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Enquête

TOUS COMMERCIAUX A LA BANQUE TRANSATLANTIQUE

Enquête | publié le : 01.02.2001 | Marc Landré

Appels perdus, conseil insuffisant… devant ce sévère constat, cette filiale du CIC a employé les grands moyens. Création d'un call center haut de gamme, redéfinition des rôles entre conseillers et assistantes, réaffectation des portefeuilles : un reengineering complet, décidé en concertation avec les salariés, après des mois de discussions.

Pas de doute, la Banque transatlantique chouchoute ses clients. Siège en marbre situé à deux pas des Champs-Élysées (dans lequel ont été tournés de nombreux films, comme la Banquière avec Romy Schneider), portier aimable, larges et confortables fauteuils en cuir blanc pour attendre à l'abri des regards, télévision grand écran branchée sur la chaîne satellite d'informations financières Bloomberg-TV, salons spacieux avec téléphone, ordinateur, imprimante et fax pour les rendez-vous avec les conseillers patrimoniaux… la BT (comme on l'appelle en interne) n'a pas lésiné sur les moyens pour que le client se sente comme chez lui. Car cette filiale du groupe CIC, aujourd'hui adossée au Crédit mutuel, n'est pas une banque comme les autres. Sa clientèle se compose exclusivement de « CSP plus ». Des expatriés, membres du corps diplomatique, fonctionnaires internationaux ou cadres de multinationales et, depuis peu, d'« impatriés », selon l'expression de Pierre Vallet, le directeur du développement, c'est-à-dire d'étrangers travaillant en France pour des sociétés étrangères. Son cœur de métier: la gestion de fortune et de stock-options. On est loin de la Caisse d'épargne…

16 % d'appels perdus

Pour aller encore plus loin dans le service rendu à ses précieux clients, la banque a procédé à un vaste reengineering, qui a commencé par une grande enquête de satisfaction au second semestre de 1998. « Nous voulions mieux connaître les besoins de nos clients, les services importants à leurs yeux et ceux pour lesquels ils nous trouvaient efficaces, indique Pierre Vallet. Nous nous demandions si nous n'étions pas trop bons quand ce n'était pas nécessaire et pas assez quand ça l'était. » En interne, l'objectif est clair. Il vise à augmenter le chiffre d'affaires, fidéliser la clientèle et en conquérir à terme une nouvelle. Verdict mitigé. Au-delà de la qualité du relationnel, l'enquête fait ressortir la difficulté rencontrée par de nombreux clients à joindre au téléphone leur conseiller patrimonial et le manque d'entrain de ceux-ci pour leur présenter les derniers produits. Fâcheux, pour un établissement financier qui compte une grande majorité de ses clients à l'étranger et dont le téléphone constitue, dans 60 % des cas, le moyen de liaison privilégié. La Banque transatlantique décide alors, début 1999, de réorganiser le pôle commercial avec comme contrainte de réduire de 16 à 2 % les appels perdus et de libérer 25 % de temps pour les conseillers patrimoniaux afin qu'ils se concentrent sur le conseil à la clientèle.

La contre-offensive s'appuie sur la création d'un « centre de contact » baptisé « Transat en ligne » – call center haut de gamme (fort de 25 personnes, ouvert du lundi au vendredi de 9 heures à 18 heures) chargé de gérer toutes les demandes (par téléphone, fax, Minitel ou Internet) d'informations ou d'opérations de la clientèle –, sur une nouvelle segmentation de la clientèle et une répartition modernisée de tous les portefeuilles gérés par la banque. Une révolution qui nécessite d'impliquer les 260 salariés et les syndicats de la banque. « Il était important pour nous de les associer à la réalisation de ce projet d'envergure», confirme Pierre Vallet, qui cumulera les directions informatique et commerciale le temps du projet. Une vingtaine de conseillers patrimoniaux (dont la moitié à 50 % de leur temps) sont ainsi détachés pour travailler sur la réorganisation. Leurs missions ? Réaffecter les portefeuilles entre les commerciaux (50 % des comptes changeront effectivement de mains), répartir les rôles au sein de la nouvelle organisation, définir les attributs du futur système d'information (création de l'interface visuelle, choix du logiciel…) reliant le centre d'appels aux conseillers patrimoniaux et organiser la formation des employés. Un vrai challenge! « Je me suis vraiment impliquée parce que c'était une expérience très enrichissante et différente de ce que j'avais l'habitude de vivre au quotidien », explique Camille Schweisguth, conseillère patrimoniale détachée pendant neuf mois à mi-temps sur le projet, aujourd'hui responsable de Transat en ligne.

