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Faut-il réformer le Code du travail par ordonnances ?

Idées | Débat | publié le : 05.06.2017 |

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Faut-il réformer le Code du travail par ordonnances ?

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Le candidat à l’élection présidentielle l’avait promis durant sa campagne : le droit du travail sera réformé par voie d’ordonnances. Pour aller vite, le nouveau chef de l’État a donc décidé d’enjamber le Parlement.La forme et le fond posent question aux partenaires sociaux.

Fabrice Angéi Secrétaire confédéral de la CGT.

Nul ne conteste la légitimité de l’élection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République. Pour autant, les enquêtes sorties des urnes, les suffrages exprimés ou non indiquent qu’il n’y a pas d’adhésion à son programme économique et social. Il n’y a, de ce fait, aucune assise pour approfondir les réformes du quinquennat Hollande et aller plus loin dans la mise en concurrence des salariés et leur précarisation, notamment à coups d’ordonnances relatives à la décentralisation du dialogue social, aux indemnités prud’homales pour licenciement abusif, au référendum à l’initiative de l’employeur ou encore la fusion des instances représentatives du personnel. Même si la Constitution le permet, s’arroger le pouvoir d’édicter la loi est un acte grave, d’autant plus lorsque l’Assemblée nationale vient d’être renouvelée. Il appartient aux parlementaires élus démocratiquement de légiférer, c’est-à-dire de produire les normes sociales de notre pays qui sont le socle du contrat social. Cet équilibre des pouvoirs est garant de la démocratie. Pourquoi dès lors un tel empressement ? Aucune étude n’a démontré qu’on puisse établir un lien entre le niveau d’emplois et les garanties et protections des salariés qui sont le fondement même du Code du travail. Gardons à l’esprit que le taux de marge des entreprises a dépassé son niveau d’avant-crise ; que les dividendes versés en 2016 aux actionnaires ont atteint le record de 56 milliards d’euros. Ce n’est ni l’urgence, ni l’efficacité qui prédominent dans le choix de réformer par ordonnances mais bien la volonté de passer en force, comme le 49.3 l’a été, pour imposer, dans la torpeur estivale, une loi travail qui n’a pas de majorité sociale, citoyenne et politique dans le pays. Avec d’autres, nous pensons qu’une réforme du droit du travail doit renouer avec le progrès social. La CGT a des propositions – réduction du temps de travail, élargissement des droits d’intervention des salariés et de leurs représentants, renforcement de la norme comme socle commun de garanties… – constitutives d’un Code du travail répondant aux enjeux de notre temps. Sans attendre, discutons-en !

Emmanuel Dockès Professeur de droit à l’université Paris Nanterre.

Les intentions sont claires. Elles ont été répétées pendant la campagne et reprises par le nouveau président. Pour « libérer le travail », nos gouvernants veulent faire vite, par ordonnances estivales. L’idée est de réduire le débat parlementaire à une habilitation et à une ratification, de faire l’essentiel dans le secret des couloirs ministériels et d’éviter ainsi le blocage de mesures que l’on sait impopulaires. Légiférer ainsi sans prendre le temps de la réflexion, sans faire tourner sa plume dans sa main, sans précautions, c’est risquer de faire mal avec de nouveaux textes maladroits et contradictoires. La prétention à simplifier devrait donc rester, au moins dans un premier temps, ce qu’elle est depuis plus de dix ans : une publicité mensongère. La simplification est pourtant possible. La proposition de Code du travail du GR-PACT (Dalloz, mars 2017) divise par quatre le volume de la partie législative du Code du travail. Il s’agit d’une proposition de réforme en profondeur, pas d’une urgence estivale. Si l’on s’apprête à bâcler la tâche, c’est que l’on craint les réactions des travailleurs. Et si l’on craint ces réactions, c’est que ce qui nous est promis est grave. Il s’agirait d’accroître (encore) le champ de la négociation collective d’entreprise, alors que celle-ci va déjà si loin que même le Conseil constitutionnel en a condamné certains excès. Il s’agirait de supprimer les cotisations et impôts sur les heures supplémentaires, pour inciter à la concentration du travail sur les uns au risque d’accroître le chômage des autres. Il s’agirait de plafonner les indemnités pour licenciement injustifié et d’instituer ainsi une « sanction » rassurante, prévisible. Cette « sécurisation » de celui qui licencie sans justification revient, dans les faits, à autoriser le licenciement par caprice ou d’un signe de tête. Au final, on nous propose de complexifier au nom de la simplification, de concentrer le temps de travail sur les mêmes au nom de la lutte contre le chômage et de permettre l’exercice d’un pouvoir arbitraire pour « libérer » le travail. Certes, l’avenir est incertain. Mais le sourire du présentateur météorologique ne nous masque pas les nuages qui s’amoncellent.

