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Et les jeunes, dans tout ça ?

Dossier | publié le : 04.09.2017 | Lou-Eve Popper

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Et les jeunes, dans tout ça ?

Crédit photo Lou-Eve Popper

Les diplômés de la génération Y ont tendance à être plus volatils que leurs aînés. Face à cette nouvelle donne, les entreprises doivent réinventer une gestion des talents.

Vingt mois. C’est le temps moyen passé par les jeunes diplômés des grandes écoles à leur premier poste, selon une étude de l’Edhec qui doit paraître à l’automne. Comment expliquer un tel phénomène ? C’est que derrière ces chiffres se cache une nouvelle conception de la réussite. Pour ces diplômés de haut vol, une étude réalisée par l’association SoManyWays souligne qu’être reconnu ne passe plus par l’obtention d’un emploi stable et bien rémunéré. Au contraire, « le Graal consisterait plutôt à vivre une succession d’expériences enrichissantes ». Coup de chance pour cette catégorie de privilégiés, le marché s’est fluidifié, autant en France qu’à l’étranger. Il est donc tout à fait aisé pour cette minorité de jeunes de quitter son employeur sur un coup de tête, surtout dans des secteurs hyperconcurrentiels comme le digital. Stéphanie Chasserio, enseignante-chercheuse de management, droit et organisation, y voit là un effet d’apprentissage : « Les jeunes ont le souvenir de leurs propres parents se tuant au travail avant d’être brutalement licenciés. » La violence du monde du travail a donc fini par se retourner contre les entreprises. Désormais, les jeunes agissent comme des mercenaires, souligne Nesim Fintz, chargé de mission diversité et ouverture sociale à la Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs.

Les entreprises sont-elles capables de retisser des liens de confiance pour fidéliser les jeunes talents et se constituer un vivier fiable de futurs cadres et managers ? La chose n’est pas aisée. Première étape : l’intégration. Car les jeunes diplômés ont soif d’autonomie mais souhaitent également être accompagnés et encadrés, notamment par leur manager de proximité. Certaines entreprises l’ont bien compris et ont même créé la fonction de « manager d’intégration », souligne Manuelle Malot, directrice carrière et prospective à l’Edhec. D’autres ont mis en place des systèmes de tutorat par les pairs, le buddying. Pour s’assurer que les jeunes se sentent bien dans l’entreprise, l’autre stratégie des DRH consiste à sonder régulièrement leurs nouvelles recrues. Ce à quoi s’emploie NeoXam, une PME de 500 salariés, éditeur de solutions logicielles dans le secteur financier. « Nous prenons le temps de discuter avec eux pour savoir s’ils se sentent bien intégrés, notamment à la fin de leur période d’essai », assure Isabelle Bonnaud, DRH du groupe.

Continuer à apprendre

L’autre défi pour les entreprises est aussi de s’assurer que les jeunes talents ne s’ennuient pas à leur poste. Aussi, dans certains groupes, les juniors ont un « interlocuteur carrière » dédié au sein des RH. Ces derniers ont tout intérêt à leur proposer des formations s’ils veulent fidéliser l’élite de la génération Y. Car le premier objectif professionnel de ces jeunes est bien de continuer à apprendre, explique Manuelle Malot. Et il faut dépoussiérer tout ça. Finies les formations sur les campus comme il y a dix ans. Désormais, l’objectif est de permettre aux jeunes recrues d’apprendre par petites touches, sans même s’en rendre compte, à travers notamment le pilotage de projets transverses. « Ça permet aux entreprises de ne pas dépenser un centime. Et c’est très efficace pour les fidéliser », glisse Manuelle Malot. L’autre option est encore de faire évoluer les frontières de leur poste, en accordant par exemple une mission supplémentaire, un changement d’équipe ou encore un aménagement du temps de travail. Enfin, les entreprises peuvent proposer à leurs diplômés de haut vol des mobilités internes. Chez NeoXam, la DRH n’hésite pas à proposer à ses nouveaux talents des postes s’ouvrant à l’étranger. Mais ne peut rien promettre à l’embauche. « Nous ne pouvons pas leur présenter des plans de carrière comme le font les grands groupes. En tant que PME, nous dépendons trop des aléas du marché », souligne Manuel Michel, directeur administratif et financier du groupe.

