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Le diplôme, seul rempart contre le chômage

Dossier | publié le : 03.04.2017 | G. G.

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Le diplôme, seul rempart contre le chômage

Crédit photo G. G.

En France, l’insertion des jeunes adultes est conditionnée par l’obtention d’un diplôme. Près d’un jeune sur deux (40 %) sortant du système scolaire sans ce précieux sésame est demandeur d’emploi contre 4 % des diplômés ingénieurs… Milieu social et origine ethnique expliquent aussi de nombreuses difficultés.

« Comment vais-je trouver un emploi ? » C’est une angoisse qui taraude les quelque 700 000 jeunes sortant, chaque année, du système scolaire ou universitaire. Leurs parents sont au diapason. Dans une société française en butte à un chômage de masse depuis les années 1980, cette interrogation est devenue le sujet de conversation préoccupant. La crise de 2007-2008 qui perdure n’a rien arrangé. Les statistiques du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq) viennent apporter une lumière crue sur les niveaux de diplôme des jeunes ; 17 % d’entre eux vont rechercher du travail sans diplôme, 14 % ont décroché un BEP-CAP et 29 % un bac – 14 % un bac pro, 6 % un bac techno et 9 % un bac général. Enfin, 40 % intègrent le monde du travail avec un diplôme universitaire supérieur de type bac + 2, licence, master ou doctorat ; 22 % des jeunes actifs, arrivés sur le marché du travail en 2010 étaient au chômage en 2013. Ce taux était seulement de 14 % pour la génération 2004. Les jeunes gens d’aujourd’hui s’insèrent moins bien, avec moins de contrats à durée indéterminée et plus à temps partiel.

Comment s’assurer d’une bonne intégration dans le monde du travail ? « Le diplôme protège du chômage », répond Valentine Henrard, chef du département entrées et évolutions dans la vie active du Céreq. « Ce n’est pas un constat nouveau mais c’est encore plus vrai en période de crise, comme pour la génération 2010 arrivée sur le marché du travail en 2013. Les plus touchés sont les non-diplômés, avec un taux de chômage record de 48 %, trois ans après leur sortie d’études. Contre 32 % pour la génération 2004. Pour les diplômés du secondaire (CAP-BEP ou baccalauréat), le taux de chômage à trois ans avoisine les 25 %. À l’autre extrémité, les diplômés d’écoles d’ingénieurs ou les docteurs ont bien résisté. Trois ans après la fin de leurs études, leurs taux de chômage sont respectivement de 4 % et 6 %. »

Situation compliquée

Les sans-diplômes sont ceux qui souffrent le plus. Ils ont un accès à l’emploi moins rapide, des emplois plus précaires. Sur les trois ans de vie active analysée par le Céreq, de 2010 à 2013, ils connaissent un temps total de chômage de quatorze mois contre six mois en moyenne pour leur génération. Ils subissent aussi des emplois précaires, moins de contrats à durée indéterminée ou d’entrée dans la fonction publique et sont plus souvent touchés par le temps partiel contraint. Cela a des effets délétères pour l’ensemble de la jeune population. « Cela fait trente-cinq ans que la situation économique est compliquée, précise Nina Schmidt, chef de projet Jeunesse pour l’égalité à l’Observatoire des inégalités. Il y a tant de jeunes au chômage que les employeurs choisissent les diplômés pour des emplois moins qualifiés. Il y a un effet de fil d’attente avec des diplômés prenant la place de ceux qui le sont moins. Cela entraîne un sentiment de déclassement chez certains », note la spécialiste. « Chez les non-diplômés – les plus touchés par le chômage – on trouve beaucoup d’enfants de milieu populaire en butte à des difficultés dès le début de leur parcours scolaire, précise-t-elle. L’école valorise en effet des savoirs acquis à l’extérieur de ses murs. Cette situation amène à une forte reconduction sociale. S’ajoutent à cela des difficultés économiques. Il est compliqué pour les familles modestes de payer des études à leurs enfants. Et le déséquilibre perdure tout au long de la carrière car plus on a un diplôme faible, plus faible est le salaire. Avec des effets sur les conditions de vie, l’accès au logement, aux soins, les départs en vacances… »

Mais il existe d’autres inégalités. Elles sont de deux grands ordres : l’origine sociale et l’appartenance ethnique. Ainsi, à niveau d’études semblable, le Céreq constate que la présence d’un père ouvrier joue défavorablement sur l’insertion. Le constat est aussi valable pour les enfants issus de l’immigration. Toujours selon le Céreq, 33 % des enfants dont les deux parents sont nés en Turquie sortent du système scolaire sans diplôme contre 15 % des enfants dont les deux parents sont nés en France. De même, ce taux est de 21 % si les deux parents sont ouvriers. Alors que 7 % des docteurs ont un père ouvrier. Ils sont à l’inverse 57 % d’enfants d’un parent cadre…

Niveau d’études en hausse

Les diplômés sont donc les grands gagnants du système. Et leur nombre est croissant. « C’est la principale conclusion de mon étude, explique Boris Ménard, chargé d’études au Céreq. On observe une forte élévation du niveau des diplômés en France. Ainsi, en 2004, 13 % des diplômés de l’enseignement supérieur avaient décroché un master 2 ou bac + 5. Ils étaient 19 % en 2010. » Mais leurs salaires ont peu bougé dans ce laps de temps. De 1 300 euros net médian – en tenant compte de l’inflation – pour les non-diplômés, à 1 500 euros pour les bacs + 2/3, 2 000 euros pour les titulaires de master et 2 300-2 400 euros pour les docteurs. « Ces salaires n’ont pas bougé en dix ans. Leur pouvoir d’achat non plus. En revanche, le niveau d’études des jeunes augmente », poursuit le spécialiste de l’insertion des jeunes diplômés de l’enseignement supérieur et auteur d’un document du Céreq intitulé Sortants du supérieur : la hausse du niveau de formation n’empêche pas celle du chômage.

