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Le big data pour réduire les risques

Dossier | publié le : 05.06.2017 | S. C.

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Le big data pour réduire les risques

Crédit photo S. C.

Les nouvelles technologies vont bousculer l’analyse des risques. Les firmes informatiques et les assureurs se positionnent sur le marché. De quoi faire chuter l’absentéisme si les SIRH sont au niveau.

Les grands assureurs santé et les spécialistes de la data n’en démordent pas. Demain, en santé comme ailleurs, le big data va révolutionner la gestion des contrats d’assurance, et permettra de mieux piloter les risques. En analysant les abondantes données, le big data permettra d’améliorer le bien-être des salariés ainsi que la santé au travail et, en conséquence, réduira le taux d’absentéisme.

Prévoir l’absentéisme

L’enjeu est de taille. Selon le baromètre Ayming, l’absentéisme s’est établi à 4,55 % en France pour l’année 2015. Un salarié a été absent en moyenne 16,6 jours pendant l’année, et les coûts globaux occasionnés (frais de remplacement, perte de valeur ajoutée, heures supplémentaires des collègues) avoisinent les 45 milliards d’euros, tandis que les charges indirectes, sur l’assurance maladie et la prévoyance obligatoire et complémentaire, tournent autour des 15 milliards.

IBM ne se trompe pas sur l’importance du marché et ne ménage pas ses efforts pour entrer de plain-pied dans le monde de la santé. La firme américaine promeut ses innovations à tour de bras. Son système intelligent Watson doit révolutionner les possibilités de diagnostic médical. Au printemps, les représentants de Big Blue vantaient leurs modèles prédictifs devant un parterre d’assureurs. Ils promettaient de réaliser de 65 % à 70 % de bonnes prédictions en matière d’absentéisme, en partant des données d’un système d’information des ressources humaines (SIRH). En ajoutant d’autres paramètres (météo, cartes de vigilance santé), les prédictions seraient justes dans 90 % des cas… Pour réaliser ce travail, il faut toutefois disposer d’une série de données complètes et « nettoyées » pour les quatre années précédentes, tout en surmontant aussi l’écueil de la surabondance des données, « l’infobésité ». Enfin, dans le contexte français contraint en matière d’utilisation des données personnelles, il faut encore trouver les indicateurs qui sont à la fois pertinents et juridiquement sécurisés.

Diagnostiquer les profils des patients

Malakoff Médéric croit lui aussi au big data et met la main à la poche pour financer sa chaire d’étude Entreprises et Santé au Centre national des arts et métiers (Cnam). Dirigés par William Dab, ancien directeur général de la santé, les travaux vont s’appuyer sur les compétences des laboratoires du Cnam en matière de big data, de psychologie du travail, d’addiction ou encore de médecine prédictive. L’objectif est d’évaluer l’efficacité et le retour sur investissement des actions de prévention.

De son côté, AG2R La Mondiale a récemment fait état de travaux réalisés à partir de données de consommation médicamenteuse, engagés dès 2013 avec le cabinet QuintilesIMS et une Agence régionale de santé (ARS). L’analyse d’une base de données liées aux médicaments vendus par un panel de 7 300 pharmacies partenaires – environ une sur trois en France – doit permettre de diagnostiquer le comportement et le profil des patients. Pour l’ARS, le cabinet d’études s’est penché sur un sujet de santé publique qui concerne l’analyse des facteurs de l’observance par rapport à des patients diabétiques. C’est-à-dire l’adéquation entre leur comportement, les traitements proposés et les actions de sensibilisation dont ils ont fait l’objet.

QuintilesIMS a également analysé la prévalence de certaines maladies constatées chez les salariés d’une branche professionnelle par rapport à un groupe témoin. « Cette démarche doit permettre de bâtir des programmes de sensibilisation mieux ciblés et plus efficaces », estime Arnaud Rouxel, directeur commercial grands comptes d’AG2R La Mondiale. À l’avenir, ce test grandeur nature réalisé pour une branche professionnelle pourrait être transposé sur la population salariée d’une grande entreprise. Ce qui permettrait de détecter des comportements ou des pathologies spécifiques à certaines tâches ou certains métiers. Et de mettre en place des programmes de prévention adaptés.

