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Québec Le dialogue social passe par les syndicats

À la une | publié le : 02.10.2017 | Ludovic Hirtzmann

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Québec Le dialogue social passe par les syndicats

Crédit photo Ludovic Hirtzmann

Dans la Belle Province, le dialogue social a lieu dans les entreprises et passe par les syndicats. Mais l’État peut intervenir dans des cas exceptionnels.

« Généralement, le lieu privilégié des relations de travail se situe au niveau des établissements », confie Marc-Antonin Hennebert, professeur du département de GRH à HEC Montréal. Ce spécialiste des conflits au travail ajoute que c’est au niveau des entreprises que « les syndicats peuvent obtenir une accréditation du ministère du Travail, que se négocient la plupart des conventions collectives et que la vie syndicale prend racine ».

Pour bien comprendre le cadre entrepreneurial québécois, il faut préciser que seules 2 % des sociétés ont plus de 100 salariés et 70 % en ont moins de 10. Avec près de 40 % de syndiqués, le Québec atteint des taux record de syndicalisation, essentiellement dans les plus grands établissements (à 82 % dans le public et à 25 % dans le privé en 2014). Après un vote, si 50 % plus un des employés votent pour la syndicalisation, tous les salariés doivent payer leur cotisation syndicale, prélevée à la source sur la feuille de paie. Et le syndicat accrédité est reconnu comme le représentant unique des salariés pour négocier une convention collective avec l’employeur. Les dix syndicats québécois, dominés par deux centrales, sont donc riches et disposent d’un important pouvoir de négociation.

Les conflits peuvent durer.

« Il est difficile de qualifier l’état général du dialogue social au Québec, dans la mesure où nous disposons de plus de 9 000 conventions collectives [principalement d’établissements] négociées dans des conditions hétérogènes », souligne Marc-Antonin Hennebert. Mais tous les experts s’accordent pour dire que les Québécois privilégient la concertation. Le déroulement d’un renouvellement d’une convention collective est peu réglementé. Les différends sont souvent réglés en amont, ou avec un médiateur. Représentant national du syndicat Unifor, Luc Deschênes estime que « le dialogue entre patrons et employés s’est nettement amélioré au cours des dernières années. Moins de 2 % des renouvellements de contrat de travail finissent en conflit. »

Pour autant, les conflits existent et peuvent durer longtemps. Chez Delastek, une PME de recherche et développement, la grève perdure depuis deux ans et demi. « La R&D étant exclue du certificat d’accréditation du syndicat, l’employeur en profite pour se soustraire à la loi et le conflit s’éternise en raison de l’utilisation de briseurs de grève », explique Luc Deschênes. Cet été, le Syndicat des métallos – qui représente 60 000 membres – a lancé une « guerre » contre la multinationale Glencore : 371 employés de sa filiale CEZinc, située près de Montréal, sont en grève depuis février 2017 afin de lutter contre une détérioration de leur régime de retraite. Glencore a rompu les négociations début juin. Le syndicat a donc lancé « Adoptez un(e) gréviste », une campagne de financement pour renforcer son fonds de grève. Mais les grévistes sont toujours sous la menace de lois spéciales votées pour imposer un retour au travail. Le 22 mai dernier, les 175 000 travailleurs syndiqués de la construction se sont mis en grève. Quelques semaines plus tard, le gouvernement imposait un arrêt du conflit grâce à une loi spéciale. Le ministère du Travail relève que le nombre de conflits diminue. De 350 en 1981, il est passé à 69 en 2010.

Dans l’entreprise, les institutions de représentation du personnel sont extrêmement limitées. Pas de comité d’entreprise, pas de CHSCT. S’il n’y a pas de syndicat, l’employeur n’a pas d’obligation en matière d’avantages sociaux. Quant aux représentants syndicaux, « ils ne cherchent pas à s’impliquer outre mesure dans la gestion des établissements et des entreprises, et se concentrent plutôt sur la défense des intérêts de leurs membres », souligne Marc-Antonin Hennebert. Le plus souvent, la négociation porte donc sur les augmentations de salaire et non sur les conditions de travail, la sécurité ou les avantages sociaux.

Éclairage

Le fonctionnement du dialogue social en Amérique du Nord est très différent de ce que nous connaissons en Europe. Le syndicat est le seul interlocuteur de la direction. Pour s’implanter dans une entreprise, il doit engranger un nombre d’adhérents représentant plus de 50 % de l’effectif. Après vérification de sa représentativité par référendum, il s’implante et tous les salariés sont obligés de cotiser.

Lorsqu’il est présent, l’employeur est légalement contraint de conclure un accord après une négociation. Malgré des pratiques antisyndicales de nombreuses directions, les conditions de travail sont meilleures dans les entreprises où les syndicats sont présents.

Catherine Vincent, chercheure à l’Ires.

Auteur

  • Ludovic Hirtzmann