logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Décodages

Dominique Massonneau gère M-Energies de façon décentralisée

Décodages | publié le : 02.05.2017 | Braun, Éric Béal

Image

Dominique Massonneau gère M-Energies de façon décentralisée

Crédit photo Braun, Éric Béal

Fédérer des sociétés réparties sur deux régions, tout en leur laissant beaucoup d’autonomie de gestion, telle est la méthode du président de M-Energies. Ce procédé lui permet de créer une culture interne, tout en laissant perdurer des différences de traitement non négligeables.

L’histoire de M-Energies est celle d’une success story qui commence mal. C’est en effet le dépôt de bilan de la société de chauffage Solorec qui permet à Dominique Massonneau de se lancer dans l’aventure de l’entrepreneuriat… à 60 ans passés. « La retraite, ça se prépare, surtout si l’on veut rester actif », affirme le président de M-Energies. Titulaire d’un BTS de travaux publics, ce Corrézien a passé la première partie de sa vie professionnelle au sein du groupe Vinci. Quelques années avant de prendre sa retraite, il est entré au capital de Solorec en tant qu’actionnaire minoritaire. Or en 2007, plombée par ses dettes, l’entreprise basée à Ludres, en Meurthe-et-Moselle, dépose son bilan. Dominique Massonneau, rassemble ses économies et en prend le contrôle avec l’intention de mettre en pratique une vision managériale à la fois pragmatique et humaniste. Constituée de trois entités juridiques, Solorec était une pépite pour le repreneur. « Les techniciens étaient compétents, mais l’entreprise manquait d’organisation et de vision d’avenir. Il fallait mettre de véritables entrepreneurs à la tête des centres de profit pour améliorer les résultats économiques », explique-t-il. Dominique Massonneau réorganise l’entreprise en centres de profits autonomes et forme ses managers à la gestion, au marketing et à la gestion des ressources humaines. Et cela marche. En dix ans, l’entreprise en péril se mue en un groupe prospère de 350 salariés répartis en 13 agences ou filiales dont six dans le Grand Est et sept en Île-de-France. L’activité génère un chiffre d’affaires de 40 millions d’euros et se répartit entre contrats d’entretien et de maintenance de 75 000 chaudières individuelles et exploitation de 5 000 chaufferies collectives.

Constituer une fédération d’entreprises

C’est en rachetant des petites structures assurant un service de proximité que Dominique Massonneau a développé le groupe M-Energies. « J’ai plutôt ciblé des sociétés appartenant à un chef d’entreprise approchant l’âge de la retraite et vivant comme un crève-cœur l’abandon de son “bébé” », indique-t-il. à chacun, le président de M-Energies a fait valoir le respect de l’identité de sa société comme gage de pérennité, un argument fort auprès d’un fondateur. Autre originalité, il a préféré édifier un « club d’entreprises » dont les chefs de centre ou directeurs de filiale agissent de manière autonome, plutôt que constituer une entreprise homogène. Tout en utilisant un même outil informatique et les supports logistiques communs au groupe. « Je ne voulais pas céder ma société à un grand groupe. Dominique Massonneau m’a promis de préserver notre manière de travailler et MTS a conservé son nom et ses effectifs. Quant aux salariés, ils ont préservé leurs avantages sociaux », témoigne Jean-Luc Minet, premier dirigeant francilien à avoir cédé son entreprise à M-Energies en 2011. Pour l’heure, aucune prise de contrôle n’a entraîné de bouleversement dans les sociétés rachetées.

Trois conventions collectives cohabitent au sein de M-Energies. Celle du bâtiment et celle des équipements thermiques et du génie climatique englobent 90 % de l’effectif à parts égales ; 10 % des salariés relèvent de la convention des entreprises d’installation de matériels aéraulique, thermique et frigorifique. En matière sociale, la direction de M-Energies ne fait pas de zèle et signe les accords rendus obligatoires par le Code du travail – emploi des seniors en 2010, puis égalité hommes-femmes en 2012. En 2017, elle entend proposer un accord sur le droit à la déconnexion et, plus original, la création d’un compte épargne-temps pour permettre aux salariés de capitaliser une partie de leurs congés payés sous forme d’épargne-retraite. Enfin, directement issue de la loi Travail du 8 août 2016, la négociation suivante portera sur l’annualisation du temps de travail. De façon à pouvoir augmenter les horaires pendant les mois d’hiver et à les alléger en été.

Harmoniser… mais pas trop

Mais M-Energies ne constitue pas une entité juridique à part entière. Seuls 40 % de l’effectif sont réunis dans l’unité économique et sociale Solorec/Bastien/M-Energies, créée en 2001. La délégation unique du personnel (DUP) de cette entité juridique ne compte que trois titulaires, faute de volontaires pour prendre les cinq autres places (un titulaire et quatre suppléants). Un peu léger pour une instance qui regroupe le comité d’entreprise, les délégués du personnel et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT).

C’est donc avec un effectif réduit de représentants élus, auquel s’ajoute un délégué du personnel issu de Cofatec, une filiale messine, que la direction négocie le contenu des accords qui s’appliquent à l’ensemble du groupe. La culture interne est celle d’une PME et les négociations se passent à la bonne franquette. La direction s’appuie sur un avocat conseil spécialisé, les élus de la DUP sur… personne. Cet isolement est renforcé par l’absence totale de délégué syndical au sein de cette « fédération » de 13 sociétés, elles-mêmes subdivisées en 22 centres de profit dont aucun ne dépasse la vingtaine de salariés. « Cette situation reflète à la fois la méconnaissance du rôle des élus et d’une culture syndicale peu développée au sein des petites entités de notre secteur. Mais c’est aussi la conséquence d’un climat social plutôt serein. Nous n’avons jamais connu de conflit, et les salariés ont le sentiment de travailler dans une bonne boîte, ce qui limite la mobilisation », analyse Alexandre Thury, secrétaire de la DUP.