Les grands gagnants de ce jeu social sont les diplômés ingénieurs. « Ils sont prisés et recherchés », commente Gérard Duwat, responsable de l’Observatoire des ingénieurs de l’IESF. L’association Ingénieurs et scientifiques de France publie chaque année une enquête sur l’insertion professionnelle des ingénieurs. L’édition 2016 démontre que l’insertion se fait très rapidement après le diplôme. « 95 % des diplômés 2015 ont trouvé du travail dans les deux mois. 90 % sont en CDI », rappelle le responsable.

L’entrepreneuriat séduit

Il est donc tentant de dresser le portrait robot du jeune qui s’en sort. « Ce doit être un individu qualifié ayant fait des études supérieures d’un niveau minimum de licence bac + 3 », estime Philippe Frocrain, docteur en économie au laboratoire d’économie industrielle de l’école d’ingénieurs Mines ParisTech et auteur, avec Pierre-Noël Giraud, d’une étude sur « Les emplois exposés et abrités en France ». Ce pourrait être aussi des entrepreneurs. Le sondage, publié le 24 janvier 2017 et diligenté par l’Union des auto-entrepreneurs, sur la vision des jeunes face au contrat à durée indéterminée enthousiasme François Hurel, président de cette association représentant 400 000 des 1,3 million d’autoentrepreneurs vivant en France. « 60 % des jeunes pensent que le travail indépendant est une activité envisageable, jubile François Hurel. C’est deux fois plus que la moyenne des Français. Les jeunes ne confondent plus le travail et le salariat. Ils veulent être indépendants. » C’est le cas de Laurent Caralp, diplômé d’Audencia Business School en 2015 et par ailleurs président de Tentation fromage, une place de marché sur Internet avec 500 fromages référencés. « Je voulais créer quelque chose, précise-t-il. Je voulais innover. Le marché du fromage n’avait pas évolué depuis cinquante ans alors que les consommateurs ont beaucoup changé. J’ai lancé ma plateforme fromagère en 2015 pour digitaliser ce monde. » D’un autre côté, l’entrepreneuriat peut s’imposer, faute d’avoir été recruté. « Si c’est un choix, je conseille aux jeunes d’y aller, prévient Grégoire Leclercq, président de la fédération des auto-entrepreneurs (80 000 membres). Mais s’ils deviennent indépendants alors qu’ils souhaitent être salariés, il y a danger car la protection sociale de l’entrepreneur est moindre et la précarité plus importante. Il faut profiter de cette période de la jeunesse pour développer son entreprise, faire le tour du monde de l’économie. On est moins bien payé, plus précaire mais on se forme. C’est mon conseil pour tous les jeunes hormis pour les non-diplômés qui peuvent être confrontés à des conditions de travail indignes. »

Amélioration après trois ans

Autre solution pour s’insérer dans le monde du travail, l’intérim. Ce type de contrat représente chaque année environ 500 000 équivalents temps plein (ETP). Un quart des intérimaires ont moins de 25 ans. « L’intérim est un tremplin pour tous ces jeunes », commente François Roux, délégué général de Prism’Emploi, le syndicat fédérant 90 % de la profession des sociétés d’intérim et de placement. « Nous leur permettons de découvrir le monde du travail et il n’est pas rare qu’ils puissent poursuivre par un CDI, ajoute-t-il. Nos cabinets permettent, chaque année, l’intégration en contrat à durée indéterminée de 65 000 personnes dont 25 % de cadres. L’intérim facilite la sortie du cercle vicieux qui veut qu’on ne recrute pas les candidats sans expérience. »

Sur le plan de la formation, les résultats s’améliorent. Selon le Centre d’observation de la société, « en 1978, 41 % des jeunes de 18 à 24 ans avaient quitté le système scolaire avec, au mieux, le brevet de fin de troisième et ne suivaient aucune formation. Depuis, la proportion a été divisée par quatre et s’établit à 9,3 % en France en 2015 selon les données publiées par Eurostat ». Il faut enfin noter que la situation de ces jeunes sans formation finit par s’améliorer au bout de trois ans. Le premier emploi passe par l’intérim pour 15 % d’entre eux. 11 % connaissent les contrats aidés, 40 % les CDD et 28 % les CDI. Après trois ans dans la vie active, le taux de CDI est de 59 %, celui du CDD de 20 %, celui des contrats aidés de 8 % et l’intérim ne concerne plus que 6 % des jeunes.

Certes, les jeunes adultes ont toujours du mal à s’insérer dans le monde professionnel, mais le marché du travail s’améliore pour ceux qui ont des diplômes. Sept ans après leur sortie de scolarité, 85 % des diplômés ont signé un contrat à durée indéterminée. À l’inverse, ils ne sont que 45 % dans ce cas s’ils sont sortis non diplômés du système scolaire. Le diplôme semble bien être le meilleur rempart contre le chômage.

Auteur

  • G. G.