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Décodages

Les inégalités de salaires font de la résistance

Décodages | Rémumérations | publié le : 04.01.2018 | Irène Lopez

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Les inégalités de salaires font de la résistance

Crédit photo Irène Lopez

Déclarée Grande cause nationale par le président de la République, l’égalité salariale hommes-femmes est loin d’être une réalité. Pourtant, si elle était respectée, c’est toute l’économie française qui en bénéficierait. Comment arriver à un tel équilibre ? Quelles sont les entreprises soucieuses de mettre en œuvre cette égalité ?

Près de 16 %. C’est l’écart entre la moyenne horaire brute de rémunération des femmes et celle des hommes, tous secteurs confondus (industrie, construction et services, à l’exception de l’administration publique). Le calcul, réalisé par Eurostat, est sans appel : les femmes gagnent 15,8 % de moins que les hommes. Depuis 10 ans, les deux lois visant à résorber ces inégalités n’ont rien changé. Pire : cet écart de rémunération est plus important que lors de la dernière étude d’Eurostat (15,1 % selon les données de 2010).

Pour dénoncer cette situation, des milliers de femmes ont été invitées, le 3 novembre dernier, à cesser le travail à 11 h 44, jour et heure à partir de laquelle elles ne sont plus en théorie « payées » par comparaison avec les salaires des hommes. En 2016, cette action avait d’ailleurs été soutenue par la ministre du Droit des femmes de l’époque, Laurence Rossignol.

Un manque à gagner.

Outre une injustice sociale, cette inégalité est un frein à l’économie nationale. Un rapport de la Fondation Concorde, publié fin octobre, montre que grâce à la parité salariale hommes-femmes, l’État empocherait quelque 33 milliards d’euros de plus par an d’impôts et cotisations sociales. Selon le think tank, « ce manque à gagner a également des répercussions en termes de consommation. On estime ainsi que la consommation nette agrégée supplémentaire pourrait s’élever à 21,98 milliards d’euros lorsque le surplus d’épargne serait lui de 6,2 M€. Ce supplément permettrait de générer 0,16 point de croissance supplémentaire ». Pour la fondation, l’équation est simple : 33,6 + 21,98 + 6,2 = 61,78. Autrement dit un gain total de près 62 M€ pour l’économie française (soit 2,9 % de PIB) ! C’est sans doute aller un peu vite en besogne. Mais la Fondation Concorde assure que l’impact sur les entreprises a été pris en compte. Le rattrapage des niveaux de salaires coûterait 58 M€ aux entreprises. Mais ce coût serait compensé par une baisse de l’impôt sur les sociétés, consécutive à une baisse des bénéfices.

Des solutions.

À titre d’anecdote, la Norvège, suite à un accord entre la Fédération et l’association représentant les joueurs et joueuses, a décidé d’aligner en octobre les rémunérations des footballeuses professionnelles sur celles des footballeurs. Une légère baisse des salaires des hommes a permis de doubler pratiquement ceux des femmes. Autre moyen d’action, la revalorisation des emplois moins bien payés comblerait une partie des inégalités salariales. Les postes les moins rémunérés se trouvent dans les secteurs de la santé, de l’éducation, des services aux personnes et sont occupés majoritairement par des femmes. Mais une telle revalorisation mettrait sans doute à mal le business model de ces secteurs d’activité. Pour le collectif féministe Les Glorieuses, « une incitation à la mixité professionnelle est donc souhaitable car aucune raison ne justifie une perception différenciée sous prétexte que l’emploi est majoritairement occupé par une femme ». Pour remédier aux inégalités, Rebecca Amsellem, économiste et fondatrice des Glorieuses, prône, déjà, la transparence des salaires au sein des entreprises. Cela les inciterait à faire preuve de davantage d’équité. La société américaine d’étude de données SumAll fournit ainsi à ses salariés un document en ligne les informant des rétributions accordées dans l’entreprise et retraçant l’historique des salaires de chacun. Dans l’Hexagone, la société Thermador est adepte de la transparence. L’entreprise de distribution spécialisée dans la robinetterie, le matériel de plomberie et de chauffage, organise chaque année une réunion dans le but de rendre publics tous les chiffres de l’entreprise : salaires, primes, comptes d’exploitation (chiffre d’affaires, bénéfices, stocks, frais, etc.). Ainsi, toute rémunération non justifiée ou traitement de faveur est évité.

