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Le Bon Coin cible le marché de l’emploi cadres

Décodages | Recrutement | publié le : 05.12.2017 | Lucie Tanneau

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Le Bon Coin cible le marché de l’emploi cadres

Crédit photo Lucie Tanneau

Avec le rachat de l’application Kudoz, dédiée au recrutement de jeunes cadres, le Bon Coin élargit ses ambitions sur le marché de l’emploi en France. Le site de petites annonces espère doubler ses concurrents pour devenir le leader du secteur d’ici trois ans.

Chaque mois 2,6 millions d’internautes consultent le Bon Coin dans l’espoir de trouver un emploi. Le site de petites annonces aurait même généré « 800 000 emplois privés l’an dernier », selon son directeur général Antoine Jouteau. Des chiffres qui font de la filiale française du groupe norvégien Schibsted le deuxième acteur du marché de l’emploi en France. « L’histoire du Bon Coin sur le marché de l’emploi est assez récente, mais nous faisons désormais partie des leaders », souligne Antoine Jouteau.

Le Tinder de l’emploi…

Fort de ce succès, le Bon Coin a acquis en septembre l’application Kudoz. Son principe ? Sur le modèle de Tinder, mettre en relation recruteurs et candidats, en majorité des jeunes diplômés, en quelques secondes : le temps de « matcher » grâce à une prise de contact en 140 signes, pour convenir d’une « date », en fait un entretien d’embauche.

En 2015, le Bon Coin avait déjà pris une participation (à hauteur de 1,2 million d’euros) dans cette start-up lancée en 2013 par deux anciens d’HEC, Olivier Xu et Pierre Hervé. Cette année, le site a porté sa part de capital à 100. Le montant de la transaction reste secret, mais l’objectif est clair : « Depuis dix-huit mois les offres de cadres progressent sur le Bon Coin et nous souhaitons nous positionner auprès des jeunes et des cadres : cette application mobile basée sur les principes de swiping (glissement de doigt sur l’écran pour approuver ou refuser, ndlr) et de matching (approbation réciproque de l’utilisateur, ndlr) est un moyen d’aller les chercher », résume le directeur général du Bon Coin.

« Soit on le faisait en interne, soit on le faisait grâce à une société qui était déjà installée, avec son réseau », ajoute Antoine Jouteau, qui a choisi la seconde voie « pour gagner du temps ». Car Kudoz, disponible sur Google Play et l’App store, possède déjà « un million de candidats » et « 3 000 recruteurs » le Bon Coin.

Un moyen de toucher rapidement les jeunes générations, nouvel eldorado des joboards, via un nouveau canal : le mobile. Un choix logique alors que 61 % des candidats se servent de leur téléphone portable pour chercher un emploi et 22 % postulent à une offre directement avec leur smartphone selon l’enquête réalisée par RegionsJob en juin dernier. « Avec Kudoz, on colle aux attentes des jeunes générations, qui sont en mobilité en permanence et ont besoin qu’on leur pousse des offres adaptées et personnalisées à n’importe quel moment », résume le Bon Coin. Une stratégie largement partagée sur le secteur. « Ce rachat est le reflet d’une tendance de fond, avec la montée en puissance des applications mobiles et l’intérêt croissant portée aux Millenials sur le marché de l’emploi », confirme Karl Rigal, responsable éditorial de Monster, dont la nouvelle application mobile disponible depuis septembre, permet aussi de « swiper ». « On est passé de 42 % de consultations sur mobile en 2016 à 50 % cette année », indique-t-il. « Cadremploi propose de swiper depuis 2013 », rappelle pour sa part Thibaut Gemignani, le directeur général de Figaro Classifieds (également propriétaire de Keljob). Tous ont déjà investi dans ces outils à destination des plus jeunes ou plus connectés. Chooseyour boss (Figaro Classifieds), Premium Jobs Ads (Monster), Affinity CV (Apec)… À les entendre, le Bon Coin, même avec Kudoz dans ses bagages, ne devrait donc pas révolutionner le secteur. « Cela fait deux ou trois ans que le Bon Coin veut être présent sur le marché de l’emploi. Mais c’est un sujet sérieux et les gens attendent un tiers de confiance pour assurer la mise en relation. On peut se demander si ce rachat n’est pas un aveu de faiblesse, un moyen de changer d’image, d’être plus crédible auprès des cadres », s’interroge même Thibaut Gemignani.

