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L’Unsa, une inexorable ascension ?

Décodages | publié le : 02.05.2017 | Nicolas Lagrange

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L’Unsa, une inexorable ascension ?

Crédit photo Nicolas Lagrange

Même s’il lui reste du chemin à parcourir pour devenir représentative au niveau interprofessionnel, l’Unsa (Union nationale des syndicats autonomes) a conquis plusieurs grosses branches professionnelles. De quoi amplifier son développement, grâce à de nouveaux moyens humains et financiers.

En apparence, la pesée de la représentativité syndicale dans le secteur privé n’a débouché, le 31 mars 2017, que sur un nouveau statu quo, comme en 2013, avec les cinq mêmes confédérations reconnues au niveau interprofessionnel. Sans aucun changement notable, si ce n’est l’ordre d’arrivée des deux premiers, CFDT et CGT. En réalité, le fait marquant pourrait bien être les 5,35 % de suffrages de l’Unsa. Un score encore loin du seuil interprofessionnel de 8 %, certes, mais en hausse de 1,06 point par rapport à 2013, soit la plus forte progression en nombre de suffrages (+ 28,8 %). L’Unsa est désormais représentative dans 86 conventions collectives nationales (CCN) employant 3,3 millions de salariés, contre 1,2 million de salariés en 2013. « La tortue Unsa avance le plus vite, commente son secrétaire général, Luc Bérille. Ce qui valide notre offre syndicale spécifique, même si nous pouvions espérer encore plus, bien sûr. »

« L’Unsa est dans une dynamique réelle et s’inscrit durablement dans le paysage syndical », analyse Nicolas Farvaque1, directeur du pôle recherche et études d’Orseu, un cabinet de conseil aux IRP qui travaille souvent avec le syndicat. « L’objectif 2017 s’est avéré fédérateur pour les militants, pour s’implanter dans les entreprises ou renforcer leur présence. La marque Unsa est porteuse, parce qu’elle a l’attrait d’un produit différent, jamais testé. Avec un pouvoir de signature laissé à chaque section syndicale et une ligne qui se situe à l’intersection entre le réformisme affiché de la CFDT, mais sans ses pratiques centralisatrices, et l’autonomie de Solidaires, mais sans ses prises de position tranchées. »

Stratégie dans les TPE.

Résultat, l’Unsa conquiert sa représentativité dans un grand nombre de branches : les pharmacies d’officine (95 000 salariés), la publicité (près de 50 000 salariés) ou encore l’industrie du pétrole (34 000 salariés). Mais sa plus grosse victoire, la plus symbolique aussi, a lieu dans la branche des salariés du particulier employeur (667 000 salariés) : elle y recueille 15 % des suffrages, après avoir raté la représentativité à deux voix près en 2013. « Nous sommes désormais le deuxième syndicat après la CGT, souligne Rachel Brishoual, secrétaire générale de l’Unsa-Fessad. Pour toucher ces salariés isolés, nous avons mis en place un site Internet dédié, une plate-forme téléphonique juridique gratuite et avons diffusé une communication ciblée. »

Autre conquête importante pour l’Unsa, dans la branche des assistants maternels du particulier employeur (286 000 salariés), où l’organisation est passée de près de 6 % en 2013 à près de 14 % cette année. « L’Unsa a su se structurer et drainer d’autres syndicats autonomes sur les services à la personne qui, par comparaison, relèvent de quatre champs fédéraux à la CGT, relève Jean-Marie Pernot, chercheur en sciences politiques, spécialiste des relations sociales. Elle a aussi misé sur un syndicalisme de services, en faisant du lien avec les salariés, en les informant sur les démarches obligatoires et sur leurs droits, en les conseillant… » Fortement impliquée sur les forums de discussion, l’Unsa-Fessad intègre une responsabilité civile et une protection juridique dans le prix de la cotisation des assistants maternels, remet aux adhérents un contrat-type à proposer aux employeurs et un guide de près de 200 pages. Des efforts payants lors des élections TPE, où l’Unsa a recueilli 12,5 % des voix (+ 5 points par rapport à 2012), juste derrière FO et non loin de la CFDT.

