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Retraites : des chantiers à tous les étages

Dossier | publié le : 05.12.2017 | Marina Al Rubaee

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Retraites : des chantiers à tous les étages

Crédit photo Marina Al Rubaee

Avant la réforme systémique annoncée, l’actualité pour les retraites reste la fusion Agirc-Arrco à l’horizon 2019. Parallèlement, une négociation nationale « travail – emploi » entre partenaires sociaux doit redéfinir les missions de l’encadrement et moderniser la prévoyance décès des cadres.

Commencer par l’étage retraites complémentaires n’est pas dans l’ordre des choses. Jusqu’à présent, ce sont plutôt les réformes du régime de base qui avaient donné le rythme. Pour 2018, l’évolution des régimes complémentaires sera donc déterminante. Comme lors de chaque changement, créant des incertitudes sur le niveau réel des retraites et/ou sur l’issue des négociations travail, les services seront nécessairement sollicités.

Repositionnement du régime complémentaire

François-Xavier Selleret, directeur général de l’Agirc-Arrco, et Pierre Chaperon, directeur du cabinet de l’Agirc-Arrco résument ainsi le contenu de l’accord sur les retraites complémentaires du 30 octobre 2015, signé par les trois organisations patronales et par trois des cinq organisations de salariés (CFDT, CFTC, CFE-CGC) : « À partir de 2019, l’approche du régime unifié se fera par le niveau de rémunération. Le régime unifié ne gérera plus la dimension catégorielle. Resteront applicables des accords de branche prévoyant des taux de cotisation et/ou une répartition des cotisations employeurs/salariés spécifiques. L’accord est centré sur les sujets retraites. Aussi, le rôle et les missions de l’encadrement ne relèveront plus de l’Agirc mais feront l’objet d’une négociation « travail – emploi » entre partenaires sociaux (articulation entre secteur interprofessionnel et branche). Il en est de même pour la prévoyance et la modernisation prévue de la cotisation 1,5 % ».

Directement liées à la retraite, les questions des majorations familiales pour enfants et celle des pensions de réversion devront aussi être tranchées et les règles harmonisées. Mais le régime n’attend pas 2019 pour faire évoluer ses paramètres. Ainsi, les retraites complémentaires ne seront pas revalorisées avant novembre 2018. Le gel de la valeur du point de retraite résulte de mesures financières renforcées par la sous-indexation des pensions (1 point en dessous du niveau de l’inflation). Autre changement, la progression du prix d’achat des points est plus rapide que l’évolution du salaire moyen des cotisants salariés. En 2018, la progression est de 3,3 %. L’objectif est d’aboutir à un rendement brut effectif des cotisations de 6 %, contre 6,56 % avant l’accord de 2015.

Une calculette en vigueur à l’été 2018

À partir de 2019, d’autres mesures impacteront les actifs et futurs retraités. La valeur de référence retenue sera celle du point Arrco. « Sur la conversion, qui ne concernera que 20 % des droits des actifs, le système ira jusqu’à 8 à 9 chiffres après la virgule pour garantir une conversion absolue des droits Agirc », précisent François-Xavier Selleret et Pierre Chaperon. Dès l’été 2018, une calculette sera mise en ligne pour que les actifs puissent évaluer leur compte de points une fois faite la conversion de leurs points Agirc.

Les taux de cotisations seront de 6,20 % sur la tranche 1 et 17 % sur la tranche 2, avec une clé de répartition de 60/40 (employeur/salarié) et un taux d’appel de 127 % (au lieu de 125 %).

« Les effets de l’augmentation du taux d’appel seront atténués par la conversion du CICE en allégement général des charges patronales qui s’appliquera à compter de 2019. Les cotisations de retraite complémentaire sont désormais comprises dans le dispositif d’allégement », soulignent François-Xavier Selleret et Pierre Chaperon.

Inévitablement, la modification du taux d’appel impactera le salaire net des salariés. Les entreprises ne peuvent pas jouer sur les clés de répartition pour maintenir la rémunération nette car les Urssaf opèrent des redressements.