Il est vrai que les grands groupes internationaux rencontrent moins de difficultés pour fidéliser leurs futurs cadres dirigeants. Pour attirer ces derniers, certains comme L’Oréal ou Capgemini ont mis en place des Graduate Programmes. Très sélectifs, réservés aux jeunes talents des meilleures écoles de commerce et d’ingénieurs, ces parcours d’excellence d’une durée de deux à cinq ans, leur offrent un suivi de carrière personnalisé, des missions variées, un salaire attractif et des postes à l’étranger. De quoi faire rêver n’importe quel futur haut potentiel. Un étudiant d’Audencia Business School, accepté dans le Graduate Programme de Bombardier, a ainsi débuté sa carrière comme chef de projet à Johannesburg, en Afrique du Sud, est ensuite parti à Rome au service financier avant de s’envoler pour la Thaïlande, où il a travaillé au service vente et marketing. D’après Manuelle Malot, ces Graduate Programmes répondent bien à l’exigence d’acquisition permanente de compétences des lauréats. Agnès Marchand, responsable Carrières chez Audencia Business School, confirme : « Nos étudiants sont challengés, ils doivent développer leur curiosité et ils se sentent impliqués dans l’entreprise. Ça leur donne envie de rester. » Chez Orange, ces graines de dirigeant sont particulièrement chouchoutées. Le groupe travaille depuis octobre 2016 avec l’association SoManyWays, qui réalise avec les jeunes du Graduate Programme des bilans de compétences au cours d’ateliers collectifs et créatifs.

Départ temporaire

Surtout, ces Graduate Programmes sont des accélérateurs de carrière. Or, ce qui semble caractériser les jeunes d’aujourd’hui est bien leur souhait d’avoir rapidement des responsabilités. Sans en avoir toujours les capacités. Philippe Spach, responsable de l’axe RH et de la majeure management et RH à l’EMLV (École de management Léonard-de-Vinci), soupire : « Les jeunes qui entrent aujourd’hui sur le marché du travail font preuve d’une certaine immaturité. » Frustrés, les juniors sont donc souvent attirés par des organisations plus agiles en termes de management et d’évolution de carrière. Aussi, la concurrence est rude face aux start-up et aux « entreprises libérées » comme Harley-Davidson, où prime l’auto-gouvernance des salariés. Sans aller jusque-là, certaines entreprises font un effort de transparence s’agissant de leurs orientations stratégiques. Chez elles, les jeunes talents peuvent ainsi avoir un interlocuteur privilégié, sorte de mentor, au sein de la direction opérationnelle. L’objectif pour eux n’est pas tant de se rapprocher des sphères de pouvoir que de s’assurer que la finalité de l’entreprise corresponde bien à leurs valeurs.

Pour éviter un départ définitif, certaines entreprises acceptent de laisser leurs talents juniors les quitter momentanément pour prendre un congé sabbatique ou un temps partiel qui leur permette de collaborer avec des start-up ou des associations. Une pratique largement répandue dans le milieu des cabinets de conseil, d’après Michel Noiry, CEO d’Origa Consulting & Advisory. « Certains nous quittent pour aller travailler six mois dans une ONG. Puis ils reprennent le travail comme si de rien n’était », assure-t-il. De grosses entreprises comme PSA ont compris que les jeunes réfléchissaient désormais en termes de projet et acceptent même de les laisser partir au bout de cinq années de collaboration, assure Philippe Spach. L’idée étant de toujours laisser la porte ouverte et de ne jamais se quitter fâchés. Car il ne faut pas oublier que les jeunes talents ont encore un long parcours devant eux…

Auteur

  • Lou-Eve Popper