Cette stratégie offensive dans les TPE explique-t-elle l’essentiel de la progression globale de l’Unsa ? « Non, affirme Luc Bérille. Ce sont nos implantations syndicales dans les entreprises, notamment les plus grandes, qui ont le plus contribué à accroître notre score. Exemple dans les institutions de retraite complémentaire et de prévoyance, où nos bons scores à Humanis, Malakoff-Médéric et Ag2r-Reunica nous ont permis de gagner notre représentativité de branche. » La création et le développement de sections syndicales ont été principalement favorisés, selon Nicolas Farvaque, « par le ralliement de syndicats autonomes ou de syndicalistes déjà expérimentés, transfuges d’autres confédérations. Les nouveaux militants, sans engagement syndical initial, sont plus rares ».

Dotations des branches

Les gains de représentativité de branche peuvent-ils amplifier le développement de l’Unsa ? Sur la base de la précédente pesée de 2013, l’organisation reçoit près de 270 000 euros chaque année, une dotation2 calculée en fonction de la masse salariale des branches où elle est représentative, rapportée à la masse salariale totale. Grâce à sa représentativité dans 86 CCN représentant 3,3 millions de salariés (au lieu de 1,2 million il y a quatre ans), cette subvention devrait plus que doubler. Depuis 2013, la dotation nationale pour les branches et les efforts de syndicalisation ont d’ores et déjà permis à l’Unsa de se renforcer : + 4 points dans les cabinets d’architecture, + 5 dans les cabinets et cliniques vétérinaires, + 10 dans le travail temporaire, + 12 dans les agences générales d’assurance… En outre, certaines branches attribuent des enveloppes financières spécifiques aux syndicats représentatifs, en plus des remboursements de salaire des mandataires et des défraiements. C’est notamment le cas de la branche des salariés des cabinets d’avocats, où l’Unsa recueille près de 15 % des voix, soit 6 points de plus qu’en 2013. « Nous pouvons ainsi organiser des réunions, former nos représentants, diffuser des tracts, détaille Rachel Brishoual. Notre représentativité nous assure une présence dans les institutions paritaires associées aux branches, ce qui nous confère une plus forte visibilité. Grâce à la présence de nos coordonnées sur les sites des organismes de santé, prévoyance ou retraite, nous pouvons aussi être contactés par les salariés à la recherche d’informations et d’assistance. » Sans oublier l’octroi d’heures de délégation et la possibilité de détacher des salariés. Pour Catherine Vincent, sociologue et chercheuse à l’Ires, « l’implication dans les négociations et dans les instances paritaires de branche, tels que les CPNE3 et les Opca, est un facteur de professionnalisation, de remontée d’informations sur l’évolution des dispositifs de formation, des perspectives d’emploi ou des grilles de classification. C’est un moyen, pour les syndicats représentatifs, d’être plus efficaces en entreprise et d’y développer ou d’y renforcer leur présence ».

Poids dans l’artisanat.

Mais le plus gros enjeu financier se trouve dans l’artisanat, où une contribution employeur de 0,15 % de la masse salariale finance le dialogue social depuis 2001 : « Près de 11 millions d’euros sont répartis entre les cinq organisations représentatives au niveau interprofessionnel, selon un accord antérieur aux nouvelles règles de représentativité, constate Luc Bérille. Or nous pesons davantage dans les différentes branches de l’artisanat que plusieurs confédérations dites représentatives au niveau national, mais surtout présentes dans les grandes entreprises. Ce qui implique de revoir la répartition des fonds en fonction de nos scores respectifs. »

Parallèlement, les cinq syndicats reconnus au niveau interprofessionnel ont perdu cette année leur représentativité automatique dans les branches où ils font moins de 8 %. Une mesure transitoire leur avait permis de rester représentatifs dans toutes les branches ces quatre dernières années. Selon nos calculs et sur la base des résultats provisoires du 31 mars, la CFDT serait désormais représentative dans 91,3 % des branches, la CGT dans 89,5 %, FO dans 76,2 %, la CFE-CGC dans 66,1 % et la CFTC dans 44,3 % ! Dans le même temps, l’Unsa est dorénavant représentative dans 18,8 % des branches et assure être présente dans une entreprise sur cinq, ce qui témoigne de son potentiel de progression.

Autonomie et diversité.

