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Débat

Faut-il créer un RMI pour les jeunes de moins de 25 ans ?

Débat | publié le : 01.02.2001 |

À l'initiative des députés communistes, une proposition de loi relative à la création d'une allocation d'autonomie pour les jeunes de 16 à 25 ans – lesquels n'ont pas accès au revenu minimum d'insertion – a été votée le 12 décembre en première lecture à l'Assemblée nationale. Une commission ad hoc sera, d'ici à la fin 2001, chargée d'en étudier la faisabilité. Doit-on créer un RMI jeunes et à quelles conditions ? La réponse de trois experts.

« Les jeunes isolés doivent bénéficier d'une allocation au moins égale aux 4/5 du RMI. »

JEAN-MICHEL BELORGEY Conseiller d'État.

Les jeunes sont particulièrement touchés par les difficultés d'accès à l'emploi et par son instabilité. Ce sont principalement eux qui se voient contraints d'accepter les temps partiels, les contrats à durée déterminée, entrecoupés de phases de chômage récurrent.

Dans ces conditions, avec des périodes de travail généralement trop courtes pour donner droit à indemnisation, la suppression de l'allocation d'insertion et l'exclusion du droit au RMI pour les moins de 25 ans ont constitué un redoublement de pénalisation. La déconnexion entre l'âge de fin des prestations familiales (20 ans) et celui d'ouverture du droit au revenu minimum (25 ans), sauf cas de charge de famille, contribue à rendre difficile, et souvent destructeur, le passage qui, dans d'autres pays, se fait directement d'une situation d'enfant à charge à celle d'adulte autonome.

À cet état de fait, on ne saurait répondre sur le seul terrain de la formation. L'accumulation des dispositifs en faveur des jeunes n'a d'ailleurs pas apporté de solution au chômage récurrent de ce groupe d'âge, contrairement aux espoirs mis dans la démarche.

Flirtant avec la logique d'un smic jeunes, une partie de ces dispositifs sollicite au surplus les entreprises par une baisse du coût du travail des jeunes en échange d'une hypothétique qualification. On peut également se demander si l'offre de places de stages publics ne répond pas souvent davantage à un objectif de régulation des statistiques du chômage qu'à des objectifs identifiés de qualification ou d'entraînement à l'emploi.

Il faut sortir de ces limbes et instaurer une sécurisation des trajectoires dès l'entrée dans la vie active, quel qu'en soit l'âge. Une amélioration de la couverture par l'assurance chômage au prix d'une réduction des périodes de référence serait un premier pas dans ce sens, mais insuffisant. Elle devrait s'assortir d'une réelle « assurance mobilité » ou « assurance travail garanti » gérée localement qui pourrait venir, à terme, se substituer à l'assurance chômage.

Enfin, pour la frange des 2 % d'exclus durables du marché du travail ou des circuits de formation, il reste à imaginer une allocation de survie non liée au travail. Il peut s'agir, pour éviter les risques de dérapage, d'un droit interprétable, ce qui ne veut pas dire discrétionnaire, assorti d'un accompagnement social. Une « allocation jeunes isolés » ouverte à ceux ne bénéficiant d'aucune autre prise en charge, d'un montant des 4/5 du RMI, correspondrait vraisemblablement à une population potentielle de 70 000 jeunes. Le coût global en serait d'environ 1,6 milliard de francs.

Une telle mesure permettrait d'éviter aux jeunes qui n'« entrent » dans aucun dispositif les situations dramatiques que l'on connaît. Entre ce droit résiduel et la politique plus ambitieuse de droit à la formation et à l'accès à l'emploi, il est vain de vouloir faire apparaître une opposition ou une possible substitution. L'entrée en formation, même dans le cadre d'un dispositif plus élaboré et conçu de façon plus rigoureuse qu'il ne l'est aujourd'hui, comportera des périodes de friction. Pendant celles-ci, les jeunes dépourvus de soutien familial ne peuvent être laissés à découvert, sauf à en accepter les conséquences sur le terrain du développement des déviances et de la déstructuration individuelle.

« Une aide d'un montant nettement inférieur au RMI devrait être versée à tous les jeunes. »

OLIVER GALLAND Sociologue, directeur de recherches au CNRS.

En France, jusqu'à présent, la famille a constitué le point d'appui principal des jeunes adultes. Peut-être est-il temps de reconnaître socialement la particularité et la généralisation de cette phase de la vie – une préparation progressive plus longue qu'autrefois à la vie adulte –, justifiant qu'elle bénéficie de mesures de politique sociale et d'aides particulières qui ne seraient plus laissées à la seule charge des familles. Rappelons que, ces dernières années, les inégalités de niveau de vie se sont creusées de manière significative au détriment des jeunes générations.

Si ce point de vue était retenu, à quelles conditions devraient être attribuées des aides de ce type ? Tout d'abord, à partir de quel âge un jeune doit-il être considéré comme légalement indépendant de ses parents, de telle sorte qu'il puisse faire valoir des droits et soit redevable de certaines obligations ? À 18 ans, ou plus tôt si l'on considère que certains jeunes quittent encore le système scolaire à la fin de la scolarité obligatoire ? Les limites d'âge donnant accès à un statut de jeune adulte devraient constituer seulement des seuils planchers et plafonds (mais pas au-delà de 25 ans), de façon à tenir compte de la variabilité des situations et à permettre que les aides soient bien utilisées aux moments opportuns. L'aide octroyée pourrait être mobilisée, de manière continue ou par tranches, pour une durée totale donnée, à l'intérieur de cet intervalle.