Mieux cibler les actions de prévention

Pour le moment, la plupart des assureurs en restent à des programmes de pilotage moins sophistiqués du risque des contrats santé et prévoyance. Pour autant, des outils commencent à être proposés pour travailler sur les données RH de l’entreprise et détecter des anomalies ou des comportements hors normes. Le cabinet Ayming calcule chaque année un taux d’absentéisme moyen du salarié français par région, sexe, branche d’activité, ancienneté. En tout, une dizaine de paramètres sont pris en compte. Pour chacun, il détermine un nombre de jours d’arrêt de travail pour maladie, accident du travail, accident de trajet, ainsi que les absences injustifiées. Puis il réalise une cartographie et propose à ses clients de voir comment ils se situent par rapport à ces moyennes. Menées avec des entreprises comme Kuehne Nagel Road (transport) ou Bic, mais aussi avec la branche des métiers de la boucherie, ces analyses doivent aider à identifier des actions de prévention.

Dans le même esprit, le Scanner social de Siaci Saint Honoré est un logiciel qui permet, à partir des données du SIRH de l’entreprise, d’identifier des foyers d’absentéisme afin de cibler les actions de prévention sur les bonnes personnes. « La mise en œuvre d’outils comme notre Scanner social s’inscrit dans une logique de big data. Cette évolution est possible car la récupération des données des SIRH est de plus en plus simple aujourd’hui et leur exploitation en est facilitée », remarque Emmanuel de Beauchesne, directeur conseil de MyPrevention (groupe Siaci Saint Honoré). Autrement dit, le big data va révolutionner l’analyse des risques santé et prévoyance. Mais la clé de cette évolution se trouve d’abord dans la modernisation des systèmes d’information RH des entreprises.

Des assureurs très prévoyants sur les données

Les assurés n’auront bientôt plus d’excuse pour tomber malades. De plus en plus souvent, les assureurs les incitent à créer leur espace pour accéder à des services et des conseils. De quoi apprendre à mieux manger, bouger davantage, dormir comme un bébé ou encore arrêter le tabac. Ces services sont accessibles via des sites Internet, applications mobiles, plate-formes d’écoute mais aussi du coaching et des programmes de prévention personnalisés. Que ce soit à travers les contrats de santé individuels ou collectifs, de nombreux projets ont été mis en place ces deux dernières années. Les assurés se connectent, répondent à des questions et reçoivent des conseils. De leur côté, les prestataires emmagasinent d’autant plus de données que l’usage des objets connectés est souvent promu pour encourager les comportements vertueux. Reste à connaître le bilan concret de l’analyse des masses de données collectées.

Le big data contre la fraude

« Avec la data science, il est possible de mettre en place un système d’alerte qui va repérer très vite un nouveau type de fraude », explique Franck Archer, directeur Umanis Consulting. Le logiciel Solon d’IBM a été adopté par ProBTP, le groupe de protection sociale du bâtiment et des travaux publics qui s’occupe de 3 millions de salariés. Les millions de données, anonymisées, sont analysées pour repérer en temps réel les abus de prestation et les comportements atypiques. Les demandes de remboursement décelées comme frauduleuses ou indues représentent environ 5 % des flux pour l’optique. Soit environ 100 000 euros chaque semaine et 6 millions d’euros en année pleine. Sur 120 millions de prestations au total. À l’exception des cas hypothétiques où l’assuré est considéré comme partie prenante de la fraude, ni l’assuré, ni l’entreprise ne sont informés. C’est l’assureur et son service anti-fraude qui agissent en rejetant le paiement adressé par le professionnel de santé en faute, voire en le déconventionnant. La majeure partie des cas de fraude concerne les dépenses en optique, dentaire et audioprothèse.

Auteur

  • S. C.