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Vie privée – vie pro, les élues paient le prix fort !

À la une | publié le : 05.06.2017 | Lou-Eve Popper

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Vie privée – vie pro, les élues paient le prix fort !

Crédit photo Lou-Eve Popper

Deux élues salariées, deux vécus totalement différents. Mais un même engagement total.

“Lorsque j’ai été élue au département, j’ai

choisi de garder mon activité professionnelle pour trois raisons. La première, c’est que je considère que continuer à travailler permet de garder les pieds sur terre. Ensuite, je pense que c’est important de ne pas dépendre d’un ou plusieurs mandats pour gagner sa vie. Si demain je ne suis plus d’accord avec les orientations politiques du département, il me suffit de retourner dans le monde du travail. La troisième raison est liée aux conditions de vie. Car on ne fait pas de politique pour gagner de l’argent mais on n’en fait pas non plus pour en perdre. Or, quand on arrête son activité professionnelle et qu’on garde uniquement son mandat, il faut s’attendre à une perte de revenus. Aujourd’hui, mon indemnité d’élue départementale s’élève à 2 800 euros net par mois dont 650 euros qui vont à mon parti politique. Je ne reçois rien en tant qu’élue municipale. Et côté salarié, je gagne 1 200 euros net. Donc je ne me plains pas.

Ma décision de me présenter aux élections

départementales a été bien accueillie par mon employeur, qui savait déjà que j’étais engagée en politique en tant qu’élue municipale. Lorsque nous en avons discuté, je lui ai exposé les aménagements de mon temps de travail que je serais susceptible de lui demander. Je n’avais pas de grandes inquiétudes, je suis dans une entreprise assez bienveillante. Lorsque j’ai demandé un mi-temps, on me l’a accordé sans difficulté. Seulement ma charge de travail n’a pas vraiment diminué. Aujourd’hui, je fais des semaines de 70 heures.

Du côté de mes collègues, ma décision a

également été plutôt bien reçue. Ils trouvent que c’est une bonne chose que quelqu’un issu du secteur de l’insertion, qui connaît la réalité du terrain, puisse essayer d’appliquer des solutions concrètes à l’échelle du département. Quand j’ai été élue, je leur ai indiqué que je n’étais pas le porte-parole du groupe Ares Services et ils l’ont très bien compris. Faire la part des choses est bien perçu. Quelquefois, ils vont me demander des conseils mais ça ne va pas plus loin que l’échange de contacts professionnels. De mon côté, j’évite de parler de mon activité d’élue au travail.

J’ai souhaité ne plus travailler sur le

département de la Seine-Saint-Denis, quand j’ai été élue conseillère départementale, pour éviter les conflits d’intérêts. Comme le département gère des marchés publics, ce n’était pas possible de rester. Le secteur de l’insertion est un petit monde et mon antenne avait régulièrement affaire avec les services du département. J’ai donc demandé à être mutée sur Paris. Aujourd’hui, même si je ne travaille plus dans le département, il y a toujours des cas où je dois faire attention. À l’inverse, à mon travail, quand il y a des rencontres prévues avec des partenaires que j’ai déjà rencontrés dans le cadre de ma délégation, je demande à mon directeur de ne pas assister au rendez-vous.

Je fais deux jours et demi au département

et deux jours et demi à mon travail. Je suis au département les mardis et jeudis parce que les séances du conseil départemental tombent ces jours-là. Les réunions se poursuivent le soir, même après les jours de travail et les week-ends. En tant qu’élu on n’a pas vraiment de temps de travail, si on doit faire 50 heures de représentation, on le fait. Je n’arrête jamais. Mais je n’ai pas d’enfant, si je rentre tous les soirs à 23 heures, c’est un choix. »

“J’ai décidé de continuer à travailler d’abord

pour rendre hommage a mes parents, qui sont des ouvriers immigres. En arrivant en France, ils n’avaient qu’une idée en tête : que leurs six enfants aient une vie meilleure que la leur. Ils se sont saignes aux quatre veines pour que nous puissions faire des études. Et aujourd’hui, je fais le métier dont je rêvais. Donc pour moi, ça n’a pas de prix. La deuxième chose, c’est que grâce a mon métier, j’ai accès a la réalité du terrain, ce qui est essentiel pour faire de la politique. Sur mon lieu de travail, je discute avec des comptables et des secrétaires qui habitent aux quatre coins d’Île-de-France. C’est très important pour moi de ne pas m’éloigner de cette réalité, d’entendre et de vivre les difficultés des salaries au quotidien.