Ces différentes évolutions pourraient être lourdes de conséquences lors des élections professionnelles à venir, et modifier le rapport de forces en 2021, date de la prochaine pesée. C’est tout le pari de Luc Bérille, après les tentatives avortées de rapprochement avec d’autres confédérations, en particulier la CFE-CGC. « Chacune des cinq confédérations semble se satisfaire de son résultat, commente le secrétaire général. Dans un contexte de crise de la démocratie représentative, notre slogan « Libres ensemble » répond bien au besoin d’actions collectives et de reconnaissance de l’autonomie des individus. Même si la barre de 8 % en 2021 constitue un défi audacieux. » L’Unsa peut espérer conquérir plusieurs grosses branches où elle a frôlé les 8 % cette année, comme l’hospitalisation privée (175 000 salariés), l’immobilier (92 000 salariés) ou encore la boulangerie-pâtisserie (91 000 salariés)… et éventuellement les transports routiers (380 000 salariés) et les bureaux d’études techniques (493 000 salariés), deux branches où elle dépasse aujourd’hui 5 %.

Avec toutefois trois bémols. D’abord, « l’électorat est stable, c’est principalement celui des grandes entreprises, constitué presque pour moitié de cadres, souligne Catherine Vincent. Ce qui pourrait limiter les changements ». D’autant que le très faible taux de participation dans les TPE atténue les bons résultats de l’Unsa sur ce champ. Ensuite, les résultats de représentativité dans les branches seront nécessairement affectés par la fusion d’un grand nombre d’elles. Enfin, « l’Unsa devra éviter le spectre des dissensions, avec certaines fédérations puissantes et indépendantes, afin que le A d’autonomie ne devienne pas synonyme d’anarchie dans un syndicat qui regroupe des entités et des adhérents aussi divers, expose Nicolas Farvaque. Même si le socle commun construit autour de l’autonomie et des valeurs de négociation, de démocratie sociale ou encore de laïcité continue pour l’heure de bien fonctionner et de faire tenir l’édifice ensemble. »

1. « L’impact de la loi de 2008 sur la représentativité syndicale dans le secteur privé : études de cas à partir de l’UNSA » (Nicolas Farvaque, Orseu, février 2016).

2. Bilan AGFPN, fonds pour le financement du dialogue social, pour l’année 2015.

3. Commissions paritaires nationales de l’emploi.

L’UNSA en chiffres

1993 Naissance

10,3 % Suffrages trois fonctions publiques

5,35 % Suffrages secteur privé

200 000 Adhérents revendiqués

7,8 M€ Budget 2015

La CFDT, le pouvoir de signer seule

Avec 26,37 % des voix dans le secteur privé sur un cycle de quatre ans, selon les résultats du 31 mars, la CFDT a ravi à la CGT la première place. En réalité, la centrale réformiste n’affiche qu’une petite progression par rapport à la précédente pesée électorale de 2013 (+ 0,37 points) : c’est surtout la CGT qui recule de presque 2 points.

Mais la confédération dirigée par Laurent Berger dépasse désormais le seuil de 30 % de représentativité, une fois son score recalculé sur la base des cinq organisations qualifiées au niveau interprofessionnel (en excluant l’Unsa, Solidaires et les autres listes). Un seuil qui lui permet de signer seule, côté syndical, les accords nationaux interprofessionnels. Une configuration rare, mais pas inédite, puisque la convention d’assurance chômage de 2010-2011 n’avait été paraphée que par la CFDT, les anciennes règles de validation des accords interprofessionnels exigeant a minima une signature, sans seuil minimal. « Même si l’objectif est toujours de parvenir au compromis le plus large possible, nous n’hésiterons pas à signer seuls un texte, à l’avenir, si c’est justifié, assure Marylise Léon, secrétaire nationale de la CFDT, en charge du dialogue social. Ce poids de plus de 30 % ne rend pas nos revendications plus légitimes que les autres, il les positionne davantage au cœur des discussions, tant à l’égard des autres syndicats que des organisations patronales. »

Par ailleurs, la CFDT conforte sa première place dans l’encadrement (26,99 % des suffrages), avec 7,6 points de plus que la CFE-CGC (19,39 %). Là encore, elle peut signer seule, avec un poids en termes de représentativité de 30,56 % (recalculé sur la base des syndicats reconnus représentatifs).

Auteur

  • Nicolas Lagrange