Pour autant, la direction n’est pas très généreuse avec son personnel puisque le budget social de la DUP s’élève à 0,28 % de la masse salariale. Il permet essentiellement d’offrir des cadeaux de Noël aux enfants de moins de 14 ans. Un avantage qui ne concerne en principe que les salariés de l’UES, mais qui est également offert par la plupart des chefs de centre et dirigeants des autres filiales. La question de l’extension de l’UES revient sporadiquement à l’ordre du jour, sans faire l’objet de réelles mobilisations. « Nous apprécierions de faire partie de l’UES, tant pour bénéficier des prestations du CE que pour renforcer le sentiment d’appartenance au groupe. Mais ce n’est pas essentiel. Les salariés sont surtout satisfaits de conserver leurs avantages et de voir s’améliorer leurs conditions de travail et de sécurité », estime Fabian Rémy, directeur du centre de profit normand. Les 12 salariés de cette PME de la Ville-du-Bois (Essonne), reprise par M-Energies en 2015, sont restés aux 39 heures. Ils sont donc rémunérés en heures supplémentaires au-delà des 35 heures hebdomadaires. Les salariés de l’UES travaillent pour leur part 35 heures par semaine et sont invités à récupérer leurs heures supplémentaires. La direction assume ces disparités, tant pour conserver des équipes autonomes et indépendantes que pour éviter une harmonisation complète qui s’avérerait coûteuse sur le plan salarial. à défaut d’harmonisation sociale, la direction investit sur une uniformisation des conditions de travail. Tenues de travail arborant les couleurs vert et blanc du groupe, ainsi que le logo de chaque entreprise, véhicules confortables et bien entretenus, tablettes pour les managers. Les salariés apprécient ces petites attentions, traduction concrète de l’obligation faite à l’employeur de veiller à la sécurité et à la protection de leur santé.

Intégrer et fidéliser

M-Energies soigne l’intégration des nouveaux collaborateurs. « J’ai personnellement rencontré au moins une fois chacun de nos 300 salariés. Nous faisons preuve d’écoute et encourageons les engagements associatifs, politiques et sociétaux de notre personnel. Par exemple, nous sponsorisons fréquemment les clubs ou associations dont ils font partie », souligne Patrick Steinmetz, directeur général de la société. Tous les trois mois, les nouvelles recrues participent à une journée d’intégration. Et les bulletins de salaire s’accompagnent d’un petit journal relatant les remises de médaille, les arrivées ou les naissances au sein de l’ensemble du personnel du groupe.

Le taux d’absentéisme se monte à 4 %. « Des résultats en dessous de la profession pour ce qui est de l’est de la France », assure Audrey Mortas, directrice des ressources humaines. « Nous n’avons pas beaucoup de prise sur ce phénomène, nuance-t-elle. En Île-de-France, la décision de rester dans l’entreprise ou de la quitter dépend beaucoup des conditions de transport et du coût des loyers. Or, les métiers que nous recherchons sont en tension. Notre notoriété favorise les candidatures spontanées, mais nous avons actuellement une vingtaine de postes à pourvoir. » L’entreprise associe les salariés aux efforts de recrutement en attribuant une prime de 1 000 euros pour la détection de toute candidature validée. La meilleure façon de fidéliser les techniciens reste les augmentations de salaire. Un élément bien pris en compte par Dominique Massonneau. Ces deux dernières années, l’entreprise a augmenté sa masse salariale de 1,5 %, contre 0,5 % à 1 % en moyenne chez ses concurrents. Dans les deux tiers des structures du groupe, le personnel bénéficie d’une prime par année d’ancienneté de 0,5 % plafonnée à 5 %. à ces augmentations régulières s’ajoutent des gratifications au mérite reposant sur plusieurs critères dont la productivité, la satisfaction client, le comportement (accidents de la route, excès de vitesse, respect des règles de sécurité). Les techniciens intervenant chez les particuliers, qui représentent environ 40 % de l’effectif, perçoivent par ailleurs un intéressement sur la vente de pièces et de contrats de maintenance pouvant représenter jusqu’à un mois de salaire par an. Quant à la rémunération des managers de terrain, elle est indexée sur leurs résultats, à l’instar de celle du président et du directeur général. Autre moyen de fidéliser, la formation n’est pas négligée chez M-Energies ; 1,5 % de la masse salariale y est consacré. « 215 salariés en ont bénéficié l’an dernier », précise la DRH qui s’attache à mélanger à chaque fois que c’est possible, les âges, les origines géographiques et les métiers. « Au cours de ma formation au management, j’ai eu l’occasion de rencontrer mes collègues d’Alsace et de région parisienne. Ces échanges renforcent le sentiment d’appartenance et l’envie de jouer collectif », affirme Nicolas Ozil, directeur de Gaz Service à Lons-le-Saunier (Jura). Ils contribuent aussi à la constitution d’une culture collective, en dépit de la structure juridique très éclatée du groupe.

En chiffres

40 M€

Chiffre d’affaires prévisionnel de 2017.

350

C’est l’effectif de M-Energies et de ses 22 centres de profit.

Source : M-Energies

Auteur

  • Braun, Éric Béal