduite aux délégués. D'où le débat actuel sur la représentativité : militants ? adhérents ? électeurs ?

3° « La société Decons n'est pas recevable à prétendre à un détournement des intérêts du syndicat, qui peut seul s'en prévaloir " : la curieuse argumentation patronale contestant ainsi la désignation in extremis d'un licencié virtuel ne pouvait que conduire à ce désaveu.

Auteur

  • Jean-Emmanuel Ray