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Idées

« Un modèle pour des pratiques RH plus respectueuses »

Idées | Management | publié le : 02.10.2017 | Violette Queuniet

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« Un modèle pour des pratiques RH plus respectueuses »

Crédit photo Violette Queuniet

Le concept de sécuflexibilité a émergé au cours de l’étude que vous avez menée avec vos collègues auprès des SCOP. Quel était le thème de recherche initial ?

Cette recherche, qui prolongeait une première étude menée par deux collègues économistes en 2011 sur les relations sociales dans les SCOP, portait sur les pratiques de gestion des ressources humaines dans ces sociétés coopératives. Nous nous sommes intéressés à trois aspects : les pratiques de recrutement, la gestion des rémunérations et la gestion de l’emploi. Sur les trois sujets, il est apparu que les SCOP avaient des pratiques spécifiques. Le concept de « sécuflexibilité » est apparu quand nous avons constaté la tendance des SCOP à avoir très peu recours à l’adaptation par les effectifs.

Vous décrivez des entreprises pour lesquelles le projet socio-politique est primordial. C’est essentiel pour la sécuflexibilité ?

Oui. Les SCOP partagent une attention pour l’humain et des valeurs très fortes de solidarité. Et ce n’est pas qu’une solidarité de façade, car elle est affirmée par une politique de rémunération relativement équitable. L’écart de salaire le plus élevé qu’on ait constaté va de 1 à 5. On constate aussi souvent une volonté de demeurer à taille humaine, pour ne pas dériver vers des pratiques managériales classiques. Il y a une sorte d’autolimitation à l’embauche pour ne pas avoir à licencier. Une entreprise a même refusé des perspectives de croissance internationale car elle se revendique comme une entreprise de territoire.

L’autre élément déterminant, c’est l’obligation d’alimenter en priorité la réserve en cas de bénéfices. C’est à cette condition que la sécuflexibilité peut tenir le coup : la SCOP est résistante car elle a des fonds propres solides. Par ailleurs, la cession des parts sociales ne permet aucune plus-value. On ne s’enrichit pas en étant sociétaire d’une SCOP ! C’est là le frein principal à leur développement : il y en a à peine 3 000, comptant 53 850 salariés, soit environ 0,06 % de l’emploi en France.

Malgré tout, leur pratique de la sécuflexibilité peut-elle inspirer les entreprises classiques ?

En effet, les SCOP peuvent inspirer des entreprises souhaitant développer des pratiques plus respectueuses de l’individu dans leur management.

Ce qui me paraît transposable, notamment, c’est la possibilité de discuter avec beaucoup de transparence et régulièrement sur la situation économique de l’entreprise, de manière à anticiper la dégradation de celle-ci, à prendre les mesures à temps. Dans les SCOP, cela se fait grâce aux institutions (conseil d’administration tous les deux mois, AG une fois par an). C’est un modèle très réactif. Dans une entreprise classique, cela suppose de faire vivre les institutions représentatives du personnel ou, quand elles n’existent pas, de trouver d’autres moyens pour discuter avec le personnel. Cela se fait d’ailleurs très bien dans beaucoup de petites entreprises.

Autre élément important découvert lors de l’étude : les salariés des SCOP ont une compréhension assez fine des mécanismes de gestion. Ils parlent d’excédent brut d’exploitation, de valeur ajoutée, de la répartition de l’excédent de façon naturelle parce que c’est leur quotidien. Les entreprises classiques pourraient prévoir à l’intention de leurs salariés des formations dans le domaine économique et de la gestion.

Les réformes successives du Code du travail disent vouloir concilier flexibilité et sécurité (loi El Khomri, prochaine loi travail). Qu’en pensez-vous ?

Plusieurs mesures de la loi El Khomri – augmentation de la durée du travail ou de la baisse de majoration des heures supplémentaires par accord d’entreprise, élargissement des conditions pour procéder à des licenciements – vont dans le sens d’une flexibilité pour l’entreprise, mais ne permettent pas aux salariés d’obtenir des garanties de sécurité de leur emploi en face de tous ces sacrifices potentiels. On n’est pas dans la sécuflexibilité, au mieux dans la flexicurité, et encore…

Quant à la future loi travail, elle renforce les dispositions de la loi El Khomri avec une nouveauté : l’apparition du CDI de projet qui est de la flexibilité pure.

Au final, le problème est qu’on ne change rien dans la gouvernance des entreprises. Tout repose sur cette opposition fondatrice entre salariés et employeurs. Alors qu’au-delà de l’opposition, il pourrait y avoir des possibilités de collaboration et de coopération. Là encore, on pourrait s’inspirer des statuts des SCOP.

Auteur

  • Violette Queuniet