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Ces goodies qui font passer la pilule d’un déménagement

Décodages | Bien-être au travail | publié le : 05.12.2017 | Irène Lopez

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Ces goodies qui font passer la pilule d’un déménagement

Crédit photo Irène Lopez

Un déménagement d’entreprise, lorsqu’il s’effectue du centre-ville vers la périphérie, est souvent synonyme d’une augmentation du temps de transport entre domicile et travail. La grogne des salariés est parfois calmée par quelques menus avantages : salle de sport, conciergerie, crèche… Des services qui font rêver.

« Pas ça ! » se sont exclamés les salariés de SkyRock, il y a deux ans, lorsque leur président a parlé de déménager en banlieue parisienne. Les locaux de la radio sont situés au centre de la capitale, à cinquante mètres de la très commerçante rue Montorgueil. « Ici, nous avons l’embarras du choix en termes de restauration. Si j’ai une course à faire, je peux y aller pendant ma pause déjeuner. Surtout, le centre de Paris est extrêmement bien desservi. Métro, RER, bus… Aucun problème pour venir travailler », explique Christine Hyla, secrétaire de direction. D’où l’insatisfaction générale lorsque la direction a promis des bureaux flambant neufs en Seine-Saint-Denis. La proximité du Stade de France n’a pas déridé davantage les troupes. « Pour ceux qui se déplacent en voiture, le Stade signifie avant tout des problèmes de circulation les jours d’événement sportif », commente une collaboratrice. À l’origine, le projet reposait sur des économies de loyer, le prix du mètre carré atteignant des sommets à Paris. Le loyer des locaux de la radio ayant été négocié à la baisse, le déménagement n’a finalement pas eu lieu. Et les salariés ont poussé un grand soupir de soulagement.

Temps de trajet additionnel.

Pour calmer la grogne que suscite généralement une installation en périphérie, certaines entreprises accordent à leurs collaborateurs des compensations. Le temps de trajet additionnel pour se rendre à son travail est bien souvent le premier écueil cité par les collaborateurs. Il y a une dizaine d’années, Vedior Bis avait offert une prime « rideau » en donnant la possibilité à ses salariés d’emménager dans la commune de l’entreprise, financement bon marché à l’appui. Generali avait accepté que le temps de trajet supplémentaire soit rémunéré. Plus classique, dans 67 % des cas (selon une enquête réalisée par Foncière des Régions et Opinionway auprès d’entreprises de 250 à 10 000 salariés dans des secteurs d’activités différents), un parking est mis à disposition de ceux qui troquent les transports en commun pour la voiture.

En s’installant sur la commune de Saint-Ouen, L’Oréal savait que les problèmes de transports en commun seraient inévitables. La commune a beau être traversée par la ligne de métro numéro 13, ce n’est pas suffisant. La station de métro la plus proche est située à un kilomètre de l’entrée des bureaux. La fin du trajet doit donc s’effectuer à pied. Le groupe a alors mis en place des navettes qui, toutes les 15 minutes, font le trajet dans le sens métro-bureau dès 8 h 00 puis bureau-métro à partir de 17 h 30. « Un pis-aller » aux dires de certains salariés qui n’hésitent cependant pas à les emprunter les jours de pluie.

Le lot de consolation qui suscite le plus de satisfaction est la salle de fitness (pour 97 % des répondants). Pour la société Plantronics, être bien dans sa tête passe par le bien-être physique. Par conséquent, le sport est une activité à laquelle peuvent s’adonner ses salariés. Les nouveaux bureaux du constructeur de casques audio investis début 2017 dans la banlieue de Bruxelles, comprennent une salle de sport. « Ici, nos collaborateurs peuvent venir se défouler à n’importe quelle heure de la journée : en plein milieu de matinée s’ils le souhaitent. Du moment qu’ils remplissent leurs objectifs, ils sont libres d’organiser leur journée comme ils l’entendent. Cela fait partie de notre philosophie », déclare InaMarie Johnson, directrice des ressources humaines du groupe. La salle de douche attenante est digne d’un institut privé de thalassothérapie : mosaïques, large vasque, douche à l’italienne et pile de serviettes blanches.

Lutte contre le stress.

Si l’activité physique est encouragée par les entreprises, c’est parce qu’elle aide à lutter contre le stress, une des préoccupations majeures actuelles. Selon l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail, il serait à l’origine de 50 à 60 % de l’ensemble des journées de travail perdues.

Autre point fort, la salle de musculation gomme les niveaux hiérarchiques et met à égalité l’employé et son N+1 devant la fonte à soulever. Ce sont surtout les grands groupes (Coca-Cola, Areva, SFR, Canal +…) qui ont les moyens de s’offrir ce genre de prestations intégrées à l’entreprise. Les autres peuvent mutualiser l’accès à une salle de gym. Le plan Darcos contre le stress au travail d’octobre 2009 et le rapport Lachmann-Pénicaud-Larose de février 2010 sur la prévention du stress « Bien-être et efficacité au travail » ont encouragé les entreprises à développer ce genre de services. En France, le coût social du stress (dépenses de soins, celles liées à l’absentéisme, aux cessations d’activité et aux décès prématurés) a été estimé en 2007 entre 2 et 3 milliards d’euros (étude INRS et Arts et Métiers ParisTech).