Les salariés de la banque n'ont pas laissé passer l'occasion d'exprimer leurs craintes sur la nouvelle répartition des rôles lors des points d'information mensuels. « Nous voulions tous que ça marche mais personne ne savait ce que ça allait vraiment donner, avoue Philippe Reitzer, le DRH. Les appréhensions étaient compréhensibles et légitimes. » Les assistantes des conseillers patrimoniaux, en majorité transférées au centre de contact, craignent qu'on les considère comme des standardistes et refusent de mettre les casques. Une erreur, estime Camille Schweisguth. « Elles existent aujourd'hui par elles-mêmes et ne sont plus l'assistante de quelqu'un. Elles ont une vraie relation clientèle et ne se contentent pas de répondre au téléphone. Elles traitent toutes les opérations courantes, ont leurs propres objectifs et se sont vu confier des délégations de pouvoir sur les crédits à la consommation ou l'aide à l'élaboration d'une déclaration fiscale. »

« C'est vrai, mais nous passons quand même la majorité de notre temps à faire de la lecture d'informations sur écran et à enregistrer des ordres de virement. Nous pouvons répondre à toutes les questions si nous n'engageons pas la responsabilité de la banque ou si nous en avons reçu l'autorisation du conseiller patrimonial. Nous servons d'intermédiaires entre le client et les services de la banque », souligne une jeune opératrice. Les conseillers patrimoniaux ont d'autres préoccupations, d'ordre plus pratique. « Pour beaucoup, la suppression du poste d'assistante a été mal vécue en termes d'image et de confort, dit un ancien. Il n'y avait plus personne pour aller chercher le café, pour taper les lettres ou les mettre dans les enveloppes. »

Aucun départ consécutif à la réorganisation

Pour faire passer la pilule aux conseillers de Transat en ligne, Philippe Reitzer leur a accordé, le jour de l'ouverture du centre de contact, une prime mensuelle de 650 francs, approuvée par plus de 80 % des conseillers lors d'un référendum. Le DRH leur a également fait bénéficier, avant tous les autres salariés, des 35 heures. Ces marques d'attention n'ont pas empêché certains problèmes d'affectation. C'est le cas, notamment, de deux conseillers patrimoniaux qui se sont vu « proposer » un poste au centre de contact. Pour Céline Ballestan, détachée pendant neuf mois à mi-temps sur le projet, le transfert pouvait encore passer comme une récompense puisqu'elle accédait au poste de superviseuse, c'est-à-dire de numéro deux, de Transat en ligne. Mais Dominique Favrel, qui avait participé au groupe de travail sur le choix du logiciel et formé ses collègues au nouvel univers informatique, l'a vécu comme une rétrogradation. « Je l'ai pris pour une sanction, confirme cette mère de deux enfants. Une sanction difficile à avaler après vingt-trois années de maison, quand on estime avoir toujours correctement fait son travail. » La conseillère a donc été chargée de former ses jeunes collègues de Transat en ligne afin de les faire évoluer plus rapidement. Au passage, elle a enfin obtenu le temps partiel qu'elle demandait depuis des années. Au final, la Banque transatlantique n'a connu aucun départ consécutif à la mise en place de la nouvelle organisation. En termes de satisfaction de la clientèle, la direction indique que seuls 5 % des clients regrettent l'ancienne. Mais elle promet de tout faire pour éviter qu'ils partent… à la concurrence.

Auteur

  • Marc Landré