Parmi l’éventail des pistes proposées figure également l’instauration du congé parental unique. Si les salaires sont à peu près équivalents en début de carrière, ils commencent à diverger à la naissance d’un premier enfant. Un congé parental identique pour les hommes et les femmes éviterait donc, selon ses partisans, de « pénaliser » les mères qui cessent de travailler pour s’occuper de leur enfant. Le collectif défend également l’idée d’un certificat délivré par l’administration avec obligation pour les entreprises de fournir la preuve qu’elles respectent l’égalité des salaires. Une loi ad hoc mise en œuvre en Islande, garantit l’égalité de rémunération et demande aux entreprises de le faire certifier. En France, Emmanuel Macron, alors candidat En Marche à l’élection présidentielle, avait promis des mesures moins coercitives : des campagnes de testing auprès des entreprises pour évaluer si l’égalité salariale est respectée. Dans le cas contraire, le nom des entreprises (le fameux name and shame) serait affiché publiquement.

La France, à la traîne ?

Il existe cependant en France des entreprises vertueuses. Le groupe Randstad a signé un accord « Égalité professionnelle femmes/hommes 2015-2017 ». Troisième du genre signé avec les organisations syndicales, il définit la suppression des éventuels écarts de rémunération hommes-femmes supérieurs à 2,5 % comme axe prioritaire. L’enveloppe dédiée à la neutralisation d’éventuels écarts salariaux est de 0,1 % de la masse salariale.

Si l’égalité salariale sur la rémunération principale correspondant au salaire fixe de base (hors primes, bonus et autres éléments accessoires de rémunération) est globalement atteinte chez EDF depuis 2009, l’objectif de maintenir l’égalité de rémunération doit encore être poursuivi. L’écart moyen constaté en 2010 sur la rémunération principale en de faveur des femmes de 0,6 % (0,8 % en 2009) est lié à l’ancienneté : en moyenne, celle des hommes est supérieure de 2,6 ans. Les écarts sur les rémunérations complémentaires qui subsistent ont fait l’objet d’un groupe de travail paritaire. Il ressort que ces écarts ont pour principales origines la faible féminisation des métiers techniques générateurs d’heures supplémentaires et d’astreintes et les conditions d’organisation du travail (réponses des personnes aux interventions ou sollicitations fortuites ou programmées). Parmi les entreprises cotées en bourse, L’Oréal France fait figure d’exemple avec un écart de rémunération homme-femme chez les cadres qui « n’est plus que de 3 %, selon un rapport publié par l’organisation Equileap en avril dernier. Sodexo fait également figure de bon élève avec des écarts inférieurs à la moyenne : + 2 % à – 2 % pour les employés, – 3 % à – 7 % pour les agents de maîtrise et de – 6 % à – 4 % pour les cadres ». Ces exemples ne doivent pas faire oublier que l’égalité des salaires entre hommes et femmes ne sera pas atteinte avant 2187 selon le rapport du Forum économique mondial. Les femmes n’ont plus que 169 ans à patienter…

Des modes de calcul très différents

10,5 % d’écart NON EXPLIQUÉ

À métier équivalent, l’écart pour les temps complets est de 12,8 %. En enlevant les effets de structures à métier équivalent (âge, secteur d’activité, taille de l’entreprise, type de contrat de travail), on obtient cet écart non expliqué. (Observatoire des inégalités, 2012)

15,8 % d’écart TOUS SECTEURS CONFONDUS

L’écart se fonde sur une comparaison de la moyenne horaire brute entre les employées et les employés. Les secteurs étudiés sont l’industrie, la construction et les services à l’exception des administrations publiques. (Eurostat, 2017)

25,7 % d’écart TOUS TEMPS DE TRAVAIL CONFONDUS

Les salaires des femmes sont en moyenne inférieurs de 25,7 % à ceux des hommes, tous temps de travail confondus. Le calcul prend en considération les salariés du secteur privé et des entreprises publiques, hors dirigeants d’entreprise et métiers de l’agriculture, de l’administration publique, professions juridiques, armées et police. (Observatoire des inégalités, 2012)

Auteur

  • Irène Lopez