Étrangement, j’arrive mieux à m’organiser

aujourd’hui qu’il y a trois ans, lorsque j’étais simple conseillère municipale a sarcelles. Entre-temps, mes enfants ont grandi et se sont autonomises. Je les vois peu car mon emploi du temps est extrêmement charge. Malgré le surcroît d’activité lie a mes mandats, mon employeur n’a pas diminue mes objectifs en termes de chiffre d’affaires, au contraire. Résultat, je suis obligée de travailler trois fois plus qu’avant. Je fais minimum deux nuits blanches par semaine. C’est très dur. En plus, je suis une mère célibataire, donc il faut que je fasse tourner la maison. Mais je n’ai pas le choix. Pour garder mon emploi, je dois montrer a mon patron que je peux tout faire en même temps. Heureusement, le fait d’être cadre me permet de m’organiser librement. Mon mandat d’élue m’impose cependant de siéger régulièrement au conseil régional. Dans ce cas-là, je pose des RTT. mais a la fin de l’année, je n’ai plus assez de jours pour partir en vacances.

Il y a très peu d’entreprises qui emploient des

élus politiques, à l’heure actuelle. Résultat, la plupart des P-DG sont ’largués’ au niveau juridique. Ils ne connaissent pas nos droits ni leurs devoirs. Et nous non plus. Je n’ai qu’Internet pour m’informer, c’est un vrai problème. De toute façon, je pense qu’il faut vraiment revoir le statut de l’élu. Aujourd’hui, les représentants syndicaux peuvent avoir des heures de délégation rémunérées mais pas nous. Alors qu’on œuvre pour le bien public !

Mon employeur conçoit mon mandat politique

comme un loisir. Il ne voit pas que j’œuvre pour l’intérêt général et donc pour les chefs d’entreprise. Son objectif est à court terme, il veut avant tout que sa société engrange des bénéfices. Il m’a déjà fait comprendre que si je n’avais pas atteint mes chiffres du semestre, c’était à cause de mon mandat. En raison de la mauvaise réputation de la politique, il pense que si je ne suis pas à mon travail, c’est que je m’amuse. Comme la plupart des gens, il croit que grâce à mon statut d’élue, j’ai accès à un réseau très important. Comme je suis membre de la commission des affaires internationales, il s’imagine par exemple que je peux avoir des contacts avec Serge Dassault !

Avec mes collègues, c’est à double tranchant.

Ils sont fiers d’avoir une élue locale dans leurs rangs. Et en même temps, ils pensent que je bénéficie d’un traitement de faveur, que mes objectifs ont été revus à la baisse à cause de mon mandat. Ou alors que je jouis de certains privilèges. Je leur explique alors que mes enfants n’ont jamais eu de places en crèche, que je n’habite pas dans un logement social, que je paie l’essence de ma poche pour la Région. Surtout, je leur montre que mon activité d’élue politique sert avant tout leurs intérêts. Finalement, je fais de l’instruction civique.”

Magalie Thibault,

29 ans, habite à Rosny-sous-Bois. Elle travaille à Paris comme responsable du projet social du groupe Ares, une association de réinsertion par l’emploi. Depuis mars 2014, elle est également conseillère municipale socialiste à Rosny-sous-Bois et depuis mars 2015, 12e vice-présidente (PS) en charge de l’autonomie des personnes âgées et handicapées au conseil départemental de Seine-Saint-Denis.

Samira Aidoud

Samira Aidoud, 43 ans, habite à Sarcelles. Elle est ingénieure mécanique. Depuis mars 2014, elle est également conseillère municipale LR dans l’opposition à Sarcelles et, depuis décembre 2015, conseillère régionale LR en Île-de-France.

Auteur

  • Lou-Eve Popper