Draguer les jeunes cadres.

Car plus que les jeunes générations, ce sont surtout les cadres qui suscitent la convoitise des opérateurs. Avec 215 000 recrutements en 2017 selon la dernière étude de l’Association pour l’emploi des cadres (Apec), c’est l’un des créneaux les plus dynamiques du marché. Un marché d’avenir surtout puisque le nombre d’embauches devrait dépasser le cap des 225 000 en 2018 et des 236 000 en 2019. Alors que les offres « cadres » représentent aujourd’hui « 5 % » des 60 000 à 70 000 offres disponibles sur le Bon Coin, Antoine Jouteau veut désormais « coller au marché de l’emploi », et donc atteindre 15 % d’offres cadres. Et ce le plus rapidement possible. « Le volume de recrutement des cadres devrait augmenter de 5 % tous les ans entre 2017 et 2019 », encourage l’Apec.

« Aujourd’hui, le marché des cadres représente 3,5 millions de personnes, mais qui ne changent pas de postes tous les ans », recadre Bertrand Lamberti, le responsable stratégie de l’Apec. « Je suis pour que des acteurs comme Google (lire ci-dessous) ou le Bon Coin existent sur le marché, ça veut dire que l’écosystème avance. La force du Bon Coin aujourd’hui, c’est le volume ; nous mettons plutôt en avant la qualité, avec 50 000 offres dont 80 % en CDI et une compréhension des besoins des recruteurs », précise-t-il, en soulignant que les RH ne sont pas le cœur du métier du Bon Coin. La connaissance du métier serait l’une des faiblesses du géant des petites annonces sur le marché des cadres selon ses concurrents. Acquéreur de Viadeo l’an dernier face au Bon Coin au tribunal de commerce, Figaro Classifieds pointe l’insuffisance de notoriété du nouveau venu. « Kudoz a une notoriété plutôt auprès des recruteurs d’Île-de-France et une notoriété relative auprès des candidats », admet Antoine Jouteau, qui souhaite néanmoins conserver les deux marques « pour l’instant ». Monster note plutôt l’insuffisance de conseils proposés par le site. « La plupart des employeurs ont besoin de partenaires qui connaissent le secteur », fait valoir Karl Rigal. « La notoriété est importante, mais ce sont avant tout les produits et services qui font le pouvoir de satisfaction et de recommandation. Depuis 20 ans, nous restons concentrés sur notre métier, en proposant toujours plus d’accompagnement aux recruteurs grâce à nos sept agences régionales et vis-à-vis de nos candidats avec nos nouveaux outils. On ne fait pas que pousser des annonces », tacle-t-il.

Un marché de 150 000 euros.

« Tous les profils Kudoz ou LinkedIn ne permettent pas de candidater pour tous les types d’offres », rappelle Bertrand Lamberti de l’Apec. « Certains publics ont besoin d’un temps de maturité plus long pour ces usages, et tous les recruteurs ne cherchent pas à recruter via ses plateformes : pour nous le but n’est pas de diffuser un maximum d’offres, mais de les accompagner pour trouver les bonnes personnes », rappelle-t-il, sans se préoccuper outre mesure de la guerre au volume que promettent les plus généralistes. « Le Bon Coin touche tous les Français. Kudoz nous permet d’élargir notre public sur la partie emploi : avec une offre à 360° à proposer aux recruteurs pour les cadres supérieurs, intermédiaires, et les employés, qualifiés ou non », rétorque Antoine Jouteau.

Une position qui inquiète Jean-Charles Stayger, délégué central FNU-FSU de Pôle Emploi, leader public du marché avec 7,5 millions d’annonces en 2016. « Nous conseillons aux chômeurs d’être prudents. J’aimerais d’ailleurs que Pôle Emploi alerte l’Inspection du travail. Car trouver des offres d’emploi entre le vaisselier de la grand-mère et la voiture de papa dévalorise le travail et montre le peu de considération que l’on porte aux demandeurs d’emploi ». « Je comprends que ça ne fasse pas plaisir de voir de nouveaux entrants arriver sur le secteur », réagit Antoine Jouteau, qui reste concentré sur son objectif : « devenir le leader du marché dans les trois ans ». Un marché qui pèserait au total près de 150 millions d’euros.

Auteur

  • Lucie Tanneau