Parmi les bonus, les conciergeries arrivent en seconde position. 94 % des salariés les plébiscitent, selon Opinionway. Concrètement, un prestataire extérieur propose à des entreprises de réaliser un certain nombre de services et de tâches pour le compte de leurs salariés. « Directement inspirés du secteur de l’hôtellerie de luxe, les services rendus par une conciergerie d’entreprise touchent aux actes de la vie quotidienne et à la logistique, selon JLL spécialiste en immobilier d’entreprise. Ces services peuvent être de multiples natures : apporter des vêtements au pressing, réceptionner une livraison, réserver un service (restaurant, coiffeur, massage, etc.), prendre un rendez-vous, rechercher des solutions de garde, appeler un coursier… » Dans l’ouvrage Avantages sociaux et rémunération globale : pour une meilleure marque employeur, Sophie Cavaliero et Clotilde François rappellent que le concept vient tout droit des États-Unis : « La conciergerie a été conçue à l’origine en France essentiellement à destination des grandes entreprises. Aujourd’hui, on peut observer une deuxième phase de développement plutôt orientée vers les PME. Cette gamme peut s’étendre à des services liés au bien-être, liés au véhicule (lavage ou réparation), jusqu’à des prestations à domicile ». L’objectif est de faciliter l’articulation entre la vie professionnelle et la vie personnelle. 62 % des salariés règlent leurs contraintes personnelles au travail, selon le baromètre Edenred-Ipsos sur le bien-être et la motivation des salariés européens. Là aussi, le bénéfice est autant pour l’employé (une partie des démarches qu’il a à faire sont prises en charge) que pour l’employeur (exempté de ces tâches personnelles, le salarié sera plus concentré sur son travail).

La crèche arrive également dans le trio de tête des services qui procurent de la satisfaction. Connue et expérimentée dans de grands groupes, elle évite les soucis inhérents à la garde des enfants. La direction se prémunit de retards à l’embauche voire d’absences de la part de ses collaborateurs. Libérés de certains soucis liés à la garde de leurs enfants, les salariés s’impliquent davantage dans leur travail. Le ministère du Travail a créé en février 2010 le Club Crèches et Entreprises, qui a pour but d’inciter les entreprises à mettre en place des structures d’accueil pour les jeunes enfants. Les entreprises adhérentes s’engagent à parrainer chacune une ou plusieurs nouvelles entreprises qui n’auraient pas encore créé ou financé de places de crèche.

Une mini-ville.

Certains groupes ont poussé l’expérience encore plus loin en créant une mini-ville dans la ville. C’est le cas de SFR. En installant son campus dans la ZAC Landy-Pleyel à Saint-Denis, le déménagement avait fait grand bruit. Le nouveau lieu était présenté comme un lieu d’excellence pour favoriser le « mieux travailler ensemble » et une « réalisation de tous les records » par le service communication de l’opérateur. Outre une conciergerie et des salles de sport gérées par Le Club Med, les salariés disposent de quatre restaurants d’entreprise, d’une brasserie, d’une cafétéria, d’un service de restauration rapide, ainsi qu’une enseigne Paul. L’aménagement des espaces de travail a été imaginé avec l’aide du cabinet Archimage, qui a privilégié le confort visuel, acoustique et ergonomique des utilisateurs, favorisé les échanges informels. Des ateliers participatifs mobilisant plus de 200 collaborateurs ont contribué à enrichir cette réflexion et à répondre aux attentes de chacun. Cette démarche a permis de dessiner et de faire développer une série de mobilier spécialement pour le campus SFR. Au programme : grandes tables de 4 et 6 postes de travail, bureaux individuels, tables de réunion ou bureaux de passage, micro-architectures permettant de travailler seul, à 2 ou à 4 et de disposer d’un espace de confidentialité ont également été conçus et développés sur demande. Enfin, de nombreux mobiliers colorés (canapés, fauteuils alcôve, fauteuils solo, etc.) complètent le dispositif.

Des « espaces verts ».

Les zones à la périphérie des centres-villes sont souvent des regroupements d’entreprises où les bâtiments rivalisent de parois en béton et de baies vitrées froides. Qu’à cela ne tienne, les architectes ont également prévu de grandes terrasses. Comme à Rueil-Malmaison où le siège de PSA a élu domicile en septembre dernier. Les salariés ont quitté la très bruyante avenue de la Grande armée dans le 17e arrondissement de Paris et gagné des « espaces verts ». L’architecte Jean-Michel Wilmotte a aménagé de gigantesques balcons équipés de wifi et de larges assises. Les collaborateurs viennent y travailler lorsque les températures le permettent. L’agence de publicité BETC, en déménageant dans les anciens Magasins Généraux à Pantin, s’est même dotée d’un spectaculaire roof-top avec vue sur le Canal de l’Ourcq ! Plus anecdotique, Orangina Suntory, installée dans les Hauts-de-Seine depuis 2015, a offert à ses collaborateurs une salle de détente. Ils peuvent aussi bien y recevoir des clients que jouer au piano et à la Wii, s’entraîner au babyfoot voire méditer sur des balançoires.

Fondateur de l’agence de design architectural Saguez & Partners, Olivier Saguez a installé en 2016 une grande cheminée à proximité de l’entrée de La Manufacture, le site qui abrite l’entreprise à Saint-Ouen. « Tous les lundis matins d’hiver, nous allumons un feu et organisons notre réunion hebdomadaire. C’est une manière douillette de commencer la semaine après le week-end. Je tiens énormément au bien-être de mes collaborateurs. Je veux qu’ils soient détendus et heureux de se rendre à l’agence », souligne Olivier Saguez. Mais ces bonnes pratiques destinées à faire passer la pilule souvent amère d’un déménagement ne doivent pas cacher une réalité : bon nombre d’entreprises qui déménagent en périphérie n’offrent bien souvent qu’un mug à leurs couleurs en guise de cadeau de bienvenue.

Auteur

  • Irène Lopez