François Asselin Président de la CPME.

La situation de l’emploi en France nécessite que des mesures urgentes soient prises, afin de prioritairement déverrouiller le Code du travail. Les dirigeants de TPE/PME embauchent peu aujourd’hui en raison des risques sociaux et financiers qui les menacent. Les lois et réglementations sont surabondantes et trop souvent illisibles, sources d’insécurité juridique pour les chefs d’entreprise. Elles ont étouffé l’emploi et mettent l’employeur en état permanent d’insécurité. Une méthode claire doit être définie. Le caractère d’urgence permet des réformes ciblées du Code du Travail par ordonnance, mais ceci doit se faire en concertation avec les partenaires sociaux aux niveaux national et interprofessionnel.

Dans ce cadre, la CPME préconise de favoriser le dialogue social dans l’entreprise par accord d’entreprise. Il est nécessaire d’affirmer le rôle de la branche professionnelle, garante des conditions de concurrence sectorielle, notamment pour les TPE, tout en identifiant les sujets relevant de l’ordre public, du champ de la négociation collective et enfin de dispositions supplétives. Il est souhaitable d’ouvrir, en l’absence de syndicat dans l’entreprise, la possibilité de conclure des accords avec les IRP (instances représentatives du personnel). En l’absence de syndicat ou d’IRP, ce dialogue social doit être direct, permettre d’adopter des accords approuvés par référendum et soumis au contrôle de légalité de la Direccte. Il est important de réduire les contraintes qui pèsent sur le franchissement des seuils, tout en relevant ces derniers. La CPME souhaite la fusion des trois IRP (DP, CE, CHSCT) en une seule. Il faut également sécuriser la rupture du contrat de travail en plafonnant les indemnités de dommages et intérêts prud’homaux.

La réussite d’une réforme par ordonnance passe par une communication simple et compréhensible de tous, employeurs et salariés. Enfin, au-delà de ces objectifs ciblés, il conviendrait d’engager la refondation du Code du travail et d’envisager une réforme de plus long cours, en passant par une grande loi cadre sur les TPE/PME. C’est ce que la CPME appelle de ses vœux.

Ce qu’il faut retenir

L’article 38 de la Constitution prévoit que « le gouvernement peut, pour l’exécution de son programme, demander au Parlement l’autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont du domaine de la loi ».

Obligation de concertation La loi Larcher du 21 janvier 2007 oblige le gouvernement à ouvrir une concertation avec les organisations syndicales et patronales sur tout projet gouvernemental dans le domaine des relations du travail. En cas d’urgence avérée, le gouvernement peut passer outre cette concertation.

Le gouvernement doit solliciter le Parlement afin que celui-ci vote une loi d’habilitation qui indique les domaines sur lesquels portent les ordonnances.

Le Parlement peut approuver ou rejeter les ordonnances. Les élections législatives de juin constituent donc un enjeu crucial pour le gouvernement.

En chiffres

54 %

des Français ne souhaitent pas un plafonnement des indemnités de licenciement aux prud’hommes.

62 %

des Français sont favorables à la primauté des accords d’entreprise sur les accords de branche.

354

ordonnances ont été publiées entre 2004 et 2013.

Sources : Sénat et Odoxa