Ils sont trois sur scène… trois acteurs formidables à porter le texte de Georges Perec, qui date de la fn des années 1960 et résonne soudain comme s’il avait été écrit hier. L’histoire est simple. C’est celle d’un employé qui souhaite demander une augmentation à son chef de service. À partir de là, une multitude de possibles se forme dans le cerveau de cet humble travailleur, qui n’en finit pas d’élaborer une stratégie pour convaincre son N+1. Rapports hiérarchiques, liens entre collègues, sens d’une vie sacrifée sur l’autel du travail : tout l’absurde du texte de Perec est là, incarné sous nos yeux, de façon extrêmement ludique, par Sandrine Moaligou, Nicolas Dangoise et Pierre Ollier, qui jouent tour à tour les bons et les méchants : l’employé modèle, la collègue de mauvaise humeur ou le chef de service aussi compatissant que récalcitrant. Féroce satire du monde de l’entreprise, le texte de Perec a été admirablement mis en scène par Michel Abécassis, qui réussit l’exploit de transformer un monologue en polyphonie délirante sur le monde du travail. « Je n’aurais jamais cru que ce texte résonne autant avec l’actualité », confe le metteur en scène, étonné que de nombreux spectateurs aient pu y voir une critique de l’ultralibéralisme moderne. « Le travail a-t-il toujours été une folie ? », se demande-t-on en quittant la Comédie de Paris, mi-heureux mi-glacé d’effroi par cette époustoufante augmentation.

L’Augmentation, de Georges Perec. Les mardis jusqu’au 20 juin à la Comédie de Paris, 42 rue Pierre-Fontaine, Paris 9^e. Tél. : 01 42 81 00 11. Puis de septembre à décembre.