L'aide versée devrait être universelle, c'est-à-dire ouverte à tous les jeunes au nom de deux arguments. Si la philosophie du projet est de considérer que le jeune est indépendant de ses parents, les ressources de ces derniers ne constituent pas un critère d'attribution. Cette phase étant un moment de transition délicat associé à de faibles ressources, il serait souhaitable que tous les jeunes, ou en tout cas une très large partie d'entre eux, soient aidés.

Le niveau de l'aide devrait rester sensiblement inférieur au RMI pour éviter tout risque de désincitation au travail. L'aide doit-elle être assortie d'une contrepartie ? Une attribution sans contrepartie correspondrait à l'idée que l'on estime les jeunes responsables de l'usage d'une aide jugée fonctionnellement utile à tous et dont les conditions et le moment d'utilisation sont le mieux appréciés par eux seuls. Une formule de ce type présente l'avantage d'une grande flexibilité d'emploi : un « crédit » serait ouvert à chaque jeune qu'il pourrait utiliser sur une période donnée (vingt-quatre mois par exemple) de manière continue ou fractionnée entre 16 et 25 ans. Un tel dispositif suppose une remise à plat de l'ensemble du système d'aides aux jeunes et aux familles ayant à charge des jeunes adultes.

Une autre philosophie revient à considérer qu'une aide de ce type ne peut être attribuée sans contrepartie ni contrôle des conditions de son emploi. Dans ce cas, l'aide devrait tenir compte de la situation du jeune et être attribuée en fonction du respect de certaines obligations : suivre un cycle d'études, accepter des mesures d'insertion ou encore rendre des services à la collectivité.

« Aucun jeune adulte n'ayant ni emploi ni formation ne doit rester sans ressources. »

JEAN-CLAUDE BOULARD Député (socialiste) de la Sarthe.

Au cours du débat parlementaire d'octobre 1988 pour l'adoption de la loi portant sur la création du RMI, j'étais intervenu pour soulever la question des ressources des jeunes de moins de 25 ans. Douze ans plus tard, cette intervention conserve toute son actualité. Les dispositifs d'insertion et le retour de la croissance ont laissé sur le bord du chemin des adultes de moins de 25 ans dépourvus de ressources et qui se trouvent de plus en plus marginalisés.

Je n'ai jamais compris l'objection de ceux qui considèrent qu'instaurer une allocation d'insertion pour les jeunes les plongerait dans l'assistance. En vérité, c'est l'absence de ressources qui les renvoie à l'aide d'urgence, à la marginalité et à l'économie parallèle.

Bien sûr, il faut offrir aux jeunes une formation, un stage ou un emploi. Mais il faut également traiter de leurs ressources durant les périodes d'attente d'une formation, d'un stage ou d'un emploi.

Cette question du revenu des jeunes adultes est réapparue lors de l'adoption de la loi relative à la lutte contre les exclusions. Elle a débouché sur un amendement modeste qui permet aux jeunes rencontrant des difficultés matérielles d'accéder aux fonds départementaux ou locaux d'aide aux jeunes. En décembre 1999, le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, s'appuyant sur cet amendement, a adopté un avis relançant le débat. Cet avis a favorisé l'évolution des règlements départementaux des fonds d'aide aux jeunes. Certains règlements ont substitué aux aides d'urgence des allocations mensuelles de l'ordre de 1500 francs pendant les périodes d'attente.

Le moment est venu de mettre enfin en place un dispositif de bouclage garantissant qu'aucun jeune adulte sans emploi et sans proposition de stage ou de formation rémunérée ne soit laissé sans ressources. La référence au concept de jeune adulte apparaît comme le bon critère dans un pays où la majorité est à 18 ans et où l'âge de 25 ans n'est ni un seuil juridique ni, surtout, sauf dans les milieux aisés, un seuil sociologique de sortie du milieu familial. En effet, dans les milieux populaires, il est normal de prendre son autonomie dès l'âge de 20 ans.

Pour éviter toute assimilation au RMI jeunes, il est proposé de parler d'allocation d'autonomie. Cette formulation a l'avantage de mettre l'accent sur le revenu comme condition de l'autonomie et étape de l'insertion. Le texte pourrait être rédigé dans les termes suivants :

« Tout adulte de moins de 25 ans dépourvu de ressources et qui accepte de signer un contrat d'insertion vers l'emploi a droit à une allocation d'autonomie pendant la période d'attente d'un stage, d'une formation rémunérée ou d'un emploi. »

Cette mesure législative donnerait enfin une portée complète aux dispositions du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, aux termes desquelles « tout être humain qui, en raison de […] la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence ». Appliquer ce principe de droit à une « couverture universelle de revenu » serait en vérité une bonne manière d'ouvrir le siècle nouveau.