Un effet escompté sur l’âge de départ

L’application d’un mécanisme de coefficients de solidarité pour influencer les comportements des salariés sur la date de départ est une des mesures importantes de l’accord. Les salariés nés à partir de 1957 qui partiront à 62 ans en disposant de tous leurs trimestres de cotisations au régime de retraite de base se verront appliquer des coefficients de solidarité durant trois ans. Mais, souligne Pierre Chaperon, « en application du principe générationnel, les personnes qui ont leur taux plein avant 2019 ne sont pas concernées par le coefficient de solidarité même s’ils liquident leur retraite après le 1er janvier ». Ainsi les personnes qui pourraient bénéficier d’un départ anticipé en 2018 et qui diffèrent leur retraite ne devraient pas subir ces coefficients.

Pour 1 600 euros mensuels de retraite, une personne qui partirait dès l’obtention de son taux plein percevrait environ 50 euros de moins pendant 3 ans, selon l’Agirc-Arrco. Précision importante, il n’y aura pas de double peine. Le dispositif d’abattement avec des coefficients d’anticipation viagers, qui concerne les salariés qui ne remplissent pas les conditions pour bénéficier d’un taux plein dans le régime général et qui décident quand même de partir, continuera de s’appliquer mais ces abattements ne se cumuleront pas avec les coefficients de solidarité temporaires.

Dans le nouveau dispositif, les coefficients de solidarité seront annulés pour les salariés qui retardent la liquidation de leur retraite complémentaire d’un an au-delà de la date à laquelle ils ont rempli les conditions du taux plein. Des coefficients majorants s’appliqueront, pendant un an, aux salariés qui liquident leur retraite complémentaire au-delà de deux ans de la date à laquelle ils remplissaient les conditions.

Cette réforme pourrait donc avoir un effet ricochet non négligeable pour le régime de base. Avec la réforme des retraites complémentaires, l’âge « choisi » de départ pourrait de fait se trouver décalé à 63 ans. Sans même qu’une modification de l’âge légal de départ à la retraite n’intervienne.

Des négociations à venir

Deux autres chantiers importants doivent également être engagés. En l’absence d’accord, des mécanismes par défaut sont prévus dans l’accord du 30 octobre 2015. Peut-être les traces du souvenir amer des négociations sur la pénibilité qui n’avaient pu aboutir et qui avaient conduit le législateur à intervenir. Un des enjeux est la pérennité du statut de cadre et des catégories objectives. Avec aussi en ligne de mire, la prévoyance cadres : le sujet de la généralisation de la prévoyance annoncée dans l’ANI de 2013 pourrait-il revenir lors des négociations liées à l’avenir des régimes complémentaires ? Une logique surprenante mais qui a le mérite de montrer que la retraite reste corrélée à des sujets majeurs de négociation.

Aborder la question de la retraite implique en effet de traiter des conditions de travail, d’égalité professionnelle, de formation professionnelle, de couverture santé et de compléments de revenus.

Chiffres clés

Le déficit de l’Agirc-Arrco s’élève à 2,2 milliards d’euros, en diminution de 800 millions sur un an. Il est financé par les réserves. Non seulement le régime a zéro euro de dette, mais il dispose de 64 milliards de réserves, correspondant à 11 mois de prestations.

Un déploiement d’outils d’aide à la décision

« Nous devons faire de la pédagogie pour permettre aux assurés d’être acteurs de leur retraite et de faire des choix éclairés » indiquent François Xavier Selleret et Pierre Chaperon. Pour mesurer l’impact, un simulateur retraite (www.agirc-arrco.fr, Espace personnel) est d’ores et déjà mis en ligne : il intègre non seulement les éléments sur les coefficients minorants et majorants, mais permet aussi d’inclure les points supplémentaires qui seraient acquis en cas d’éventuelle poursuite d’activité et de mesurer les effets de la surcote avec la majoration lorsqu’une personne décale son départ. » Le but est que le salarié puisse opérer un arbitrage temps – argent en toute connaissance de cause. » Le simulateur est également disponible sur l’application mobile Smart Retraite créée pour faciliter la consultation des informations et services retraite pour les actifs comme pour les retraités (panorama de carrière, planning des démarches en fonction de l’âge, coordonnées et contacts, etc.). Sur Internet, le site http://lesexpertsretraite.agirc-arrco.fr/ a pour but de faciliter le contact direct des assurés avec des conseillers Agirc-Arrco. Il est possible également de prendre contact par Facebook ou twitter.

Auteur

  • Marina Al Rubaee